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Prisonnier des Turcs avant de devenir un prince sanguinaire : comment Vlad Dracul est devenu "Dracula"
©Reuters

Bonnes feuilles

De Dracula à Lawrence d'Arabie, en passant par Champollion, Mermoz et Heydrich, Alain Decaux met en scène avec sa maestria coutumière dix destins et histoires qui ont bouleversé l'Histoire mondiale. Extrait de "Histoires extraordinaires" d'Alain Decaux aux Editions Perrin (1/2).

Alain Decaux

Alain Decaux

Alain Decaux, historien et membre de l’Académie française, a fait revivre les plus grands personnages de l’histoire dans ses livres, à la télévision et au théâtre avec Robert Hossein. Il a été ministre de la Francophonie et a présidé pendant onze ans le collège des conservateurs du château de Chantilly.

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Dans la ville roumaine de Sighisoara – autrefois Schassburg  – se dresse une maison massive, vieille de plus de cinq cents ans. Là est né, en 1431, le Dracula historique.

Devant la façade typique aux couleurs éclatantes, nous sommes libres de rêver. L’enfant était le petit-fils du prince Mircea, dénommé le Grand après qu’il eut écrasé, en 1394, l’armée turque du sultan Bajazet et qui, par deux fois, en 1397 et 1400, avait vaincu d’autres armées turques.

L’année même où naissait Dracula, son père Vlad, fils de Mircea, avait été couronné prince de Valachie. Pour son malheur, il avait un demi-frère, Dan qui, sans vergogne, s’était déjà emparé du trône. Geste nullement exceptionnel en ces temps et ces lieux où l’usurpation ne cessait de le disputer à l’assassinat. Comme tout prince de bonne race, il ne restait plus à Vlad qu’à se lancer à la conquête de son trône légitime. Lorsqu’il se rendit à Nuremberg exposer à l’empereur Sigismond de Luxembourg sa situation pour le moins précaire, celui-ci l’y encouragea vivement.

En témoignage de son amitié, il tint à décorer Vlad de l’ordre du Dragon en même temps qu’il le faisait duc d’Amlas et de Fagaras. Dès lors, Vlad allait être appelé Dracul. Les historiens sont en désaccord sur l’origine du surnom. Pour les uns, il s’agit soit d’un jeu de mots autour de Dragon (Draco-Nis), soit d’une allusion ironique car Vlad portait l’image d’un « diable » (Drac) sur la poitrine.

Le combat était inégal. Vlad Dracul n’en remporta pas moins la victoire. Il chassa son demi-frère du trône et, dès l’année 1436, fut prince régnant de Valachie.

Gouverner la Valachie ne représentait alors rien d’en‑ viable. Au nord, il fallait compter avec une Hongrie hostile, maîtresse de la Transylvanie. Au sud, l’Empire ottoman exerçait une écrasante pression que l’on peut mesurer en rappelant qu’il n’existait alors en Europe qu’une seule puissance capable de réunir des armées dépassant 200 000 hommes : la Turquie.

Comment la Valachie, à peine sortie d’une terrible guerre civile entre deux frères, allait-elle faire face à cette double menace ? À plusieurs reprises, Vlad Dracul dut affronter les Turcs. Il sentait que les succès provisoires qu’il remportait ne faisaient que reculer une échéance inéluctable : le sultan un jour l’emporterait. Pourquoi ne pas tenter de s’entendre avec lui ? En 1437, Vlad s’en fut rencontrer le sultan Mourad II. Celui-ci venait d’écraser les Serbes et les Bulgares et se préparait à s’en prendre aux Grecs. Vlad osa ce qu’aucun prince chrétien ne s’était résigné à accepter : il conclut une alliance avec le sultan, ce qui l’amena, en 1438, à faire campagne contre la Transylvanie aux côtés de Mourad II.

Vlad avait trois fils, l’un appelé Mircea en souvenir de son grand-père ; le second portant son propre nom  : Vlad ; le troisième prénommé Radu. Pour distinguer les deux Vlad, on prit l’habitude de désigner le fils comme Vlad Dracula. Au cours de la campagne entreprise de concert, les Turcs se sont assez vite rendu compte que Vlad ménageait les Transylvaniens auxquels le rattachaient tant de liens de sang et de religion. C’était plus que n’en pouvait supporter le sultan. Au cours de l’été 1414, Mourad  II invita Dracul à lui rendre visite. Confiant, Vlad passa le Danube avec ses deux fils cadets, Dracula et Radu. À peine arrivé au camp du sultan, le prince valaque allait être arrêté et enchaîné. D’évidence, sa vie ne tenait qu’à un fil. Il se défendit avec éloquence, jura qu’il était le plus fidèle des alliés du sultan. Ébranlé, Mourad accepta de le mettre en liberté, exigeant toutefois – un tel usage se pratiquait alors partout en Europe – qu’il lui laissât ses deux fils en otages. Dracula et Radu vécurent désormais tenus sous bonne garde à Egrigoz, en Asie Mineure. Un adolescent de seize ans prisonnier : telle est la première image de Dracula dont l’histoire a conservé le souvenir.

Extrait de "Histoires extraordinaires" d'Alain Decaux aux Editions Perrin

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