Avantage aux plus aisés dans les mesures fiscales du gouvernement : faut-il s'inquiéter d'un creusement des inégalités ou espérer un effet vertueux sur la croissance qui bénéficiera à tous ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Avantage aux plus aisés dans les mesures fiscales du gouvernement : faut-il s'inquiéter d'un creusement des inégalités ou espérer un effet vertueux sur la croissance qui bénéficiera à tous ?
©Capture d'écran Dailymotion

Ca creuse ?

Les mesures du gouvernement Philippe destinées à encourager l'investissement dans les entreprises divisent. Le Financial Times notamment évoque un creusement des inégalités et qualifie de "pro-business" la politique économique du gouvernement.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

Voir la bio »

Atlantico : Y-a-t-il un risque avec ces mesures de voir les inégalités sociales se creuser d'avantage ?

Philippe Crevel : Selon une récente étude de l’INSEE, les inégalités ont eu tendance à se réduire depuis 2011 du fait de l’augmentation des prestations au profit des revenus les plus modestes et en raison du relèvement des impôts frappant les 20 % des Français les plus riches. La France est un des pays où l’écart de revenus est faible, surtout après prise en compte des prestations sociales.

Est-ce que les mesures projetées par le Gouvernement remettront en cause cette situation ? La transformation de l’ISF en un impôt immobilier devrait réduire le poids de cet impôt de 3 milliards d’euros. La flat tax devrait diminuer de 1,5 milliard d’euros les prélèvements sur les revenus de l’épargne financière. L’ISF compte 350 000 redevables dont un nombre important le sont au titre de leur patrimoine immobilier. La sortie des valeurs mobilières de l’assiette favorisera certes les plus riches d’entre-eux mais aussi ceux qui détenaient des participations dans des entreprises familiales. L’ISF est jugé de longue date comme un impôt stupide et contreproductif. Il incite des contribuables soit à réaliser des montages complexes, soit à s’expatrier pour y échapper. Du fait que l’ISF est un impôt sur la valeur du patrimoine, il pouvait aboutir en raison de la baisse notamment des taux d’intérêt à un prélèvement supérieur aux revenus générés par les biens concernés.

La mise en place de la flat tax avantagera les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu au taux de 30 % et au-delà. La très grande majorité des épargnants se situent dans cette catégorie. La fiscalité de l’épargne a été fortement alourdie à partir de 2010 et surtout en 2012 avec la suppression des prélèvements libératoires. Il y a donc un retour à la normale.  Le taux d’impositions des revenus du capital a dépassé sous François Hollande les 55 % pour un certain nombre de produits. Revenir à 30 % d’imposition n’est pas un cadeau fiscal, c’est revenir à une juste taxation permettant à l’épargne de s’investir dans l’économie.

A côté des mesures concernant l’ISF et la flat tax, il faut citer la taxe d’habitation qui concernera les Français les plus modestes. La baisse portera sur 3 milliards d’euros en 2018 et sur 10 milliards d’euros en 2020. La taxe d’habitation est pour de nombreux Français le principal impôt acquitté. En outre, il a tendance, ces dernières années, à fortement augmenter. Cette mesure devrait compenser les effets des deux premières mesures selon un balancé tout technocratique.

Quel effet sur la croissance peut avoir ces réformes ?

Avec des prélèvements obligatoires qui capent près de 45 % de la richesse nationale, les mesures annoncées sont dans l’épaisseur du trait. Ce n’est pas un souffle fiscal mais une vaguelette. 11 milliards d’euros redistribués quand ces dernières années, les hausses ont atteint une quarantaine de milliards d’euros. Le compte n’y est pas. Sur l’ISF, c’est un bon signal. Surtout, cela simplifiera la gestion des entreprises familiales. Cela permettra aux actionnaires de vendre plus facilement. Cela contribuera à la mobilité du capital et facilitera le renforcement des fonds propres.

Pour la flat tax, de nombreuses incertitudes demeurent. Est-ce qu’il s’agira d’une option ou d’une obligation ? A priori, ce sera un système optionnel faute de quoi les épargnants non soumis à l’IR ou ceux soumis au taux marginal de 14 % seraient perdants.

 Les modalités de taxation de l’assurance-vie sont également floues. Logiquement, la taxe de 30 % ne s’appliquera qu’aux nouveaux versements. En outre, un seuil de 150 000 euros sera pris en compte. Est-ce que ce sera l’encours d’assurance-vie possédé par l’épargnant ou le montant par contrat ? Nul ne sait vraiment. Par ailleurs, la flat tax aboutira à ce que les rachats intervenants un an ou 8 ans après l’ouverture du contrat soient traités de la même manière. L’assurance-vie produit d’épargne de long terme deviendrait un support de court terme. Cette situation pourrait être problématique au moment où les assureurs doivent se préparer à une éventuelle remontée des taux. Quel sort sera accordé à l’abattement de 4600 euros pour un célibataire et de 9200 euros pour un couple applicable sur les produits en cas de rachat après 8 ans ?

Par ailleurs, le PEA survivra-t-il à la flat tax ? Aujourd’hui, son avantage provient de l’exonération des revenus et des plus –values sous condition de ne pas effectuer de rachats durant 5 ans. Néanmoins, les produits du PEA sont soumis aux prélèvements sociaux qui aujourd’hui sont de 15,5 % et qui devraient passer à 17,2 % au 1er janvier 2018 (augmentation de la CSG).  De ce fait, entre une flat tax de 30 % sans aucune condition de détention et des prélèvements sociaux de 17,2 %, les épargnants pourraient être  tentés de revenir au compte titre. Mais, il faudra prendre en compte que l’abattement de 40 % actuellement applicable disparaîtra.

Compte tenu du nombre élevé d’incertitudes, il est difficile de se faire une idée de l’effet de cette mesure sur la croissance. Il n’est pas garanti que cela ait un effet sur les placements actions. L’allocation de l’épargne n’obéit pas qu’à des stimuli fiscaux.

La baisse du taux de l’IS est attendue depuis des années. Elle est un argument pour attirer les capitaux extérieurs. Mais la fixation du taux à 25 % pour 2022 apparaît un peu tardif.

Quels sont les mesures prioritaires que l'Etat devrait engager selon vous ?

Le Gouvernement devrait s’engager dans le chantier de la réforme fiscale et en premier lieu de l’impôt sur le revenu. Cet impôt s’est complexifié depuis une trentaine d’années. S’il entend un jour ou l’autre mettre en place la retenue à la source, il faut au préalable modifier l’architecture de l’IR. Il conviendrait d’instituer un impôt individuel ce qui n’interdirait pas d’appliquer des abattements par enfants. Mais, il apparaît impossible de faire la retenue à la source en matin les systèmes de quotient conjugal et familial. Il conviendrait de supprimer un grand nombre de niches aux effets économiques faibles et en contrepartie diminuer le taux marginal qui est de 45 %. Un taux de 36 % serait plus logique.

En lieu et place de l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, il conviendrait de revoir l’ensemble des finances locales. Aujourd’hui, les impôts locaux sont nationalisés. C’est l’Etat donc les contribuables nationaux qui paient en lieu et place des contribuables locaux. Il faut revoir les modes de financement des collectivités locales en les responsabilisant. Par ailleurs, un système de péréquation entre collectivités doit être institué comme cela existe en Allemagne.

Enfin la priorité n’est pas au saupoudrage fiscal mais à la réalisation d’économies budgétaires durables. L’Etat prélève trop car il dépense trop. Il faut premièrement réduire le déficit en diminuant les dépenses et deuxièmement réduire les dépenses pour diminuer les impôts.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !