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"Il n’y a pas de guerre de religions, c’est une guerre d’intérêts": comment les admirateurs de guerre veulent nous pousser vers le désastre
©Reuters

Bonnes feuilles

Le père J. Hamel est assassiné le 26 juillet 2016, dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, égorgé par deux jeunes terroristes islamistes.Ce livre, rédigé sous forme de lettres librement adressées au père Hamel, est une puissante méditation sur la violence, le terrorisme, la religion. Dans une langue brûlante, l’auteur évoque le martyr du prêtre, la folie de ses assassins, et ce qu’éprouve un musulman comme lui. Extrait de "Requiem pour le père Jacques Hamel" de Mohammed Nadim, aux Editions Bayard (2/2).

Mohammed Nadim

Mohammed Nadim

Mohammed Nadim vit et travaille au sud de l'Algérie. Musulman pratiquant, bouleversé par l'atroce assassinat du Père Hamel le 29 juillet 2016, il décide de témoigner.

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Faudrait-il alimenter toujours à satiété les fourneaux de la haine, de l’amertume et de la désillusion ?

Faudrait-il qu’ils regardent le monde par le prisme de leurs intérêts et au travers d’un égoïsme affolant, pour le voir toujours un peu plus abîmé, qu’ils aient l’image même d’un monde qu’on voudrait une maison craquelée, fissurée, à peine écumeuse, glissant peu à peu vers le néant, vers un filet sournois jusqu’à ce qu’elle soit sans la moindre désolation totalement engloutie ?

Les paroles de Sa Sainteté le pape François, prononcées bien avant la tragédie de Saint-Étiennedu-Rouvray, ont un pouvoir balsamique, antidote contre toutes les haines, et elles réconfortent et gué- rissent toutes les blessures et toutes les peines :

Je parle de guerre seulement, pas de guerre de religions, a-t-il insisté. C’est une guerre d’intérêts, une guerre pour l’argent, une guerre pour les ressources naturelles, une guerre pour la domination des peuples. Certains diront que c’est une guerre de religions mais toutes les religions veulent la paix. Les autres veulent la guerre.

Il n’y a pas de guerre de religions mon père, c’est une guerre d’intérêts. Et les admirateurs de guerre, tous les admirateurs de guerre, pétri de vanité, bouffi d’arrogance nous mettent quotidiennement en joue, veulent mater nos vies et nous pousser vers le désastre, toujours plus de désastre en prenant soin de fermer tous les volets, d’éteindre minutieusement tous les phares, avant de nous tracer des chemins où même les oiseaux peuvent se perdre, qui mènent tous vers l’œil du cyclone, vers la mort.

Avocat de notre cause devant le tribunal de la conscience, et afin de défendre les préceptes de notre religion, de toutes nos forces nous condamnons ce crime. De toute notre énergie, nous sommes indignés. Bien évidemment nous sommes indignés et révoltés et nous crions à la face du monde notre désolation et notre colère, mais parfois les silences sont plus parlants que les paroles et plus aptes à disséminer la fraternité, et font de sorte, en attendant d’écumer les plaines, que les montagnes abruptes de la discorde soient des collines plus douces, que le vent souffle moins violemment.

Nous n’irons pas arpenter les rues avec des signes qui nous caractérisent clairement. Qui de son fichu, qui de son foulard, qui de son voile, qui de sa burka, qui de sa djellaba, qui de son burkini, qui de son burnous, dénonçant une brebis galeuse, un criminel sorti de nos rangs, parce que la peine est commune à toutes les religions, à tous les hommes, parce que tout compte fait mon père, ces hommes ne peuvent prétendre parler en notre nom.

Et libre à eux de trouver dans le saint Coran ce que nous n’avons pas trouvé qui pousse à la haine, tant que leur lecture ne dévie pas vers le meurtre, tant qu’ils n’enlèvent pas aussi froidement une vie, car la religion mon père, vous le savez mieux que quiconque, n’est nullement un concours pour découvrir et honorer celui qui excelle dans la défense de Dieu avec l’épée et la dague, mais pour savoir qui ouvre le plus grand son cœur et aime ses semblables. Que doit-on faire mon père, devant tant de barbarie partout dans le monde, doit-on renier la pensée, doit-on abandonner toute humanité, doit-on oublier les fondements de toutes les religions basées avant tout sur le pardon et sur l’absence d’exclusion ?

Quand on pense que vous avez été assassiné pour votre rectitude, pour votre droiture et pour votre vertu, nous devons, alors même que c’est difficile, adhérer à ce monde pour tenter de le sauver de lui-même, nous devons tout essayer et même chargés de nos pêchés on ne peut reculer, on ne peut abandonner parce que cette union il faut même la forcer, si nous ne voulons pas être comme le rameur qui lutte toujours à contre-courant, ou comme l’eau qui coule vers sa source, parce que plus tard on ne pourra même pas se frapper la poitrine pour exprimer nos regrets, on ne pourra même pas se désoler ou se repentir.

Extrait de "Requiem pour le père Jacques Hamel" de Mohammed Nadim, aux Editions Bayard

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