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Djihadistes en série : quid de la responsabilité des familles et des proches dans tout ça ?
©Reuters

Entre aveuglement et complaisance

Au regard des différents cas d'espèce terroristes qui ont touché la France depuis ces dernières années, il est possible dans une certaine mesure d'évoquer la responsabilité des familles et des proches des auteurs.

Pierre Conesa

Pierre Conesa

Pierre Conesa est agrégé d’Histoire, énarque. Il a longtemps été haut fonctionnaire au ministère de la Défense. Il est l’auteur de nombreux articles dans le Monde diplomatique et de livres.

Parmi ses ouvrages publiés récemment, Docteur Saoud et Mister Djihad : la diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite, Robert Laffont, 2016, Le lobby saoudien en France : Comment vendre un pays invendable, Denoël, Vendre la guerre : Le complexe militaro-intellectuel, Editions de l'Aube, 2022.

 

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Atlantico : D'un environnement favorable à la radicalisation à la non dénonciation de comportements alarmants, dans quelle mesure cette responsabilité des proches et des familels existe-t-elle ? 

Pierre Conesa : La question est posée depuis un certain temps mais il ne faut pas la limiter au cercle familial et aux proches. Le loup solitaire n’existe pas. Tous les attentats qui se sont déroulés sur le sol français depuis les deux dernières années se sont tous accomplis avec l’aide de cellules souches implantées sur le territoire depuis une vingtaine d’années qui n’ont jamais été démantelées dans leur intégralité.

Le schéma qui suit montre les différentes connexions avec ces cellules depuis longtemps identifiées sur l’espace francophone. Celles-ci subsistent sur le territoire de deux façons différentes : d’abord parce que les autorités, soucieuses de ne pas attaquer la liberté de conscience, ont toujours hésité à réprimer les discours salafistes sur le terrain des excès de la liberté d’expression (antisémitisme, homophobie, racisme), d’autre part parce que l’aide fournie par chacun des membres de ces cellules lors d’attentats reste toujours à la limite de la légalité (offre d’un simple gîte, d’un véhicule, transport…). 

Les cas récents dont celui de Adam Dzaziri, l’auteur de l ‘agression des Champs Elysées, fiché S mais bénéficiaire d’un permis de port d’armes démontre combien la distinction entre Salafistes quiétistes et salafistes djihadistes est trompeuse. Tout djihadiste est d’abord radicalisé. Les discours de haine racistes et antisémites tenus par le Front National sont condamnés par toute la classe politique, pourquoi pas ceux des salafistes ? 

Aujourd’hui par exemple, le salafisme est très actif dans certaines entreprises plaidant la liberté de conscience pour s’opposer à la hiérarchie (surtout si elle est féminine) ou modifier les conditions de travail. C’est donc un champ d’action politico-religieux que la société a laissé s’implanter dans des domaines divers et qui utilise en toutes occasions le thème très mobilisateur de l’islamophobie pour recruter.

Toujours au regard des précédents, quels sont les comportements psychologiques, religieux, ou autres, qui devraient pouvoir être signalés ? Quelles sont les limites qui ont pu être franchies par les familles, ou les proches dans ce cadre ? A l'inverse, quels sont les cas ou les familles, et les proches, ont été totalement prises au dépourvu ? 

Le cercle familial offre des paysages humains très variés. Dans la famille de Mohamed Merah on avait le frère qui a aidé à l’organisation de l’attentat (en achetant la moto), la sœur qui a justifié l’horreur devant la caméra, et celui qui dénonce la radicalisation dans sa famille. Dans le cas, Mourad Benchellali, la famille était radicalisée mais Mourad aujourd’hui participe à des campagnes de contre-radicalisation. L’enquête doit être menée à son terme pour déterminer les responsabilités exactes. Les signalements au téléphone vert démontrent combien il est difficile pour les membres de certaines familles d’alerter sur une radicalisation qui signifie souvent un signalement policier.

Il faut donc élargir le cercle des responsabilités et étendre la notion de « membres d’une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » afin de poursuivre et démanteler ces cellules souches. Le discours de Mme May après les attentats de Manchester, déclarant « nous avons été trop tolérants » est un constat dramatique dans le pays qui avait offert l’asile au Londonistan. Il est important de ne pas laisser subsister sur le territoire des soutiens même partiels à l’organisation d’attentats meurtriers et le débat sur les expulsions, interdictions de séjour et déchéance de nationalité (existant déjà dans le Code Civil) doit être réouvert. C’est le seul moyen de lutter en profondeur et par anticipation contre le type d’attentats mobilisant une faible organisation et beaucoup de sauvageries, qu’on vient de connaitre à Paris, Bruxelles, Londres et Manchester

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