Pourquoi le Luxembourg leurre les entreprises en leur faisant miroiter la possibilité d’exploiter les capacités minières extra-terrestres<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Pourquoi le Luxembourg leurre les entreprises en leur faisant miroiter la possibilité d’exploiter les capacités minières extra-terrestres
©Reuters

Fausse promesse

Selon l'article 2 du traité de 1967 sur l'espace extra-atmosphérique, celui-ci, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen.

Armel Kerrest

Armel Kerrest

professeur émérite de droit public à l'Université de Bretagne Occidentale, Fondateur de l'Institut de Droits des Espaces Internationaux et des Télécommunications, président de l'Association pour le développement du droit de l'espace en France (ADDEF)

Voir la bio »

Atlantico : Le 1er août 2017, entrera en vigueur la nouvelle loi dont vient de se doter le Luxembourg encadrant les activités liées à l'exploitation à l'utilisation des ressources spatiales. Celle-ci permettra aux entreprises installées aux Luxembourg de pouvoir par exemple, dans un avenir peut-être proche, miner des astéroïdes. Mais est-ce aussi simple? Le Luxembourg a-t-il réellement le droit d'accorder de telles faveurs?

Armel Kerrest : Naturellement la question n'est pas aussi simple. On peut l'examiner sous deux angles différents.

On peut se demander si le Luxembourg est en droit d'autoriser une société Luxembourgeoise à exploiter les ressources minérales des corps célestes. Il est évident que ce n'est pas le cas. Ni le Luxembourg ni les États Unis ne sont en droit d'exercer des droits souverains sur les corps célestes. Ceci est expressément interdit par l'article 2 du traité de 1967 sur l'espace. L'argumentation assez surréaliste qu'ils utilisent consiste à soutenir qu'ils ne revendiquent pas la souveraineté mais seulement le droit d'exploiter les ressources. Comme si on pouvait autoriser quelqu'un à exploiter des ressources sans avoir aucun droit sur le territoire concerné.
La question s'est déjà posée pour les fonds marins. Une solution internationale a été mise en place. C'est l'autorité des fonds marins qui au nom de l'humanité peut autoriser une entreprise à prospecter et à exploiter des ressources qui sont communes.

Il est tout à fait possible d'exploiter les ressources minérales des corps célestes mais il est indispensable de mettre en place d'abord un cadre juridique international comme cela a été fait pour les fonds de la haute mer.

L'autre point de vue à prendre en compte est la question de la sécurité juridique et de la sécurité tout court des activités que pourraient conduire des sociétés bénéficiant d'une autorisation du gouvernement Luxembourgeois. La décision de ce gouvernement n'empêche naturellement pas un autre gouvernement de donner une autorisation d'exploitation pour le même corps céleste,  peu sont en situation d'être exploiter. On voit ici les risques de confrontation.
En outre si des produits sont rapportés sur terre il sera possible de poursuivre pour vol la société Luxembourgeoise devant des tribunaux d'un autre État.
Comme le remarque le Conseil d'Etat du Luxembourg lui même dans un avis plein de bon sens, aucune sécurité juridique ne peut véritablement être accordée par le Luxembourg pour cette activité qui par ailleurs est très coûteuse et techniquement hasardeuse.

Aujourd'hui, quelles sont les lois qui réglementent l'espace extra-atmosphérique?

La loi fondamentale en cette matière est le traité de 1967 sur l'espace. Il est très largement accepté. Il interdit dans son article II toute appropriation de l'espace et des corps célestes quel que soit le moyen de cette appropriation.
Une bonne indication qui montre que quels que soient les arguments spécieux utilisés, l'appropriation des ressources minérales se heurte au traité est que certains aux États-Unis demandent maintenant la suppression de ce traité ce qui serait une source catastrophique d'instabilité internationale.

Pourquoi l'exploitation des astéroïdes est-elle aussi intéressante pour certaines sociétés? Peut-on s'inquiéter, à l'avenir, d'un changement de position mondial sur l'exploitation des ressources spatiales?

Il est très douteux qu'il soit possible d'exploiter de manière financièrement rentable les ressources minérales des corps célestes avant de très nombreuses années où dizaines d'années. On peut penser qu'il s'agit plus   d'un fantasme d'appropriation prélude à une appropriation des corps célestes eux même comme une colonisation au profit de certains de ce qui doit rester commun à tous les habitants de notre planète.

On peut en effet s'inquiéter de cette évolution pour plusieures raisons. D'une part elle ne peut manquer d'attiser les conflits Internationaux. Il suffit de voir la situation en mer de Chine pour s'en convaincre.

D'autre part une telle perspective pourrait conduire à envisager comme possible une exploitation sans retenue des ressources terrestres puisqu'il deviendrait envisageable de trouver des ressources très hypothétiques dans les corps célestes.

De manière plus générale cette évolution montre l'impossibilité où nous nous trouvons d'avoir une vision globale et humaniste de la gestion des ressources de la terre et des corps célestes qui l'entourent.

Si l'on continue dans le " USA first" "Luxembourg d'abord " l'humanité sera incapable de laisser de côté les égoïsmes de chacun pour envisager une gestion rationnelle et prudente. Quelle terre, quelle humanité, quelle culture allons nous laisser à nos enfants et petits enfants?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !