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La décision de la Cour de Cassation qui pourrait faire exploser Pôle Emploi
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Bombe à retardement

Dans un arrêt daté du 8 février, la Cour de Cassation vient de rappeler à Pôle Emploi que les chômeurs doivent bénéficier d'une information "complète et efficace" sur leurs droits. A l'origine de cette décision, la plainte d'une ex-demandeuse d'emploi de Valenciennes. Celle-ci a obtenu 14 774 euros de dommages intérêts. Une jurisprudence aux conséquences potentiellement ravageuses eu égard au nombre de chômeurs qui pourraient potentiellement l'invoquer.

Paul Ohana

Paul Ohana

Paul Ohana est le président de la Commission Réforme de l'État de la Fondation Concorde, il travaille sur les politiques publiques. Il est également animateur du Groupe Compétences et Déontologie des Évaluateurs, société française de l’évaluation.

Il est l'auteur avec le professeur Olivier Babeau de Les Échecs du Consultant. Les comprendre, les Éviter.

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(NDLR : Dans un arrêt du 8 février, la Cour de cassation a estimé que la mise à disposition de brochures et de prospectus n'était pas suffisante pour que les demandeurs d'emploi soient informés sur leurs droits. En 2005, une habitante de Valenciennes au chômage avait réalisé que ses allocations n'atteignaient pas le niveau de ce qu'elles auraient dû être. Pour se défendre, Pôle Emploi avait affirmé lui avoir remis les documents appropriés à sa situation. Le nombre de recours possibles sur la base de cet arrêt pourrait se révéler très large : de la mauvaise explication des conditions d'obtention d'une allocation jusqu'à une radiation mal expliquée.)

Pôle Emploi est l’organisme créé il y a deux ans pour réaliser la fusion des Assedic et de l’ANPE. C’est le fer de lance de la politique de résorption du chômage grâce à la double responsabilité qui lui a été confiée de gérer les allocations chômage d’une part et conseiller, orienter  voire former les demandeurs d’emploi d’autre part.

J’avais eu l’occasion à différentes reprises de souligner le caractère « mission impossible » confiée à ce nouvel établissement public.  Fusion de deux organismes fragiles dont il héritait les faiblesses, il pouvait difficilement donner naissance à une nouvelle organisation tonique, compétente et efficace comme la situation l’exigeait.

Or la décision de la Cour de Cassation vient dramatiser une situation déjà délicate en attribuant explicitement à Pôle Emploi une responsabilité dont il n’avait certes pas mesuré toute l’ampleur : il s’agit de l’obligation d’information des chômeurs sur leurs droits.Les juristes s’étonneront de l’instauration de ce droit, dérogatoire par rapport au droit commun qui postule que nul n’est censé ignorer la loi.

Mais admettons qu’une exception ait été instaurée pour les chômeurs. Pôle Emploi sera-t-il tenu d’expliciter, en engageant sa responsabilité, les droits des millions de chômeurs qu’il gère ? Le service de qualité attendu de lui et l’accueil souriant de ses agents, ne seraient donc plus suffisants et le Pôle devrait maintenant comme un notaire attester des droits des uns et des autres. Quelle garantie et quelle tranquillité pour les chômeurs !

La décision de la Cour de Cassation : une bombe à retardement...

Mais quid si maintenant tout un chacun demandait le re-calcul des droits, voire le paiement des prestations sous évaluées et pourquoi pas la restitution du trop perçu ? Pôle Emploi serait envahi de milliers de demandes, justifiées ou pas, qu’il lui faudrait traiter. A cela s’ajouteraient les sommes éventuelles à reverser. Une telle situation serait ingérable et nécessiterait des ressources additionnelles voire l’intervention du législateur.

Mais pourquoi pas ? L’importance stratégique de Pôle Emploi est considérable, les sommes en jeu pharaoniques et les règles du jeu malheureusement désespérément floues. Alors peut-être qu’à l’occasion d’une décision apparemment mineure sur le plan économique, la Cour de Cassation a souhaité clarifier l’étendue de la mission de Pôle Emploi, quitte à ce qu’il se dote des compétences voulues pour la remplir.

Le problème est d’autant plus urgent qu’il est proposé de former et de reconvertir vers d’autres filières tous les chômeurs n’ayant pas trouvé d’emploi correspondant à leur formation d’origine. Un beau projet, louable et ambitieux à condition qu’il ne tombe pas sous les fourches caudines de Pôle Emploi qui contribuerait à enterrer une autre très bonne idée.

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