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"La mixité sociale si nécessaire à la non-ghettoïsation des quartiers passe à l’as"
©Reuters

Bonnes feuilles

La France est attaquée depuis longtemps. L’ex-commissaire Pellegrini, aujourd’hui consultant en sécurité, raconte dans ce livre en forme de cri d’alarme, tout ce qu’il a vu et tout ce qu’il sait des menaces qui pèsent sur le pays. Selon lui, la France est plus vulnérable que jamais. Extrait de "La France vulnérable. Terrorisme, criminalité, cyber-attaques" de Charles Pellegrini, publié aux Editions L'Artilleur. 1/2

Charles Pellegrini

Charles Pellegrini

Commissaire divisionnaire, adjoint puis chef de I'OCRB (Office Central pour la Répression du Banditisme)  de 1973 à 1981, actif au sein de la cellule antiterroriste de l'Elysée, Charles Pellegrini a activement participé à la plupart des grandes enquêtes criminelles de la fin des années 2000.

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S’attaquer à plus faible que soi, indique une haine de l’autre, une rage dont l’origine ne peut pas uniquement se chercher du côté des conditions de vie. Il n’est pas rare de voir les délinquants, lorsqu’un média leur donne la parole, tenter d’inverser les rôles. Alors les voilà qui se posent en victime, expliquant leurs méfaits comme une réaction à l’environnement hostile au milieu duquel ils évoluent quotidiennement. Sont-ils vraiment les laissés pour compte qu’ils prétendent être? Sont-ils les oubliés d’un univers où, inversement, on travaille dur et on se conforme aux règles de la vie en société ? Ou bien sont-ils des «sauvageons» qu’il serait bon de mettre au pas?

Nombreux sont les gens qui perçoivent la délinquance comme une forme de résistance à l’ordre établi. Cette vision très romantique des choses leur évite d’évaluer les dégâts occasionnés par près de quarante années de laxisme soi-disant libertaires: moins de contraintes à l’école, moins de contraintes sociales. Résultat des courses: les plus forts y gagnent et empêchent les plus faibles d’accéder à une vie normale. Dans certaines banlieues, on évite de sortir à la nuit tombée, de prendre le bus, de circuler en voiture. Le racket dans certaines écoles terrorise des gosses qui partent le matin la boule au ventre. Où est la liberté de ces gens-là ? S’ajoute à cela une spécificité bien française par laquelle j’ouvrais tout à l’heure cet ouvrage : «la culture de l’émeute » qui a atteint son paroxysme en novembre 2005 et dans les mois qui ont suivi. 45588 véhicules brûlés en une année, soit environ 124 voitures par jour. Que clament les incendiaires? Que « brûler des voitures, c’est notre façon de montrer qu’on existe !». Du moment qu’il s’agit là d’un «langage» ironisait à l’époque l’essayiste Jacques Julliard dans les pages du Nouvel Observateur. «On peut être une petite frappe et un grand sémiologue» disait-il alors. Et les rappeurs ne sont pas en reste quand il s’agit de «mots». Citons pour l’exemple, encore une fois, le fameux Ministère A.M.E.R. dans sa chanson «Flirt avec le meurtre»: «J’aimerais voir brûler Paname au napalm, sous les flammes, façon Vietnam.» Petit galopin, va !

Disons-le clairement: les banlieues sont les zones de concentration de toutes les frustrations. S’y mélangent des jeunes qui nourrissent des haines diverses mais avérées à l’égard de ce pays, ainsi que des adultes désespérés de se voir abandonnés par les autorités dans un tel environnement. Parmi ces derniers, on trouve de petits retraités qui se claquemurent chez eux; des pompiers qui se font régulièrement caillasser en intervention; des policiers qui tombent dans des embuscades; des médecins et des équipes du SAMU qui se font agresser alors qu’ils viennent porter secours; des postiers qui se font braquer pendant leurs tournées au point que dans certaines cités, les colis ne sont même plus distribués.

En France, le contrat social de Rousseau qui prône la souveraineté du peuple et les notions de liberté, d’égalité et volonté générale, est un pilier. Volonté générale, il s’agit bien de cela. D’une part, lorsqu’un politique ose prendre le taureau par les cornes et proposer des réponses fermes et punitives, l’intelligentsia lui tombe immédiatement dessus. D’autre part, il y a une telle rivalité entre les institutions – Intérieur vs Justice, Intérieur vs Politique de la ville – qu’on voit passer des consignes à géométrie variable, ce qui n’arrange rien…  Or, la cohésion sociale n’existe plus. Qu’ils soient fortunés ou qu’ils se serrent la ceinture, certains parents préfèrent placer leurs enfants dans l’enseignement privé. Même si cela va contre leurs principes. Ils savent que c’est la seule manière de préserver leur progéniture des agressions, tout en accédant à un niveau acceptable d’éducation qui en fera peut-être des adultes éclairés, ou à tout le moins responsables. Pour les autres qui vivent dans des quartiers difficiles, pas le choix: ce sera l’école dite «Républicaine ». Ceux-là sont conscients qu’il y a peu d’espoir pour que leurs enfants sortent du lot. Le résultat de tout ceci, c’est que la mixité sociale si nécessaire à la non-ghettoïsation des quartiers passe à l’as. L’école devient alors moins gardienne du savoir que garderie de l’ignorance. Et malgré le travail épuisant des équipes pédagogiques qui chaque jour tentent de consolider une institution en déshérence. Il est dangereusement naïf d’imaginer que cette situation, qui dure depuis des décennies maintenant, puisse s’améliorer d’elle-même. A la mesure d’une génération, le retour en arrière n’est tout simplement pas envisageable. Alors bien entendu que les politiques ont enfin pris la mesure du phénomène. Mais les mesures qu’ils nous annoncent ne relèvent pas d’une stratégie sur le long terme.

Extrait de "La France vulnérable. Terrorisme, criminalité, cyber-attaques" de Charles Pellegrini, publié aux Editions L'Artilleur. 

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