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Ces principes sur lesquels doit s'appuyer la ministre de l'enseignement supérieur pour en finir avec le tirage au sort à l'université
©Pixabay

Contrat de réussite étudiante

Le système du tirage au sort à l'entrée à l'université devrait être abandonné. Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation propose ce lundi une grande concertation avec les représentants des Université et les syndicats pour repenser le système d'entrée à l'université.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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​Atlantico : Frédéric Vidal, ministre de l'Enseignement Supérieur va réunir une grande concertation le 17 juillet prochain avec les représentants des universités et les syndicats. Elle veut mettre fin au système du tirage au sort à l'entrée des étudiants à l'Université. Comment comprendre ce recul ? Est-ce une bonne mesure ? 

Jean-Paul Brighelli : C'est moins un recul qu'une mesure de bon sens. Le tirage au sort, en dehors (et à cause) de son caractère aléatoire et profondément injuste, pouvait être contesté par n'importe quel étudiant refoulé et par le Conseil constitutionnel, ou n'importe quel tribunal administratif, lui aurait donné raison.

Aucun gouvernement n'a voulu tenir compte de l'effet baby-boom amorcé au milieu des années 1990. On se retrouve aujourd'hui avec des situations ingérables. Et c'est vrai dans le Supérieur comme dans le Primaire ou, le Secondaire. Mais enfin, une France en reconstruction, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, a su gérer une situation de même ampleur. Et la France de 2017 ne le pourrait pas ? Serait-ce que nous avons, pour l'argent, d'autres priorités ? Que l'on ne me dise pas que nous vivons au dessus de nos moyens : l'année dernière la fortune des riches a augmenté en moyenne de 21% l'année dernière. Et la fortune des 500 Français les plus riches a été multipliée par sept en 20 ans.

Quant aux solutions, elles existent. Reste à voir si Frédéric Vidal voudra les mettre en œuvre. Il faut opérer une vraie sélection à l'entrée des facs en laissant celles-ci libres de l'organiser comme elles l'entendent. En affichant des numerus clausus clairs selon les formations. Les foules qui par exemple veulent s'inscrire en STAPS vont dans le mur, si l'on considère le nombre de profs d'EPS (le débouché le plus naturel) que l'on embauchera dans cinq ou six ans.

En fait, il faut étendre à tout l'enseignement supérieur ce qui se fait aujourd'hui dans 40% des formations post-Bac (IUT, BTS, Prépas, facs à dérogation du type de Dauphine, etc.). Sélectionner sur dossier  en réorientant les candidats non classés vers un autre voie, plus à leur portée. C'est ce que fait Médecine à Bac + 1.

Entre 150 000 et 200 000 nouveaux étudiants sont à réaffecter dans le système d'insertion post-bac. Qu'est-ce qui pourrait être mis en oeuvre à la place pour gérer les différentes demandes d'inscription ? 

Il faut impérativement que les demandes des étudiants soient réalistes, et conformes à leurs capacités : d'où la nécessité de s'appuyer globalement sur le livret scolaire pour examiner les demandes et non sur un algorithme déjà dépassé. Une démagogie sans limites a ainsi permis aux titulaires d'un Bac Pro de s'inscrire en université : le taux d'échec, au niveau L1? est de 98% ; au niveau L3, il est de 100%. À quoi bon les bercer d'illusions, les berner, et les laisser foncer dans le mur, alors que les sections de BTS ont été inventées, à l'origine, pour ces publics et qu'elles donnent d'excellents résultats ? Alors même que l'apprentissage est une voie pleine de promesses ?

Les très bons élèves recrutés en Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE) ne sont eux-mêmes pas à l'abri de surprises dérangeantes, une fois qu'ils sont confrontés à la vérité des prix, qu'on leur a soigneusement dissimulée des années durant dans le Secondaire. Alors, imaginez des élèves plus incertains…

Il faut par ailleurs impérativement dissuader, ce serait le rôle des Conseillers d'Orientation des lycéens d'aller dans des formations sans débouchés réels comme Psycho, par exemple, ou Sociologie ou la Gestion d'Evénements festifs. C'est joli, ça brille, mais quels métiers réels à l'arrivée ? Nous fabriquons des générations de frustrés qui ont cru faire des études et se retrouvent caissiers en grandes surfaces.

Est-il à craindre que les primo accédant en première année de licence à l'Université ne viennent grossir les rangs du nombre d’étudiants qui échouent dans leur première année ? Comment prendre en charge ces élèves pour leur éviter l'échec ? 

Il faut, en attendant que Jean-Michel Blanquer ne remette le collège et le lycée sur leurs rails, un travail de très longue haleine pour lequel il faudrait des moyens et de l'imagination, inventer des sas, des propédeutiques disait-on autrefois, des "années zéro" de remise à niveau. Ça se fait déjà dans certaines universités (en maths à Orsay par exemple), tout comme d'autres facs ont institué des cours d'orthographe. Les CPES (Classes Préparatoires à l'Enseignement Scientifique) mises en place dans quelques formations de CPGE, qui sont en fait des prépas à la prépa, peuvent de servir de modèle. Cela coûte cher, mais combien coûte l'ignorance élevée au rang de système depuis trente ans ? Ce serait un bon moyen d'utiliser sainement les professeurs agrégés en université, à condition de les recruter avec une certaine expérience du lycée et des horreurs qui s'y commettent. 

Il y a d'un côté des mesures d'urgence à inventer, à très court terme (trier, sélectionner, orienter et prendre par la main), et à long terme prendre la décision, dans le cadre désormais imposé de l'autonomie des universités, de faire du Bac un examen de fin d'études (et non le premier degré des titres universitaires) et de laisser chaque fac trier comme elle l'entend. Ou ne pas trier, au nom des grands principes, mais il faudra alors que les enseignants du Supérieur assument leurs sentiments humanitaires, sachant qu'ils n'auront pas un sou de plus et probablement un peu moins. Relever les droits d'inscription (déjà élevés pour quiconque appartient à cette frange de professions intermédiaires qui n'a pas droit aux bourses et n'a pas les moyens de payer) serait une injustice aussi bouleversante que le tirage au sort : c'est par des moyens pédagogiques comme la sélection, l'orientation, le dialogue en amont que l'on peut réorienter les flux qui aujourd'hui se pressent tous dans les mêmes voies sans issue.

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