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Eva Joly en perdition : Le PS a-t-il encore besoin des Verts pour gouverner ?
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Trompe l'oeil

Dans les sondages, Eva Joly n'est crédité que de 1% des votes, alors que Jean-Luc Mélenchon en récolte 11%. Un tel score met-il en péril le l'accord entre Europe Écologie-Les Verts et le PS? Dominique Voynet a déclaré le "craindre", jeudi dernier...

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Dominique Voynet a déclaré jeudi  "craindre" une remise en cause de l’accord passé en novembre dernier entre EELV et le PS. Celui-ci pourrait-il être remis en question avec une Eva Joly à 1% dans les sondages et un Jean-Luc Mélenchon à 11% ?

David Valence : La situation apparaît à première vue paradoxale, il est vrai. Cela tient au carambolage de deux élections à logiques complètement différentes : au premier tour de la présidentielle, il faut exister à tout prix, aux législatives, il faut impérativement passer des accords, dans une logique de coalition gouvernementale. C'est l'inconvénient de la concomitance des deux scrutins depuis la réforme du quinquennat : leurs logiques se superposent et les électeurs n'y comprennent plus rien.

Pour répondre plus précisément à votre question, je dirais que dans ce cas précis, il y aura sans doute remise en cause de l'accord conclu il y a plusieurs mois dans une petite dizaine de circonscriptions, pour partie gagnables par la gauche. Il s'agit de circonscriptions ou un candidat EELV devait bénéficier de l'investiture PS sans que sa légitimité soit reconnue par les militants socialistes.

Dans ces circonscriptions, les socialistes finiront peut-être par investir un des leurs qui, localement, s'était senti lésé par l'accord EELV-PS. Il n'y aura pas donc de remise en cause globale, mais des coups de canif précis dans le contrat de la part du PS. Pour autant, et même si les électeurs verront peu de différences hormis dans quelques circonscriptions, ces coups de canif feront mal aux écologistes, qui ont peu de parlementaires nationaux et espéraient en gagner en juin 2012.

En novembre dernier, lorsque l’accord EELV/PS a été signé, Jean-Luc Mélenchon avait regretté que les écologistes ne passent pas d’accord avec son parti du Front de Gauche. Est-il en train aujourd’hui de prendre sa revanche?

Communistes et écologistes s'affrontent depuis le début des années 1990 pour la place de "seconde force politique, a gauche, derrière le PS". Depuis les européennes de 1999, la dynamique était plutôt du coté des écologistes.

La nouveauté de cette présidentielle, c'est que le candidat des communistes n'est pas un communiste. Jamais le PCF, qui a une image de parti sclérosé, n'aurait pu rassembler des soutiens aussi varies que ceux qui se portent aujourd'hui sur Jean-Luc Mélenchon.

La question est donc de savoir si le Front de gauche va devenir un vrai parti, et non une coquille communiste occupée par un ex-socialiste. Si le Front de gauche ne recrute pas, dans la durée, de nouveaux militants, et ne conserve que ceux du PCF, je ne donne pas cher de la pérennité du phénomène Mélenchon. Je ne vois pas, mais alors pas du tout les électeurs écologistes voter pour des candidats communistes aux élections législatives ou locales !

Au reste, il ne faut surestimer la "tentation Melenchon" chez les électeurs écologistes. La "tentation Hollande" ou la "tentation Bayrou" sont aussi fortes pour eux…

N’est-ce pas surprenant pour le PS de passer un accord pour les législatives avec un parti dont la candidate est à 1% dans les sondages et non avec celui qui se trouve pour l’instant à 11% ?

Votre question met en avant toute l'ambiguïté des institutions de la Vème République. L’élection présidentielle concentre toutes l'attention, c'est la mère des élections, le président de la République concentre entre ses mains énormément de pouvoirs... Et pourtant il ne peut gouverner sans majorité au Parlement. Or, on peut gagner une présidentielle sans accord électoral préalable, mais on ne gagne pas des législatives sans cela.

C'est donc bien a un carambolages de stratégies et de logiques concurrentes qu'on assiste, pour autant que les deux scrutins se suivent de près. 

Justement en matière de stratégie, Daniel Cohn Bendit avait-il finalement raison lorsqu’il souhaitait que les Verts ne présentent aucun candidat à la présidentielle pour être en position de force lors des négociations pour les législatives ?

Les écologistes ont un rapport d'amour-haine avec la présidentielle. Ce scrutin leur a en effet permis d'émerger comme force politique, avec René Dumont en 1974, Brice Lalonde en 1981, Antoine Waechter en 1988. Mais depuis qu’ils sont véritablement devenus une force politique importante, au début des années 1990, leurs résultats à la présidentielle n’ont guère été convaincants. Y compris en 2002, ou Noël Mamère, avait péniblement rassemblé 5% des voix!

À ce paradoxe, je vois plusieurs raisons. Je note d'abord que les écologistes manifestent une résistance constante à la personnalisation de la vie politique. Ils n'ont aucune culture de discipline partisane. Du coup, après qu'un candidat a été désigné par eux, l'infortune(e) peut très bien se faire canarder par son propre camp, comme Eva Joly par Noël Mamere et Daniel Cohn-Bendit. Cela ne peut que l'affaiblir

A cela s’ajoute la crise : c’est l’économie qui est au cœur de la campagne et non l’écologie.

Par ailleurs, l’électorat des écologistes est très fluide, on le sait. Il est plus diplômé que d'autres électorats, répugne aux consignes de vote, ... Une part importante des électeurs  qui votent pour les écologistes lors d’élections locales se tourne vers Hollande, Bayrou ou Mélenchon lors de cette présidentielle.

Le fait que Chevènement ait rejoint les Verts joue-t-il aussi contre le maintien de l’accord EELV/PS ?

Non, pas fondamentalement. Le ralliement de Chevènement à Hollande n'est pas tout à fait logique, car intellectuellement, Chevènement est désormais plus proche de Mélenchon que de Hollande. Mais au-delà de quelques aspects symboliques dans le projet, Jean-Pierre Chevènement voulait surtout obtenir des circonscriptions pour les siens. Son ralliement ne change rien aux rapports entre écologistes et PS. Il est assez anecdotique.

Quid de François Hollande qui n’a pas négocié personnellement cet accord passé entre le PS et les Verts ?

Effectivement, au carambolage des élections présidentielle et législative et de leurs logiques concurrentes correspond, au PS, une double autorité : celle du candidat Hollande d'une part et celle de la première secrétaire Martine Aubry d'autre part. Le PS est un des seuls partis européens dont le leader n'est pas le candidat naturel à la présidentielle ! C'est donc Martine Aubry qui a négocié un accord électoral pour les législatives, accord que le candidat Hollande doit endosser. 

Hollande ne peut guère renégocier l'accord EELV-PS maintenant, sous peine de compromettre sa stature de présidentiable en semblant se préoccuper de "basses" question électorales. On le sait pourtant beaucoup moins sensible que Martine Aubry a la petite musique des écologistes, qu'il avait malmenés à l'époque où il dirigeait le PS...

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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