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Nestlé, l’Oréal et Danone se préparent à des grandes manœuvres sous la pression des fonds d’investissement américain. Rien n'est joué
©Reuters

Tempète

Le monde de la finance se délecte déjà de cette partie de Monopoly qui pourrait s’engager entre les trois grandes multinationales européennes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est devenu le sujet de conversation à la mode. Le sujet numéro un dans les milieux financiers internationaux, chez les traders et les dirigeants de fonds d’investissement qui commencent à spéculer en bourse sur les trois titres les plus cotés du monde que sont :  L’Oréal, Nestlé, et Danone et qui représentent trois des plus beaux fleurons de l’industrie mondiale des biens de consommation. Trois champions de l’industrie, indémodables et jusqu'alors indémontables. Trois champions du marketing le plus sophistiqué, trois rêves incarnés de carrières brillantes généralement promises aux anciens des écoles de commerce et des business-schools mondiales

L’histoire a commencé, il y a quelques semaines, quand un fond d’investissement américain, Third point Management, s’est mis à acheter du Nestlé à la bourse de New-York. Très discrètement au départ, cette opération a ete très rapidement découverte déclenchant un mouvement de hausse sur le titre. Nestlé, c’est un mastodonte de l’industrie alimentaire. Nestlé, c’est le numéro 1 mondial des produits laitiers et des boissons notamment des eaux minérales à fortes marges et fortes marques : Vittel, Perrier, San Pellegrino. Le fonds a réussi à acquérir 1% du capital de Nestlé soit 40 millions d’actions pour 3 milliards de dollars. 

C’est assez pour inquiéter le management de Nestlé dont le capital est très éclaté. 

Ils avaient raison de s’inquiéter parce que très rapidement, ils ont reçu la visite de Daniel Loeb, le bouillant patron de Third Point, qui leur a annoncé tout de go, son ambition et son projet de voir Nestlé de replier sur son cœur de métier et par conséquent de vendre dans les meilleures conditions, la participation importante que Nestlé possède dans l’Oréal soit 24 % du capital de la multinationale contrôlée par la famille Bettencourt. 

Pour Nestlé, cette participation dans l’Oréal est estimée à 23 milliards de dollars avec une plus value potentielle de 10 milliards et surtout 400 millions de dividendes. Pour Nestlé, l’Oréal qui réalise des taux de croissance à deux chiffres depuis 10 ans, c’est la poule aux œufs d’or. 

Cette opération qui avait été mainte fois envisagée par les analystes, n ‘a jamais abouti devant le refus de la famille Bettencourt alliée aux mangement et aux actionnaires de Nestlé. La cohabitation fondée sur de telle fortune préserve un certain équilibre dans la grande consommation. 

Mais cette fois-ci, c’est un peu différent, on sent bien qu’on est à la veille de grande mutations dans ce secteur des biens de consommation. 

D’abord parce que la mondialisation a déplacé vers l’Est de la planète le centre de gravite des activités des principaux acteurs mondiaux. Leur potentiel de croissance est désormais en Chine, en Inde et demain en Afrique. 

Ensuite, la révolution digitale va obliger ces dinosaures à changer leurs logiciels de distribution. Les marques, les corners, les grands magasins, la publicité de masse, ne sont sans doute pas condamnés comme outils de la grande distribution, mais ils vont devoir s’adapter au changement. Quand on voit le développement mondiale d’Amazon, on est bien oblige de réagir. 

Enfin, la lutte contre le réchauffement climatique conjuguée à la raréfaction des ressources naturelles, les exigences de produits bio et l’emballage recyclable va aussi changer les produits et les services. Pas sûr, reconnaît-on chez Nestlé, que l’on pourra consommer toujours autant de protéines animales (le lait de vache) les analystes à long terme pensent qu’il faudra très rapidement passer à la protéine végétale. 

Les grandes entreprises de la consommation, l’Oréal, Nestlé, et Danone ont fait le même diagnostic et se préparent au changement. Pas assez vite aux yeux des investisseurs. 

Pour toutes ces raisons, les fonds d’investissement qui commencent à raisonner à long terme estiment qu’une entreprise comme Nestlé va devoir accélérer sa mutation et pour le faire, elle va devoir investir beaucoup d’argent. D’où le projet de céder la participation de l’Oréal, et récupérer 25 milliards ou plus afin de réaliser quelques acquisitions. 

La vérité c’est que dans le collimateur de Third Point, il y a aussi Danone. Danone deuxième groupe mondial dans les produits alimentaires, concurrent direct et frontal de Nestlé.

D’où l’effervescence sur le titre à Paris comme à New York, effervescence alimentée par tous ceux qui espèrent faire une bonne opération si Nestlé et Danone se rapprochaient. 

Alors ça n’est pas la première fois que les rumeurs mettent Danone dans la cible de tous les fonds d’investissent. Depuis 20 ans, les vagues spéculatives se sont gonflées, venant tantôt de Nestlé, tantôt de Coca cola ? et c’est vrai que pour des analystes un peu myopes, un mariage Nestlé-Danone aurait du sens pour dégager des synergies. Les deux entreprises sont sur le même secteur, ils auraient même dans certains pays des positions de marché qui pourraient être abusives. Mais leurs produits appartiennent à la même famille, les produits laitiers et les boissons a base d ‘eau minérale, etc., etc...

Mais jusqu’alors, tous ces projets plus ou moins formalisés se sont brisés sur le mur des réalités. Danone n’est pas une entreprise tout à fait comme les autres. Depuis l’empreinte donnée par Antoine Riboud, il y a un demi-siècle et jusqu’ à aujourd hui, cette entreprise a un sens et une ambition qui va bien au delà de la simple performance financière. Danone a l’ambition d’apporter de la santé a des peuples qui n ‘en ont pas forcement les moyens. Pour les actionnaires et des personnels, Danone a un sens et c’est la raison pour les uns et les autres fidèles au management. 

C’est tout le mérite de Franck Riboud qui en succédant a son père n‘a eu de cesse de traiter en parallèle, les responsabilités économiques et financières, les responsabilités sociales et les nouvelles responsabilités environnementales.

Faut dire aussi que ce management a généré –une organisation assez compliquée mais qui est très en phase avec la tendance actuelle impactée par le digital. 

Tout cela fait que Danone est opéable sur le papier, mais difficilement prenable dans la réalité.

En attendant c’est l’effervescence. Nestlé ne vendra pas l’Oréal sans avoir un projet d’investissement précis et aussi rentable que ce que lui rapporte les actions l’Oréal. 

Ça n empêchera pas les fonds d’investissement de faire pression. Ce qui est intéressant c’est que pour la première fois un fonds part à la bataille sans avoir l’objectif de démanteler le groupe auquel il s’attaque. Il part avec un projet à long terme. C’est nouveau dans l’industrie financière. Mais rien n est joué. Il y a tellement d’autres plans. 

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