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Arnaud Zegierman : "Les Français sont un peuple du présent, pas du futur"
©ALAIN JOCARD / AFP

Identité

Comme souvent en période de crise, la France est le sujet de préoccupation préféré des Français. Mais les Français restent un peuple particulièrement uni.

Arnaud Zegierman

Arnaud Zegierman

Arnaud Zegierman est sociologue et co-fondateur de l'institut Viavoice.

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Atlantico : Vous faites état d'une France divisée qui, sur le papier, possèdent tous les antagonismes pour ne pas s'entendre. Mais quelles ont été les causes de cette division ? Est-elle plus forte en France que dans d'autres pays européens ?

Arnaud Zegierman : On connaît les causes des divisions. Si on dresse un portrait de la France, on remarque que l'on a affaire à un pays qui souffre de difficultés mais qui ne sont pas du touts comparable à ce que imaginent les Français. Leur portrait de la France est très sombre, presque sans espoir. Ce n'est cependant pas tout à fait la réalité. Cela suscite un certain nombre de divisions dont on entend parler tous les jours comme par exemple des divisions entre la France périphérique et la France des villes, des divisions entre la France des patrons, celle des salariés et celle des chômeurs, j'en passe. On s'est rendu compte en faisant ce livre que ces divisions sont réelles. Néanmoins, quand on parle un peu plus longuement avec eux, on se rend compte qu'elles sont assez superficielles et que les Français veulent être ensemble. Ce sont des fractures multiples mais plus superficielles que ce que l'on a tendance à croire.

Cette situation, comparée à d'autres pays n'est pas aussi forte ici. En Espagne, la Catalogne veut se séparer. On n'en est pas du tout là en France. Il y a des gens qui tiennent d'autres catégories de personnes responsables de certains problèmes, mais il ne viendrait jamais à l'idée de se séparer d'une région. Par rapport aux autres pays, les divisions ne sont pas plus fortes, mais on a tendance à les exprimer plus fortement. 

A l'inverse, quels sont les points de convergence de cette France divisée, qui tend à s'accorder sur certains sujets ?

Le livre a été rédigé à partir d'une étude réalisée auprès des Français. Ce que dit ce livre, c'est ce que disent les Français. Deux points de convergence extrêmement forts ressortent. Le premier, c'est la protection sociale. On est français parce qu'on a une façon de se protéger qui est différente des autres pays et les Français y tiennent. Le deuxième point, et ça peut paraître paradoxal, c'est (l'hédonisme ?). La France n'est pas un pays dans lequel les habitants vont se projeter et faire des sacrifices pour les générations futures. Cela ne veut pas dire qu'ils sont égoïstes. Ils peuvent faire des sacrifices s'ils en voient les bénéfices pour eux. C'est vraiment un peuple du présent et non pas un peuple du futur.

Faut-il réellement rêver d'une France unifiée ? Toutes les divisions sont-elles forcément néfastes pour le pays, et toutes les unions sont-elles bénéfiques ?

On est dans une France unie, très clairement. Sans parler des problèmes extrêmes, les Français ont envie de continuer l'aventure ensemble. On ne retrouvera jamais des gens qui sont prêts à créer des unions avec des gouvernements propres. Cela n'arrivera pas. Cette union n'est pas un consensus dans la mesure ou les Français sont souvent en désaccord sur beaucoup de sujets. Ils ont des points de vue divergents et ils aiment les faire savoir. Il faut savoir que le socle commun qui lie les Français est très solide. Au-delà de ce socle commun, ce qui est friable, c'est le fait que les Français ont tendance à toujours rendre quelqu'un d'autre responsable de leurs maux. En ce moment, c'est le "système" qui est mis en cause. Ce qui est paradoxal, c'est que près de un Français sur deux se dit anti-système alors que le point de convergence entre tous les Français, c'est le système de protection sociale. Ils aiment bien avoir des visions alternatives et dire : "c'est de la faute de l'autre, c'est de la faute du gouvernement…" Notre système de protection sociale par exemple, il est très valorisé, mais quand ils entendent qu'il est en déficit, leur réponse est de dire que c'est parce qu'il est mal géré. Ils n'ont pas en tête que s'il est un peu bancal, il permet de gagner vingt ans d'espérance de vie en quelques années, on est capable de soigner des maladies très difficilement curables jusqu'à présent. Ils n'ont pas tous les éléments en tête. Les responsables politiques ont mal joué leur rôle, ont été très mauvais pédagogues. Les Français sont un peuple très pessimiste, qui pense que les inégalités ont augmenté. Elles ont augmenté, certes, mais depuis le début de la crise. Quand on replace les éléments en perspective, la pauvreté a régressé, l'espérance de vie a augmenté, les enfants ne travaillent plus… L'ampleur des problèmes est décuplée au regard de la réalité.  

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