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Un an après l'assassinat du père Hamel, voilà où en sont les catholiques et l'islam en France
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Un an après

Le meurtre du père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray par deux djihadistes l'an passé avait réactivé la crainte de tensions communautaires en France entre musulmans et catholiques. Un an après, le recul de l'influence de l'islamisme radical reste une priorité absolue chez les français.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Le meurtre du père Jacques Hamel dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray avait constitué un véritable choc dans la population et a fortiori chez les catholiques. Si les plus hautes autorités de l’Eglise et les représentants du culte musulman ont fait front commun face à la barbarie et ont appelé à communier dans un message de paix, cette nouvelle attaque djihadiste visant très symboliquement un prêtre dans son église avait réactivé la crainte de tensions communautaires et de représailles de la part de catholiques vis-à-vis de musulmans.

Un an après dans un sondage IFOP réalisé pour l'agence de communication Nocom le baromètre de la transformation) on constate que c'était la lutte contre l'islamisme radicale qui apparaissait comme l'un des sujets sur lesquels les français attendaient le plus d'améliorations dans les prochaines années. 61% estimaient que le recul de l'influence de l'islamisme radical était une priorité absolue.  Ce sondage a été fait une fois qu'Emmanuel Macron est rentré en fonction et quelques jours après l'attaque des champs Élysées. Il y avait un contexte d'actualité très brulant, mais cela montre que si certaines enquêtes enregistrent une certaine décrispation relative sur cette question du rapport à l'islamisme -par rapport au pic des mesures qui ont peuvent être faites dans la foulée du massacre de Nice ou du meurtre du père Hamel-, cette thématique n'a pas du tout disparu de l'agenda des français. Et elle demeure un des sujets qui taraude le plus en profondeur notre pays. 

Selon le Pew Research Center, près d'un français sur deux s'estime encore concerné par l'islamisme radical. Ce qui peut vouloir dire menacé ou inquiété. On voit que c'est un vrai sujet de préoccupation même si assez logiquement la pression s'est un peu relâchée par rapport à l'année précédante. Nous avons en permanence des éléments qui remettent ce sujet dans le cœur de l'actualité (qu'il s'agisse d'attaque ou de démantèlement de cellule. Tout cela entretien un bruit de fond permanent plus ou moins intense selon les périodes. 

1- Une crispation croissante des catholiques pratiquants vis-à-vis de l’islam…

Différents indicateurs témoignaient en effet ces dernières années d’un raidissement vis-à-vis de l’islam, encore plus prononcé parmi les catholiques pratiquants que dans l’ensemble de la population. Cela se manifeste à la fois pour ce qui est de la menace que ferait peser la présence d’une communauté musulmane sur l’identité de notre pays, mais plus encore en ce qui concerne l’influence et la visibilité de l’islam en France. Tout se passe comme si les catholiques pratiquants, qui se sentent démographiquement en déclin et qui, avec le débat puis l’adoption du mariage pour tous, avaient pris encore davantage conscience que par le passé du fait qu’ils étaient désormais largement minoritaires dans la société française d’aujourd’hui, ressentaient de plus en plus en mal la visibilité accrue de l’islam dans l’espace public. A leurs yeux, le dynamisme dont ferait preuve l’islam viendrait ainsi concurrencer un catholicisme beaucoup plus anciennement installé mais aujourd’hui en perte de vitesse. 

Qu’il s’agisse de la levée de boucliers suite à la recommandation de l’Association des Maires de France de ne plus installer de crèches de Noël dans les mairies afin de respecter à la lettre le principe de laïcité ou du succès de la pétition lancée par Valeurs Actuelles pour refuser que des églises ne soient converties en mosquées, suggestion très maladroite du recteur de la grande mosquée de Paris Dalil Boubakeur, car symbolisant principalement l’effacement du catholicisme au profit d’un islam dynamique, on constate que toute une partie de la France catholique se mobilise très rapidement sur ce type de sujets « identitaires ». On retrouve dans les enquêtes d’opinion de nombreux signes de cette crispation croissante, qui se polarise notamment sur les attributs symbolisant cette visibilité accrue de l’islam dans le paysage.

Entre octobre 2012 et avril dernier, l’opposition à la construction de mosquées est ainsi devenue largement majoritaire parmi les catholiques pratiquants et a progressé de 15 points, contre une hausse de 9 points dans l’ensemble de la population. Dans le même mouvement, l’opposition au port du voile ou du foulard  islamique dans les écoles publiques, qui ne ralliait que 54% des catholiques pratiquants (une partie d’entre eux voyant peut être à l’époque cette interdiction comme un signe d’une trop rigide laïcité de l’école républicaine dont les catholiques auraient souffert par le passé) est désormais partagée par 67% d’entre eux, soit une progression de 13 points en 4 ans alors que ce score demeurait parfaitement stable dans l’ensemble de la population. 

2- …et une réticence à l’accueil de migrants musulmans 

Cette crispation vis-à-vis du développement de l’islam, mais aussi l’inquiétude face à la menace terroriste, sont à l’origine du trouble profond qu’a créé la crise des migrants parmi les catholiques français. Un sondage Ifop pour Pèlerin réalisé en septembre 2015[1] montrait que si 58% des catholiques pratiquants approuvaient la demande du Pape selon laquelle chaque paroisse d’Europe devait accueillir une famille de migrants, 31% la désapprouvaient et 11% y étaient indifférents, cette position d’indifférence voire d’opposition étant assez rare chez des pratiquants lorsqu’il s’agit de la parole papale. Le fait que ces migrants soient musulmans a sans doute joué sur la réticence d’une partie des catholiques français à pratiquer la charité chrétienne. On se souvient que plusieurs maires de droite avaient signifié qu’ils étaient prêts à accueillir des migrants dans leur ville mais uniquement des chrétiens. Et dans le même ordre d’idées, on rappellera qu’en août 2014, après la prise de Mossoul par l’Etat islamique, 76% des catholiques pratiquants étaient favorables à ce que la France accueille des chrétiens d’Orient[2], alors que cette proportion n’était plus que de 48% en septembre 2015 lorsqu’il s’agissait des migrants, très majoritairement musulmans.

Comme on peut le voir dans le tableau suivant, cette adhésion molle à l’accueil de migrants parmi les catholiques pratiquants allait encore s’éroder, puisqu’en mars 2016, ils n’étaient plus que 38% à se dire favorables soit une baisse de 10 points en six mois, alors que le recul n’était que de 4 points dans l’ensemble de la population.

[1] Sondage réalisé par internet du 16 au 21 septembre 2015 auprès d’un échantillon national représentatif de 2997 personnes.

[2] Sondage Ifop pour Le Figaro réalisé par internet de 30 juillet au 1er août 2014 auprès d’un échantillon national représentatif de 1002 personnes. 

Pour contrer cette nette tendance baissière, il fallut le déplacement du Pape à Lesbos. A la suite de ce voyage papal très médiatisé, l’adhésion à l’accueil progressa ainsi de 4 points dans l’ensemble de la population mais cette hausse atteignit 16 points (de 38 à 54%) parmi les catholiques pratiquants[1]. Le geste symbolique fort du Pape François de ramener avec lui au Vatican 12 migrants musulmans a manifestement provoqué une prise de conscience parmi des catholiques pratiquants partagés entre charité chrétienne et peur face au terrorisme ou au développement dynamique de l’islam en France. Le geste du Pape n’eut en revanche quasiment aucun impact auprès des catholiques non pratiquants (l’adhésion passant de 35 à 37% parmi eux) chez qui le devoir de miséricorde ne contrebalance pas l’inquiétude sécuritaire et identitaire.

Cette inquiétude sécuritaire et identitaire des catholiques, et notamment des non pratiquants beaucoup moins sensibles au message papal, se mesure également à la différence d’attitude selon qu’il s’agisse des migrants en général (de fait très majoritairement musulmans) ou des chrétiens d’Orient. Une semaine après l’enquête pour La Vie précédemment citée, l’Ifop reposa exactement la même question mais en remplaçant le terme « migrants » par « chrétiens d’Orient »[2]. A l’instar que ce que nous avions constaté en comparant les chiffres obtenus à l’été 2014 au moment de la chute de Mossoul, ville à forte population chrétienne, et en septembre 2015, au pic de la crise des migrants, les résultats obtenus ne furent pas du tout les mêmes. 62% des Français étaient favorables à l’accueil de chrétiens d’Orient soit 16 points de plus qu’une semaine plus tôt que pour ce qui est de l’accueil des migrants en général. 

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