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Moralisation de la vie politique et démoralisation d’En marche, la semaine contradictoire d’Emmanuel Macron
©JOEL SAGET / AFP

Paradoxe

Il croyait moraliser la vie publique, il a surtout démoralisé son camp, le Président de la République, avec ses deux textes pour "rétablir la confiance". L'opération tourne au fiasco. Elle risque même de plomber le reste du quinquennat, si l'on en juge par la chute de l'intéressé dans les sondages, qui fait de lui le Président le moins populaire de la Vè République au bout de deux mois de mandat...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Durant la campagne électorale, et en réaction à l'affaire Fillon, Emmanuel Macron avait annoncé qu'il moraliserait la vie publique dès son arrivée au pouvoir, par un grand texte qui devait renouveler la politique française. Le mois de juillet a porté un coup fatal au rêve Macron, notamment par la faute de ce texte tant promis dont le député Olivier Marleix a très bien résumé les faiblesses lors de son explication de vote lundi dernier

Avec un texte si faible et même si pernicieux, il est incompréhensible qu'Emmanuel Macron ait pu croire qu'il se crédibiliserait. 

Comment Macron a démoralisé son camp

Au premier chef, le texte du gouvernement comporte un manque essentiel: il ne touche qu'au conflit d'intérêts des députés (et encore, pas à tous), et évite soigneusement de légiférer sur les membres du gouvernement, et surtout sur les hauts fonctionnaires

Ce petit oubli a empoisonné une grande partie du débat. Il a aussi jeté le trouble sur les véritables intentions du texte: Emmanuel Macron profite-t-il de l'affaire Fillon pour diminuer un certain nombre de verrous qui bloquent les hauts fonctionnaires ou les ministres? Pas impossible...

L'affaire Pénicaud, celle qui tombe mal

Ce doute n'a pu qu'être nourri par le contexte désastreux qui a entouré la discussion. Pendant que les députés s'écharpaient sur ce texte, la presse révélait que Muriel Pénicaud avait amassé plusieurs millions, lorsqu'elle était DRH chez Danone, après l'annonce d'un plan social. 

Manifestement, la presse subventionnée n'a pas cherché à faire ses choux gras de cette affaire. Mais le buzz a fait son chemin. Il n'en fallait pas plus pour illustrer la toxicité des conflits d'intérêts au sein d'une équipe ministérielle. Un sujet bien plus embarrassant qu'à l'Assemblée. 

Mais, sur ce point, le gouvernement a avancé à découvert et le piège s'est refermé sur lui. 

La future affaire Kohler, que la presse subventionnée étouffe

La presse subventionnée se bat encore pour étouffer une autre affaire embarrassante: celle de la nationalisation "temporaire" de STX qui devrait permettre de céder les parts de Fincantieri au croisiériste italien MSC. MSC est un excellent client de STX. Mais c'est aussi l'entreprise installée en Suisse qui avait recruté Alexis Kohler comme directeur financier durant la campagne électorale de Macron. 

Et Kohler est aujourd'hui secrétaire général de l'Élysée, présenté comme très influent par les initiés. Tôt ou tard, une âme bien intentionnée (l'Italie en compte un certain nombre) se fera un plaisir d'allumer la mèche de cette bombe à retardement

Elle illustrera à merveille la question du conflit d'intérêts des hauts fonctionnaires. Celle que le gouvernement occulte savamment. 

Comment la société civile a démoralisé le débat démocratique

Tous ces points techniques ne seraient probablement pas parvenus aux oreilles des citoyens ordinaires, si l'équipe d'En Marche qui a pris possession de l'Assemblée Nationale s'était comportée de façon efficace et respectueuse des droits de l'opposition. 

Dans la pratique, la conduite des débats s'est transformée en chaos. Abandonné aux innombrables vice-présidents de l'Assemblée dont la compétence n'a éclaté aux yeux de personne, le texte a connu un vrai chemin de croix, en l'absence constante du ministre des relations avec le Parlement et du président du groupe En Marche. 

Emmanuel Macron avait promis un renouvellement, et le recrutement des meilleurs experts aux postes qui allaient bien. La promesse, là encore, n'est pas tenue. 

La déception risque d'être d'autant plus grande que le groupe parlementaire En Marche est en situation délicate. D'une part, il a donné le sentiment d'une profonde arrogance jointe à une grande incompétence. D'autre part, il porte désormais en lui des ferments de contestation. 

En Marche et les germes de la fronde

Lors des discussions sur le monopole de Bercy en matière de poursuite fiscale, la majorité a montré des signes de tension interne. C'est le rôle même de Richard Ferrand, président du groupe, qui est remis en cause. 

Bref, ce texte qui ne figurait pas dans le programme initial d'Emmanuel Macron et qui est devenu une sorte de leit-motiv de campagne, se transforme en Berezina douloureuse pour la majorité. 

Sur le fond, Macron porte un mépris profond pour le parlementarisme dont l'inconvénient apparaît aujourd'hui clairement. Il risque de se payer cher. 

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