Égalité du temps d'antenne : et si on faisait plutôt confiance aux journalistes et aux téléspectateurs ?<!-- --> | Atlantico.fr
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A partir du 19 mars, les chaines de télévisions devront assurer à l'antenne un temps de parole "égal" entre les candidats à la présidentielle.
A partir du 19 mars, les chaines de télévisions devront assurer à l'antenne un temps de parole "égal" entre les candidats à la présidentielle.
©Capture écran

Télé politique

A partir du 19 mars, les chaines de télévision devront assurer à l'antenne un temps de parole "égal " entre les candidats à la présidentielle. Mission impossible ?

Francis Balle

Francis Balle

Francis Balle est professeur de Science politique à Pantheon-Assas. Il est l’auteur de Médias et sociétés 18 ème édition, ed Lextenso et de Le choc des inculture , ed L’Archipel.

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Atlantico : A partir du 19 mars, les chaines de télévisions devront assurer à l'antenne un temps de parole "égal" entre les candidats à la présidentielle. Comment les chaînes de télévision peuvent être assurés cette mission ?

Francis Balle : On arrive au bout d’un système. Dès lors que les chaines sont de plus en plus nombreuses, dès lors que des chaines d’information existent au coté des chaines historiques et dès lors qu’Internet joue une place de plus en plus importante, les règles applicables aussi bien aux chaines historiques qu’aux chaines de complément deviennent de plus en plus inutiles. Elles perdent leur raison d’être car, après tout, le pluralisme est remplacé par la concurrence, c’est au téléspectateur de faire le choix plutôt que d’obéir à une vision en amont qui est celle du CSA.

Après le 19 mars, les "gros" candidats seront incontestablement submergés par les "petits" candidats qui auront droit au même traitement. Ce qui rendra sans aucun doute plus difficile, pour les journalistes, de présenter les projets des candidats les plus crédibles et de les opposer les uns aux autres.

Mais ce ne sera pas uniquement la faute du CSA et des règles qu’il a été obligé d’édicter. Ce sera également la faute des chaines elles-mêmes et des commentateurs qui, on le constate de jour en jour, se livrent davantage à des commentaires sur les commentaires qu’à l’examen attentif et scrupuleux des projets des candidats.

Par ailleurs, il existe un effet pervers pour les petits candidats. Ils savent que leur seule chance d’accéder aux grands médias est d’être candidat. On se demande ainsi s’ils accèdent aux médias parce qu’ils sont candidats ou s’ils sont candidats pour accéder aux médias. Le régime politique, combiné avec cette règle d’équité puis d’égalité, ne peut ainsi que favoriser les candidatures des petits candidats.

Cela pose un problème d'ordre démocratique, il faudrait jouer la carte de l’équité et non pas de l’égalité. On pourrait alors corriger cet autre effet pervers, le fait que les petits candidats ne soient candidats à la présidentielle avec l’unique but d’accéder à l’antenne avec une vue sur les seules législatives qui sont évidemment le seul enjeu crédible pour eux.

Jouer sur l’équité c’est s’en remettre d’avantage au seul professionnalisme des journalistes. Mais c’est aussi s’en remettre davantage à leur subjectivité. 

Vers quelles solutions devrait-on alors se tourner ?

Les chaines sont de plus en plus nombreuses et les chaines historiques ont vocation à rassembler un public de plus en plus divers et à ne pas être la courroie de transmission d’aucun parti. La sagesse serait alors de faire que le CSA adopte la même doctrine d’intervention que son homologue américain la Federal Communications Commission américaine (FCC ) : la FCC se fient seulement à la « Fairness doctrine ». Lorsqu’il y a véritablement un dérapage, quand une chaîne ayant la vocation d’atteindre un public le plus large possible est devenue partisane sans que l’on puisse le démontrer, une mise en garde est adressée à la chaîne. Il y a simplement mise en garde et non mise en demeure. On ne cède pas à la tentation de mettre en chiffre ce qui ne peut pas l'être : l’équité.

Quand, en France, aura-t-on davantage confiance au professionnalisme des journalistes et à la pertinence des choix des téléspectateurs ?En démocratie, le dernier mot doit être laissé au téléspectateur, c’est à lui de se détourner d’une chaîne dont il estime qu’elle est devenue trop partiale et à se retourner vers une autre chaine dont il a le sentiment qu’elle fait preuve de plus d’honnêteté et d’impartialité. 

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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