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Score de perdants : 3 graphiques pour comprendre en 1minute30 l’obsolescence du mode de scrutin majoritaire conjugué avec les institutions de la Ve République
©MICHEL EULER / POOL / AFP

Leçons de choses

La fin de la Vè République est devenue inéluctable. Elle est probablement la seule leçon durable à retenir des élections législatives, qui voient le triomphe absolu d’un parti extraordinairement minoritaire.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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C’est évidemment la grande imposture d’un régime fantoche que de proclamer la victoire triomphale d’un parti ultra-minoritaire. Cette aberrante dérive ne se produit ni en Turquie, ni en Russie, ni dans une dictature larvée que les élites parisiennes adorent mépriser. Elle se produit dans notre République, qui n’est plus que l’ombre d’un régime démocratique.

Pour ceux qui en douteraient, quelques graphiques simples permettent d’illustrer un propos de bon sens, mais devenu « dissident » par une étrange hystérie collective.

Petite histoire des battus de la Vè République

Commençons par dresser une petite histoire des battus aux législatives, au premier tour, de la Vè République, pour comparer leur score à celui d’En Marche.

En 1981, la droite parlementaire (UDF et RPR) avait obtenu près de 30% des inscrits au premier tour. En 1993, le parti socialiste et les divers gauche (sans les écologistes) ont décroché la timbale du résultat le pire pour des battus: à peine 13% des inscrits. Depuis cette date, les battus ont oscillé entre 14,5 et 20% des inscrits.

Il a fallu attendre En Marche pour qu’un… vainqueur fasse à peine mieux, au premier tour, que le Parti Socialiste battu en 1993.

C’est au fond la dimension christique d’Emmanuel Macron qui apparaît: les premiers seront les derniers, les derniers seront les premiers.

Malgré tout un nombre de sièges historiques

Malgré ce score minable, En Marche bénéficie d’une projection de sièges sans égal depuis les débuts de la Vè République. Là aussi, une petite comparaison historique illustre parfaitement le dysfonctionnement majeur du régime, qui permet à des ultra-minoritaires dans l’opinion d’obtenir une majorité écrasante à l’Assemblée Nationale.

Comme on le voit, avec des scores supérieurs à ceux d’En Marche en terme de représentativité réelle, les battus des années précédentes n’ont jamais dépassé les 250 sièges à l’Assemblée, et ont obtenu d’ordinaire moins de 200 sièges.

Avec une représentativité effective auprès des inscrits inférieure de 30% à celle de la droite parlementaire en 1997, En Marche obtiendra le double de sièges. Cherchez l’erreur!

Un coefficient multiplicateur record pour En Marche

Si l’on cherche à étudier le coefficient multiplicateur des institutions (autrement dit le rapport entre le nombre de voix obtenues au premier tour et le nombre de sièges), on s’aperçoit là aussi qu’En Marche atteint des records historiques, dignes de la multiplication des petits pains par le Christ.

D’ordinaire, il y a un rapport de 5 à 12 entre le taux d’inscrits obtenus au premier tour et le nombre de sièges décrochés à l’Assemblée Nationale. Ainsi, en 1981, les 30% d’inscrits obtenus par l’UDF et le RPR au premier tour se sont transformés en 150 sièges.

En Marche décroche le taux de conversion record de 32: 1 % de suffrages obtenus parmi les inscrits donne droit à 32 sièges à l’Assemblée Nationale.

C’est évidemment extravagant, et sans commune mesure avec la réalité politique de l’opinion.

La Vè République atteint ses limites

Il faut être aveugle (ou pratiquer la politique à l’ancienne comme semblent le faire Castaner, Griveaux et Mahjoubi) pour ne pas reconnaître que la probable écrasante majorité qu’En Marche décrochera au second tour défie les lois de la démocratie.

Un régime institutionnel qui permet à un parti doté d’un score de battu de détenir sans partage tous les pouvoirs devient une mauvaise caricature du Léviathan. Il ne s’agit pas seulement ici de théoriser sur ce qu’est une bonne gouvernance. Il s’agit de prévenir sur les dérives inévitables qui guettent un pouvoir exécutif sans contre-pouvoir.

Sur ce point, l’entêtement des porte-paroles d’En Marche à nier les dangers que cette situation représente est déjà suspect. Si notre Président jupitérien est réellement attaché à l’intérêt général, il ne peut pas contester l’existence d’un danger, renforcé par les atteintes à la liberté de la presse qui se multiplient depuis plusieurs semaines.

Les ferments d’une crise de régime

Paradoxalement, la victoire d’Emmanuel Macron porte donc les ferments d’une profonde crise de régime. Celle d’une République qui voulait sortir du régime parlementaire et qui mourra, soixante ans plus tard, par l’excès inverse: celui d’une hyper-présidentialisation.

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