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Qui bénéficierait d’un déplafonnement du livret A ?
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On ne nous épargne rien !

En cas d’élection, François Hollande prévoit de doubler le plafond du livret A. La mesure apportera bien des ressources complémentaires pour financer le logement social mais au détriment des banques qui financent les particuliers, les PME et les bailleurs sociaux !

Anatole de la Brosse

Anatole de la Brosse

Anatole de la Brosse est directeur général délégué de SIA Conseil.

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François Hollande vient de proposer (il l'avait déjà fait lors de son grand meeting du Bourget fin janvier), de doubler le plafond du Livret A. De 15300 Euros, ce plafond passerait ainsi à 30600 euros. Les raisons de cette mesure sont compréhensibles : il s’agit d’augmenter les ressources du logement social, afin de résoudre une partie de la très complexe équation immobilière de notre pays.

Or, il est tout sauf certain que la mesure annoncée déclenche la spirale vertueuse attendue par le candidat.

D’abord, cette mesure favoriserait les plus aisés. En effet, aujourd’hui sur près de 60 millions de livrets A, seuls 5,3 millions  atteignent le plafond des 15 300 euros. L’augmentation du plafond concernerait cette heureuse minorité. Le nombre de titulaires de livrets A qui toucheraient le plafond, à terme, serait compris entre 2,6 (hypothèse basse) et 4,2 millions de personnes (hypothèse haute). Soit entre 40 et 65 milliards de plus sur les livrets A, dont 65% sont centralisés à la Caisse des Dépôts pour le logement social. La mesure apporterait donc entre 26,6 et 42,6 milliards d’euros supplémentaires : objectif atteint ?

Pas tout à fait : car la question se pose de savoir d’où vont venir ces sommes. Soit elles proviennent principalement d’arbitrages par rapport à des produits hors bilan, et notamment l’assurance vie. L’impact serait alors supporté par les assureurs et les OPCVM, et neutre pour les banques. Toutefois, nous considérons au contraire que ce sont les produits de bilan (dépôts à vue, livrets, compte à terme, Livrets d'épargne populaire (LEP), comptes d'épargne logement (CEL)…) qui vont être arbitrés.

En effet, depuis la libéralisation du Livret A, les flux ont été captés en très grande majorité sur des produits de bilan. L’érosion de l’assurance vie et des produits de placement est réelle depuis plusieurs mois, certes, mais n’est pas directement corrélée à la collecte des livrets. Ensuite les stocks d’épargne bilancielle des français (hors Livret A) sont très importants (plus de 800 milliards d’euros) et beaucoup plus liquides. Enfin, parce que les nouvelles contraintes réglementaires imposées par le régulateur sur les comptes à terme notamment renforcent l’attrait pour le Livret A.

Moralité : les banques vont devoir transférer vers le Livret A entre 40 et 65 milliards d’euros dont 65% vont sortir de leur bilan au profit de la CDC. Or, le taux de rémunération de la CDC – s’il reste inchangé à 0,5% - ne compense pas les coûts induits par les besoins de refinancement. Si 75% des sommes dirigées vers le « nouveau » livret A devaient venir de l’épargne de bilan, les banques devraient alors refinancer 16 milliards de liquidité. Dans une hypothèse de 90%, il faudrait refinancer 36 milliards d’euros. Dans le meilleur des cas, si les taux interbancaires restent bas, comme actuellement (Euribor 3 mois de 1.15), l’impact pour les banques pourrait être de 234 M€ mais en cas de remontée des taux (hypothèse moyenne de 1.4) cette somme pourrait atteindre 324 M€.

Nous arrivons donc à ce paradoxe : la mesure apportera bien des ressources complémentaires pour financer le logement social mais au détriment des banques qui financent les particuliers, les PME et les bailleurs sociaux !

La mesure (conjuguée aux nouvelles contraintes réglementaires de Bâle III) risque donc de handicaper le financement de l’économie et de contraindre les banques à une répercussion de ce surcoût sur les tarifs bancaires. Dans les deux cas, il semble que les enjeux très complexes associés au Livret A exigent de sortir des effets d’annonce et d’évaluer précisément tous les impacts.

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