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Conseil européen : ce que le souffle Macron pourra vraiment apporter à la France une fois l’effet d’image passé dans le reste de l’Europe
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Deuxième version

L'élection d'Emmanuel Macron a insufflé un vent d'espoir en Europe, et Angela Merkel multiplie les signes d'ouverture à condition que la France fasse les réformes nécessaires. Toutefois, pour que les paroles se transforment en actes, le chemin est encore long.

Christopher Dembik

Christopher Dembik

Avec une double formation française et polonaise, Christopher Dembik est diplômé de Sciences-Po Paris et de l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences polonaise. Il a vécu cinq ans à l’étranger, en Pologne et en Israël, où il a travaillé pour la Mission Economique de l’Ambassade de France et pour une start-up financière. Il est responsable de la recherche économique pour le Groupe Saxo Bank. 

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Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant

Jérôme Vaillant est professeur émérite de civilisation allemande à l'Université de Lille et directeur de la revue Allemagne d'aujourdhuiIl a récemment publié avec Hans Stark "Les relations franco-allemandes: vers un nouveau traité de l'Elysée" dans le numéro 226 de la revue Allemagne d'aujourd'hui, (Octobre-décembre 2018), pp. 3-110.
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Atlantico : Le projet européen d'Emmanuel Macron s'inscrit dans la logique du donnant-donnant ; en mettant en place les réformes dont le pays a besoin, le Président cherche également à restaurer une crédibilité endommagée de Paris auprès de ses partenaires. Cependant, et dans le cas où la France parvient à se réformer, quelles sont les "retours" à attendre de nos partenaires européens ?  L'élection d'Emmanuel Macron a insufflé l'espoir de relancer le projet européen , ce qui a été perçu par de nombreuses capitales. Depuis, les signes d'ouvertures de la part de Berlin se multiplient notamment avec les dernières déclarations d'Angela Merkel sur l'instauration d'un budget de la zone euro. Pour autant, au-delà des déclarations, quelles sont les chances pour que des actes suivent ?

Jérôme Vaillant : Entre la France et l’Allemagne, c’est depuis des années la question cruciale : la France est-elle capable de se réformer, les politiques semblent savoir ce qu’il faudrait faire mais ils tergiversent ou ne vont pas assez loin dans les réformes. L’arrivée d’Emmanuel Macron a été d’autant plus saluée en Allemagne qu’il n’avait pas caché qu’il avait, entre autres raisons, quitté le gouvernement de François Hollande parce que celui-ci n’était pas allé assez loin sur la voie des réformes. Lors des nombreux contacts d’E. Macron avec la chancelière allemande mais aussi par presse interposée, celui-ci n’a pas caché que la France devait d’abord apporter la preuve tangible de sa capacité à se réformer avant de pouvoir attendre un retour de la part de l’Allemagne, cela signifie en tout premier lieu ramener le déficit à 3% du PIB puis réformer le marché du travail et mieux gérer les retraites.

Le contexte est favorable pour qu’E. Macron soit entendu en Allemagne parce qu’après le Brexit, l’élection de Donald Trump à la présidence américaine, la crise migratoire et la montée des populismes en Europe avec le risque que ceux-ci puissent l’emporter aux Pays-Bas, en Autriche ou même en France, l’Allemagne a besoin de croire que l’Europe n’est pas perdue et peut trouver, grâce à un renouveau du moteur franco-allemand, un nouveau souffle. Obligée qu’elle est, d’après la formule d’Angela Merkel, après le sommet du G7 en Italie, « de prendre elle-même son destin en main » - puisque est, « du moins en partie, révolu le temps où nous pouvions nous reposer sur d’autres. » 

Aussi la chancelière laisse-t-elle entendre de façon plus claire d’une déclaration à l’autre qu’elle est prête « à réfléchir » à la mise en place d’un budget de la zone euro et d’y installer un ministre des Finances, comme l’a proposé E. Macron. « Réfléchir » ne veut pas dire déjà consentir. Mais la chancelière sait deux choses : il n’y a pas eu autant d’opportunité depuis longtemps pour relancer l’Europe et il ne faut pas désespérer les peuples, mais bien au contraire les regagner à la cause européenne par une politique plus volontaire de croissance. Certes elle sait devoir compter avec son ministre des Finances, W. Schäuble, mais les caisses allemandes sont pleines et l’Allemagne investit tandis que les salaires croissent à nouveau, ce qui pourrait bénéficier à l’ensemble de l’Europe. Par ailleurs, il est toujours possible de jouer avec la fibre européenne de W. Schäuble trop souvent présenté à l’étranger comme un ineffable père fouettard. Les termes choisis par le chef de la chancellerie à Berlin, Peter Altmaier, pour dire sa satisfaction en raison des résultats du deuxième tour des élections législatives en France qu’il a qualifiés de « bons pour l’Europe et pour l’Allemagne », sont un indice de la volonté de l’Allemagne d’aller de l’avant. Mais on sait aussi à Paris comme à Berlin que rien ne pourra se faire avant les élections législatives du 24 septembre en Allemagne et que ce n’est qu’au terme de difficiles négociations franco-allemandes et européennes qu’un résultat pourra être obtenu. On sait aussi qu’il ne pourra s’agir que d’un compromis.

On fait remarquer que la chancelière agirait aussi pour des raisons électorales et qu’une incertitude subsiste quant à la formation du futur gouvernement allemand. L’Allemagne est assurément le seul pays où des citoyens sont depuis 2016 descendus dans la rue manifester pour l’Europe sur un slogan universel formulé en anglais : « Pulse of Europe ». L’Allemagne sait aussi ce qu’elle doit économiquement et commercialement à l’Europe tout comme elle a conscience qu’à elle seule elle ne peut influer sur les affaires du monde et que seule l’Europe garantit la paix et l’influence dans le monde. C’est une conviction que partage Angela Merkel avec son challenger Martin Schulz, les chrétiens-démocrates dans leur ensemble avec les sociaux-démocrates. Une nouvelle grande coalition - qui reste aujourd’hui encore l’hypothèse la plus réaliste malgré la montée dans les sondages d’une coalition qui associerait aux chrétiens-démocrates les libéraux - n’aurait pas de difficultés à s’entendre sur un programme européen ambitieux et intégrateur qui réponde aux attentes d’E. Macron. Au pire, la chancelière se doit-elle de prouver qu’elle est au moins aussi européenne voire plus encore que l’ancien président du Parlement européen. La question la plus difficile à traiter sera assurément celle de l’Europe protectrice qui comporte du point de vue allemand des éléments contraires à la liberté des marchés puisque il s’agirait d’en réserver à l’offre européenne. Mais le sens du compromis devrait aider à trouver une solution.

Christopher Dembik :Dans l'immédiat le gouvernement va essayer de gagner du temps. J'entends par là que les réformes qui vont être mise en œuvre notamment la réforme du marché du travail devrait a priori avoir des effets négatifs et entrainer une hausse du chômage. Il faudra donc une période de deux à trois ans avant que les effets positifs ne se fassent sentir. Ce qui veut dire qu'il faudra que du côté de nos partenaires européens  ces derniers aient une approche finalement assez consensuelle et avoir leur soutien.

L'avantage qu'Emmanuel Macron a, c'est que finalement qu'en termes d'image il a très bien joué, il est apparu aux yeux des partenaires européens comme le seul candidat à la présidentielle qui soutenait l'Europe. La preuve, avant même le scrutin présidentiel il avait obtenu le soutien plus ou moins explicit d'Angela Merkel. Il y a aujourd'hui une vraie carte à jouer en prenant en plus en compte la tolérance des pays européens à l'égard de la France.

Aujourd'hui, on sait très bien que les objectifs de baisse des déficits ne serait pas respectés. D'une part car il y a l'ardoise qu'a laissé François Hollande et aussi car ces objectifs de baisse étaient un peu trop optimistes au regard du niveau de croissance du pays. Donc le gouvernement pourrait demander de la patience à ce niveau-là. Berlin devrait être réceptif à ce type de demande si en échange évidemment on réforme le marché du travail.

Le contexte politique aujourd'hui est favorable car il y a une convergence d'intérêts entre les leaders politiques allemands et français qui n'existait plus depuis les années 70. Considérant qu'Angela Merkel devrait être certainement élue, que ce sera son dernier mandat, comme tout politique elle aspire à marquer l'Histoire avec ses accomplissements il serait donc logique que les promesses se concrétisent. 

Inversement, quels sont les dossiers sur lesquels les différents partenaires européens sont le moins susceptibles de modifier leur positionnement actuel ? 

Jérôme Vaillant : Le dossier le plus délicat reste celui des crises migratoires. E. Macron s’en est pris très clairement aux pays d’Europe de l’Est tels que la Hongrie et la Pologne qui empochent volontiers les aides tout en oubliant les valeurs européennes d’entraide qui les rendent possibles. Il adopte une position très proche de celle de la chancelière mais il n’est nullement assuré que ces pays évoluent sensiblement sans évolution plus sensible de leurs opinions publiques et de leurs électorats. Par contre ceux-là mêmes qui renâclent à accueillir des réfugiés devraient être beaucoup plus enclins à suivre une initiative franco-allemande de défense européenne à l’heure où Donald Trump fragilise l’OTAN.

Christopher Dembik : Le premier dossier qui va poser problème reste bien entendu le projet d'une Europe de la défense. Pour concourir à ce projet il faudrait que tous les pays européens aient un budget de défense qui atteigne 2% de leur PIB. Les pays de l'est sont réticents à cette idée car ils considèrent qu'ils sont toujours sous le parapluie de l'OTAN et qu'ils ont d'autres priorités économiques. L'Europe de la défense aujourd'hui si l'on est optimiste c'est France, Allemagne, BENELUX. Les pays d'Europe de l'est ont un positionnement très différent par rapport au Brexit également car ils dépendent énormément des investissements britanniques. Enfin la crise migratoire est un point de divergence qui est énorme entre les pays de l'est et de l'ouest. 

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