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Algérie, ce pays si riche
au peuple vivant si mal...
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Gâchis

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a adressé lundi à ses compatriotes un message mettant l'accent sur les législatives du 10 mai. Un rendez-vous attendu, aussi bien par les politiques en place qui disposent des ressources du pays, que par la population désireuse d'en finir avec l'autoritarisme et la corruption.

Algérie pays riche, peuple en difficulté... D'où vient justement ce paradoxe qui laisse l'observateur - aussi bien étranger que "national" - fort perplexe ? Comment expliquer cette dichotomie entre les immenses richesses dont dispose le pays, et le "mal-vie" de sa population ? Pourquoi des pays moins bien lotis en ressources, en l'occurrence le Maroc et la Tunisie, s'en sortent bien mieux que l'Algérie ? Ces questions qui taraudent bien des esprits peuvent pourtant trouver leur réponse dans plusieurs facteurs, dont les principaux résident dans trois traits de comportements caractéristiques :

  • La culture politique des dirigeants ;

  • La corruption tentaculaire ;

  • La mauvaise gestion des ressources.

La culture politique algérienne se caractérise par des réflexes autoritaires qui laissent peu de place aux débats, aux délibérations, à l'écoute des opinions contraires. L'homme politique algérien est un Monsieur qui "sait tout" et qui n'admet ni contradiction ni contradicteur. Dans le secteur qu'il gère (industrie, économie, finance, éducation, agriculture…), il est  le seul maître. Il est le souverain, et l'unique autorité à laquelle il doit rendre compte de ses actes, c'est bien à Son Excellence le Président de la République qui l'a nommé par le jeu de cooptation ou de quota à la tête de son poste. 


Comme il ne doit pas ce poste envié au suffrage du peuple, mais aux bonnes grâces du grand chef, il se permet alors d'avoir de grandes latitudes pour gérer le secteur qui lui est confié de manière quasi désinvolte. Un des traits pertinents de sa culture politique est le mépris qu'il affiche envers le peuple qu'il considère comme "immature", et donc incapable d'autonomie pour participer à la gestion de la chose publique. Mineur, le peuple ne peut pas se représenter lui-même, il a besoin d'être représenté… Tels sont brièvement, mais fidèlement décrits les traits constitutifs qui informent l'imaginaire de l'homme politique algérien et conditionnent ses réflexes à la fois autoritaire et sa conception rigide de l'autorité…

La corruption aussi bien économique que morale qui gangrène tous les compartiments de la société politique et civile, résulte en partie de cette singulière culture politique à relent patriarcal, et en partie de la manne pétrolière qui dispense de l'effort de réflexion, de planification et d'anticipation. Puisque Allah ou le Ciel, pour ne pas dire la France qui avait découvert le pétrole, a gratifié l'Algérie d'une source de richesse que l'on imagine inépuisable, pourquoi se tracasser dès lors à penser l'avenir en termes de prévoyance, d'anticipation et d'efforts productifs. Le pétrole est envisagé comme une aubaine, qui permet non seulement de se passer de l'agriculture, de l'industrie "introvertie", de l'effort de réflexion et de rationalisation des ressources matérielles et humaines disponibles, mais aussi de contenir les explosions de colère ou de révolte de la société, ainsi que de toutes ces "classes dangereuses" susceptibles de mettre en cause l'ordre établi. La paix civile est une obsession des dirigeants algériens, chose qui ne peut se réaliser à leurs yeux que par l'alternance de la carotte et du bâton, de la corruption tolérée et souvent encouragée en sous main. Pire, cela constitue l'un des éléments clefs de ce système de gouvernance.

Quant à la mauvaise gestion des ressources et des compétences, elle tient aux deux facteurs précités. L'autoritarisme politique et la corruption ne s'accommodent pas avec l'intelligence économique ni avec l'esprit inventif. Cela explique pourquoi le népotisme, le clientélisme et la cooptation des cadres et des élites politiques et économiques du pays ont eu pour effet de marginaliser les compétences avérées, celles qui auraient pu gérer le politique et l'économique de manière rationnelle.

Le choix des "décideurs" a toujours porté et porte encore sur des personnes au "profil bas", incompétentes, dociles, obéissantes, et toujours prédisposées a exécuter servilement les injonctions de leurs chefs, sans mot dire. L'économie est gérée sur le mode "rentier", et n'obéit à aucune règle rationnelle. C'est l'informel et le privatif qui domine les circuits économiques, et l'import-export se fait au détriment de la production de la richesse réelle. La monnaie locale, le dinar, véritable monnaie de singe n'a aucune valeur sur le marché mondial, et ne s'échange que dans le marché noir local au prix d'un énorme sacrifice de la part de l'acheteur des devises fortes au Square du Port Said d'Alger, lieu de change de devises en "plein air". A un taux prohibitif de change, il n'y a que les gros trafiquants et les spéculateurs de tout acabit qui ont les moyens... Mais les transactions ne dépassent guère les 20 000 dinars (200 euros).

Pays riche, mais dont les citoyens sont pourtant plus malheureux et plus tristes qu'une maison démeublée. Pour se changer un peu les idées et oublier leur triste sort, beaucoup d'Algériens se rendent, quand ils le peuvent, en Tunisie, pays moins riche pourtant, mais où l'ambiance est plus gaie, plus souriante et plus humaine qu'elle ne l'est en Algérie. Si l'on ouvrait les frontières terrestres avec le Maroc, il serait fort à parier que des millions d'Algériens se déverseraient par vagues successives sur ce pays dépourvu pourtant de pétrole, mais non d'esprit d'entreprise, d'ambiances joyeuses, du goût pour les fêtes, la danse et la musique populaire, toutes choses qui égayent l'âme et l'élèvent pour ainsi dire "au Paradis". 

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