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Oubliez le plaisir et la recherche du positif : les plus grands moments de votre vie risquent bien d'être ni agréables, ni réussis
©Flickr/benjaminasmith

Bonnes feuilles

Un livre de développement personnel pour ceux qui détestent le développement personnel. Le discours ambiant nous pousse sans cesse à nous améliorer. Sois plus heureux. Sois en meilleure santé. Sois plus intelligent, plus rapide, plus riche, plus sexy, plus productif. Mais il faut en finir avec la pensée positive, nous dit Mark Manson. "Soyons honnêtes : parfois tout va de travers, et il faut faire avec". Extrait de "L'art subtil de s'en foutre" de Mark Manson, aux Editions Eyrolles (1/2)

Mark Manson

Mark Manson

Mark Manson est un célèbre blogger, suivi par plus de deux millions de lecteurs

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Une poignée de valeurs circule très largement, qui génèrent leur lot de difficultés insurmontables. Penchons-nous rapidement sur quelques-unes d’entre elles:

1. Le plaisir. C’est sympa, le plaisir, mais à condition de ne pas faire de sa quête une priorité dans la vie. Sinon, ça vire immanquablement à la catastrophe. Demandez à un toxico où la poursuite du plaisir l’a amené. Demandez à un ex-conjoint volage qui a bousillé sa famille et perdu ses enfants si le plaisir l’a rendu heureux, au final. Demandez à un type qui s’est goinfré et a failli en crever si le plaisir l’a aidé à résoudre ses problèmes. Le plaisir est un faux dieu. Des études démontrent que les personnes qui concentrent leur énergie sur la recherche des plaisirs futiles sont rendues plus anxieuses, plus instables émotionnellement, plus déprimées, également. Le plaisir est la forme la plus superficielle de satisfaction et à ce titre la plus facile à obtenir et… à perdre.

Pourtant, on ne cesse de nous vendre du plaisir à longueur de journée. Et ça prend ! Le plaisir fonctionne à plein comme anesthésiant, comme carburant du divertissement. Mais s’il est nécessaire (à certaines doses, bien sûr), il n’est pas en soi suffisant.

Le plaisir n’est pas la cause du bonheur. Il en est un effet. Si tu es heureux par ailleurs (en vertu d’autres valeurs et critères de mesure), tu expérimenteras le plaisir naturellement en tant que produit dérivé.

2. La réussite matérielle. Des tas de gens mesurent leur propre valeur à l’aune du pognon qu’ils se ramassent ou de la bagnole qu’ils conduisent ou encore de la qualité de leur gazon – s’il est plus vert et plus épais que celui du voisin, c’est encore mieux. Là encore, des recherches montrent qu’à partir du moment où tu es capable de satisfaire tes besoins fondamentaux (nourriture, abri, etc.), la corrélation entre le bonheur et la réussite matérielle avoisine rapidement le zéro. Ce qui signifie par exemple que si tu meurs de faim à crécher dans la rue au fin fond de l’Inde, dix mille dollars de plus par an auront un impact énorme sur ton bonheur. Si en revanche tu résides dans un pays riche où tu fais partie de la classe moyenne et n’as aucune raison de te faire du souci, dix mille dollars de plus par an ne changeront pas grand-chose à ta vie – pour la faire courte, tu te casses à faire des heures sup et à bosser le week-end pour des prunes, ou presque.

Ce qui est dangereux, qui plus est, chez les gens qui accordent trop d’importance à la réussite matérielle, c’est qu’ils la font passer avant d’autres valeurs telles que l’honnêteté, la non-violence et l’empathie. Si tu en viens à indexer ta valeur propre non sur ta conduite mais sur les signes extérieurs accumulés, tu fais la démonstration d’une certaine vacuité, et apportes accessoirement la preuve que tu es un(e) petit(e) con(ne).

3. Avoir toujours raison. Ton cerveau n’est pas si performant. Tu échafaudes en permanence de fausses hypothèses, sans arrêt tu évalues mal les probabilités, tes souvenirs s’avèrent erronés, tu tombes dans le panneau des biais cognitifs et prends des décisions sous le coup de l’impulsion. En un mot comme en cent, tu te trompes presque tout le temps. Alors si ton critère de réussite réside dans la conviction d’avoir raison – eh bien tu vas avoir du mal à auto justifier le paquet de conneries !

Ceux qui font reposer la valeur qu’ils s’attribuent sur le fait d’avoir constamment le dernier mot s’interdisent par là même de tirer leçon de leurs erreurs. Dans l’incapacité où ils se trouvent d’appréhender les choses sous un angle différent, ils ferment la porte aux enseignements de l’expérience. Mieux vaut à mon sens partir du postulat que tu ne sais rien, ou presque. Ça te préserve utilement des croyances infondées voire superstitieuses et t’incite à l’ouverture d’esprit.

4. Rester positif quoi qu’il arrive. Et puis il y a ceux qui privilégient comme critère leur capacité à rester positifs en toutes circonstances. T’as perdu ton boulot ? Mortel ! C’est l’occasion d’explorer tes passions. Ton mec t’a trompée avec ta sœur ? Eh bien au moins comme ça t’es rencardée sur ce que tu représentes vraiment pour tes proches ! Le pronostic vital de ton enfant gravement malade est engagé ? Au moins tu n’auras pas à financer ses études !

Même si envisager systématiquement le bon côté des choses revêt bien des avantages, la vérité vraie, c’est que la vie est parfois juste nulle à chier, et que le plus sain est encore de l’admettre.

Le truc à faire avec les émotions négatives, c’est de 1) les exprimer d’une manière socialement acceptable et saine et de 2) les exprimer d’une manière qui corresponde à tes valeurs. Un petit exemple simple : l’une de mes valeurs est la non-violence. Par conséquent, quand je suis en pétard contre quelqu’un, j’exprime cette colère, mais en mettant un point d’honneur à ne pas lui casser la gueule. Idée radicale, je sais. La colère n’est pas le problème, ici. La colère est naturelle et même assez bénéfique dans nombre de situations. (Rappelle-toi : les émotions sont juste un feed-back.)

Tu vois, c’est de te casser la gueule qui est le problème. La colère n’est que la messagère de mon poing sur ta gueule. À vouloir rester à tout prix positif dans toutes les situations, tu finis par nier l’existence même de tes problèmes, te privant de l’occasion de les résoudre. Or ce sont eux qui confèrent du sens à ta vie. À la longue, boucler un marathon nous rend plus heureux que manger un gâteau au chocolat. Élever des gamins nous épanouit davantage que gagner à un jeu vidéo. Lancer une petite entreprise avec des copains en tirant la langue pour joindre les deux bouts nous apporte davantage de satisfaction qu’acheter un nouvel ordi. Ce sont des activités stressantes, pas évidentes et souvent pas très fun qui nécessitent de déminer les problèmes les uns après les autres. Mais quel pied ! Il faut en passer par beaucoup d’efforts, de douleurs, et même de colère, voire de désespoir – mais une fois que tu en viens à bout, tu regardes en arrière et tu as la larme à l’œil en racontant ta guerre à tes petits-enfants.

Comme disait Freud : « Un jour, avec le recul, les années de lutte t’apparaîtront comme les plus belles. » C’est pourquoi ces valeurs – le plaisir, la réussite matérielle, avoir toujours raison et rester positif quoi qu’il arrive  –  sont des idéaux minables. Beaucoup des plus grands moments de notre vie ne sont en effet ni agréables ni réussis ni connus ni positifs. Le truc est de se fixer des valeurs et des critères de mesure cool, dont le plaisir et la réussite découleront naturellement. Plaisir et réussite sont des effets secondaires des valeurs cool. Ils boostent ton adrénaline, mais s’avèrent vides

Extrait de "L'art subtil de s'en foutre" de Mark Manson, aux Editions Eyrolles

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