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Pourquoi les femmes entre elles ont souvent tendance à être leurs pires ennemies au bureau
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Querelle d'Open-Space

Les femmes peuvent adopter une conduite agressive dans le cadre de leur travail. Cette violence est principalement dirigée contre leurs collègues femmes. Il arrive que certaines d'entres-elles reproduisent des modèles de domination qu'elles ont connu dans leurs vies.

Catherine Monnot

Catherine Monnot

Catherine Monnot est anthropologue à l'EHESS et professeure d'histoire-géographie dans le secondaire.

Auteure de Petites filles d'aujourd'hui, l'apprentissage de la féminité (Autrement, 2009). Elle vient de publier aux éditions Le Vent se Lève : "Gabriela, Rom de France".

 

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Atlantico : Une blogueuse a répertorié les femmes au travail selon trois catégories : les femmes brutes agressives, les femmes agressives et passives et enfin, les brutes indifférentes. Selon les observations faites par la blogueuse, cette violence est d'abord dirigées contre les autres femmes d'une entreprise ou d'un service. Par quelles raisons expliquer que les femmes adoptent ce comportement ? Est-ce répandu ou plutôt marginal ? 

Catherine Monnot Tout d'abord le monde du travail est de facto violent pour ceux qui y évoluent: en termes de contraintes et d'objectifs, de conditions de travail, de pressions hiérarchiques ou de relations entre salariés. Cette violence est commune aux femmes et aux hommes qui la subissent, particulièrement dans les milieux compétitifs comme le commerce, la finance, les hautes technologies, etc.

Effectivement, on a pu constater un alignement des comportement féminins sur ceux de leurs homologues masculins dans les milieux professionnels les plus masculins d'un point de vue quantitatifs et symboliques: là où les femmes ne sont pas considérées comme légitimes (car minoritaires ou dans une activité jugée plus adaptée aux hommes), elles doivent  adopter, même inconsciemment, des comportement traditionnellement conçus comme masculins (autorité, compétitivité, force, endurance...) pour gagner cette légitimité et se fondre dans le groupe . Pour être acceptées par le groupe dominant, elles agissent en excluant à leur tour les dominés: en l’occurrence les hommes dominent majoritairement le monde du travail, et les femmes qui veulent intégrer le club en passent parfois par un dénigrement de ce qui est considéré comme féminin.

Quelles sont les profils de femmes les plus sujettes à adopter ce type de comportements ? Quel rôle joue leur environnement de travail ?

Plus une femme va évoluer dans un "monde d'hommes" (au travail, à l'école, au sport, etc.), plus elle va adopter des valeurs, des gouts, des comportements propres à l'autre groupe de sexe. L'inverse est tout aussi vrai d'ailleurs. Le monde du travail rémunéré est historiquement masculin, les femmes qui n'y sont réellement entrées que depuis les années 1950 sont donc toujours en train d'expérimenter et de créer leur place dans ce monde régi par des valeurs masculines (réussite, concurrence, leadership, etc.). Et la société perçoit très mal que des femmes transgressent les codes féminins traditionnels. Ainsi, les figures de la femme cadre, ingénieure, dirigeante politique ou même de la femme ouvrier en bâtiment sont  vécues socialement comme une remise en cause de la barrière entre les genres, comme une perte d'identité féminine. Ces femmes ne seraient plus tout à fait des femmes, et pour cela elles sont souvent très vivement critiquées.

Parallèlement, les femmes en général subissent de très nombreuses formes de stéréotypes et de discriminations dans le monde du travail comme ailleurs: percevoir la femme au travail uniquement dans ces aspects négatifs, en la réduisant à des figures toutes désagréables et contre-productives, c'est encore une façon de la décrédibiliser, de la délégitimer... Les femmes seraient "par nature" inadaptées aux valeurs du travail et du travail en équipe... Et que ces critiques viennent de femmes elles même est aussi révélateur du fait que les femmes peuvent tout à fait être les vectrices de ces stéréotypes et participent de perpétuer la hiérarchie entre les sexes...

Qu'est-ce que ce comportement traduit de l'évolution de la place de la femme dans la société ? Est-ce que cela résulte d'une manière de s'émanciper ? 

De façon beaucoup plus positive, on assiste aujourd'hui à la création de réseaux professionnels féminins, où les femmes s'entraident pour dépasser le plafond de verre, et où les dirigeantes acceptent la fonction de ''role model'' (modèle identitaires'') pour les femmes de leurs équipes: tutorat, mentoring, ateliers professionnels sur les techniques de communication et de négociation, réflexions sur l'articulation des temps de vie pro et perso, etc., beaucoup de pistes sont explorées par les femmes entre elles et de façon solidaire pour améliorer leur situation dans un environnement qui ne leur est pas favorable. Le monde du travail valorise aussi de plus en plus ce qui est perçu comme un "management féminin", plus collaboratif et moins coercitif, mais aussi au final plus productif et rentable pour l'entreprise. On assiste progressivement à une acceptation des valeurs et des qualités considérées comme féminines dans le monde du travail. L'apparence et les comportements "féminins" commencent à trouver leur place, même si les inégalités persistent et que ce sont bien les hommes qui détiennent 80% des postes de cadres et de dirigeants... Le chemin est encore long pour permettre aux femmes de s'émanciper réellement en s'autorisant à explorer les hautes sphères du monde du travail, ou tout simplement, que la vie professionnelle et la vie familiale ne soient plus considérés par nature comme concurrentiels. 

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