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Abdel Madjid Lalem : "J’ai été trahi par Madame la France"
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Trahison

Ce dimanche est marqué par le cinquantième anniversaire des accords d'Evian. Mais quand Abdel Madjid Lalem pense à l'Algérie, l'amertume et la colère l'envahissent, dominant tout autre sentiment. Il faisait partie de ces "Harkis, soldats abandonnés" (Extrait 2/2).

Abdel Madjid Lalem

Abdel Madjid Lalem

Il a été décoré de la Légion d'honneur. Il en est très fier mais en parle peu. Même la plus haute distinction française n'est pas parvenue à apaiser sa douleur d'avoir été "trahi" et abandonné. Lorsqu'il s'est engagé, en 1958, il était pourtant si fier d'être devenu un para au 3e régiment parachutiste d'infenterie de marine. Il croyait en sa seule famille, L'Algérie française.

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Mais je suis en colère. Qu’est-ce que me donne la France, aujourd’hui, pour ce que j’ai fait ? Double zéro. Et je ne suis pas le seul. J’ai été trahi par Madame la France. De Gaulle, le grand combattant de Gaulle, a donné le pays à une poignée d’Algériens. Ce n’est pas un homme, de Gaulle. Je ne suis pas le seul à le dire. De Gaulle, il est mort, il est tranquille. Mais moi, je souffre de ses conneries encore aujourd’hui, comme beaucoup d’autres.

J’étais présent sur la place du Gouvernement général, à Alger, quand de Gaulle a fait son célèbre discours et qu’il a dit : « Je vous ai compris. » Il y avait beaucoup de monde sur cette place. Avec son « Je vous ai compris », de Gaulle a endormi tout le monde : les pieds-noirs, les Français, les Algériens. Les Français pensaient qu’il les avait compris, parce qu’il voulait garder l’Algérie. Et les Algériens, ils étaient contents d’entendre dire « Je vous ai compris », et ils ont réussi à avoir leur pays. Moi, je pensais que l’Algérie allait rester française.

Les harkis ont été trahis. Pourquoi de Gaulle n’a-t-il pas sauvé tous les harkis qui ont été tués, après le cessez-le-feu, par les fellaghas ? Il a tellement endormi le peuple qu’il a fini par trahir. C’est un déshonneur pour moi, parce qu’il m’a abandonné, qu’il a abandonné les autres.

Trahison

Je voulais que l’Algérie reste française, c’est ce qu’on m’a ancré dans la tête, j’ai grandi avec ça. Je vis l’indépendance comme une déchirure, et la plus grosse des déchirures, c’est de ne pouvoir me recueillir sur la tombe de mes parents.

On a choisi la France, je pense qu’on a choisi le mauvais camp. Si on avait su, je n’aurais pas fait ce choix. J’aurais peut-être même été de l’autre côté. J’aurais peut-être même appuyé les fellaghas, si j’avais su que j’allais être trahi. Quelquefois, cette idée me réveille dans la nuit. J’en rêve même parfois.

J’ai tout donné à Madame la France. J’ai la carte d’ancien combattant. Mais ça ne m’apporte que des cailloux, ça ne sert à rien.

J’ai souffert, j’ai été torturé, et aujourd’hui l’Algérie pour laquelle je me suis battu, je ne peux même pas y aller. Pourquoi les harkis sont-ils morts ? Pourquoi ont-ils été emprisonnés ? Ils ont donné leur vie, et ils sont morts pour rien... L’amertume, à qui on la raconte ? Qui va vous écouter ? Qui va bouger le plus petit bout de doigt pour vous ? Aujourd’hui, je regrette de m’être battu pour la France qui m’a abandonné. Tous ces gens sont morts pour rien.

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Extrait deHarkis, soldats abandonnés,XO EDITIONS (23 février 2012)

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