Derrière l'insincérité budgétaire des gouvernements français, la triste déchéance de notre Parlement<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Derrière l'insincérité budgétaire des gouvernements français, la triste déchéance de notre Parlement
©

Insécurité encore

La Cour des Comptes vient de produire un audit assassin sur l'état des comptes publics. Il manquerait 8 milliards d'euros pour finir l'année, du fait d'un budget insincère qui aurait maquillé des déficits dans les recettes, et des excédents dans les dépenses.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

Pour un peu, la Cour des Comptes refuserait de valider les lois de finances qui lui sont présentées. Tout ceci pose la question du contrôle parlementaire et de la sincérité des comptes budgétaires. 

LA VIEILLE TRADITION DE L'INSINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE

Il faudrait être de très mauvaise foi pour imaginer qu'il existât une tradition de sincérité budgétaire en France. De tous temps, le Parlement a savamment évité de se poser la question de l'authenticité des comptes qu'il adoptait et dont il suivait l'exécution, spécialement lorsqu'il s'agissait d'adopter le budget de la majorité présidentielle dont il était l'émanation. Soyons francs, même, depuis le début (c'est-à-dire depuis 1958, et même avant...), tout se passe comme si le Parlement n'était pas concerné par le sujet. Certes, on discute de la loi de finances, ou des différentes lois de programmations des dépenses publiques. Mais personne ne prend soin d'interroger l'effectivité des dépenses publiques inscrites dans ces lois, ni la pertinence de certaines mesures d'évolution. 

Par exemple, personne ne s'est jamais demandé si les fonctionnaires gagnaient des primes plus importantes que celles inscrites en loi de finances. Or, il est avéré que les ministères, dans un souci d'anonymat, dissimulent les primes gagnées réellement et font vivre des fictions très inférieures aux montants réels pour éviter les polémiques dites populistes et les règlements de compte sur les privilèges en vigueur. Cela rassure les contribuables et évite aux pouvoirs publics la contestation plus ou moins larvée sur les différences de traitement entre salariés du privé et fonctionnaires. 

Depuis plusieurs décennies, les parlementaires s'accoutument parfaitement de ces zones d'ombre, de ces silences, de ces flous. Aucun n'a jamais jugé inadmissible de devoir trancher sur un budget insincère ou traficoté par des fonctionnaires. Cette situation fait partie d'états de fait anciens, pour ainsi dire acquis, qui n'appellent plus guère de rejets ou de critiques de la part des intéressés. 

L'ABANDON HISTORIQUE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE SUR L'EXÉCUTIF

Si cet état de fait était nouveau, on pourrait déplorer le contenu de l'audit mené par la Cour des Comptes sur les déficits publics à la demande du Président de la République en s'indignant de l'insincérité budgétaire ambiante. Malheureusement pour les parlementaires, la situation n'est pas nouvelle. Elle paraît même inhérente au parlementarisme français depuis la nuit des temps, et en tout cas, sans le moindre doute, depuis 1958. Structurellement, les parlementaires français n'ont jamais véritablement cherché à exercer un contrôle effectif sur les politiques publiques ni à vérifier la sincérité des budgets qui leur étaient présentés. 

D'ailleurs, en son temps, la loi organique sur les lois de finances, pilotée peu ou prou par Laurent Fabius, avait effectivement pour ambition de remédier à cette situation en offrant au Parlement la possibilité de mieux contrôler la sincérité du budget. Quinze ans plus tard, le Parlement en est encore à adopter des budgets qui dérapent de plusieurs milliards et qui sous-estiment considérablement le déficit budgétaire. On peut donc parler de réforme ratée, dans la mesure où les portes qui furent ouvertes en leur temps n'ont pas été poussées. L'approche que le Parlement peut déployer sur le budget reste toujours aussi parcellaire et insuffisante. 

Tout se passe comme si les parlementaires français ne voulaient pas exercer pleinement leurs prérogatives. 

L'AFFAIBLISSEMENT TENDANCIEL DU POUVOIR LÉGISLATIF

Ce réflexe doit être rangé dans la galerie si large et si riche des comportements typiques des parlementaires de la cinquième République hésitant à l'idée d'exercer un contrôle parlementaire effectif sur la vie démocratique. Depuis près de soixante ans, la principale caractéristique de notre régime repose précisément sur l'affaiblissement du pouvoir législatif qui entend bien ne pas exercer pleinement son rôle de contre-pouvoir face au pouvoir exécutif. La conception parlementaire spontanée est intimement liée au renoncement spontané à agir.

En réalité, l'idée de plaire au pouvoir exécutif en espérant un poste ministériel et en taisant pour ce faire les dysfonctionnements qu'on constate est aussi vieille en France que le parlementarisme lui-même. Il n'est pas sûr qu'elle lui porte chance ni qu'elle assure sa survie dans un monde où la principale menace qui pèse sur le pluralisme démocratique ne repose pas sur un excès d'ambition du pouvoir exécutif, mais sur un manque de volonté du pouvoir législatif.  

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !