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"Lou Andreas-Salomé" : portrait vivant, complexe, attachant d'une femme qui n'a pas fasciné que Nietzsche...
©Reuters

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François Quenin pour Culture-Tops

François Quenin pour Culture-Tops

François Quenin est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CINEMA
Lou Andreas-Salomé
De Cordula Kablitz-Post
Avec Katharina Lorenz (Lou de 21 à 50 ans), Nicole Heester (Lou à 72 ans), Liv Lisa Fries (Lou à 16 ans), Helena Pieske (Lou à 6 ans), Alexander Scheer (Friedrich Nietzsche), Julius Feldmeier (Rainer Maria Rilke), Harald Schrott (Sigmund Freud)
RECOMMANDATION : EXCELLENT
THÈME
En 1933, un étudiant allemand se présente chez une dame qui s’est retirée avec sa gouvernante dans une grande et vieille demeure de Göttingen. Elle s’appelle Lou Andreas-Salomé et elle a 71 ans. Il lui reste quelques années à vivre, elle meurt en 1937, et elle les consacre à ses mémoires qu’elle dicte au jeune étudiant plein d’admiration. Tandis que dans les villes allemandes, les nazis brûlent les livres des auteurs juifs, la grande dame parle de son enfance à Saint-Pétersbourg entre un vieux père qui l’adorait et qu’elle perdra au cours de son adolescence et une mère rigide qu’elle devra affronter pour vivre sa vie.
POINTS FORTS
La réalisatrice allemande Cordula Kablitz-Post a, dans ce qui est son premier long-métrage, réussi à éviter l’hyper intellectualisme qui menaçait cette histoire où l’on voit une femme rencontrer les génies de son époque, Nietzche, Rilke, Freud, excusez du peu… La cinéaste les a filmés, ces grands hommes, comme des êtres vivants, tâtonnants, comme vous et moi, et pas comme des totems lointains et intouchables. Un bon point.
Nous la voyons au cours de son enfance, la petite Louise von Salomé qui deviendra Lou par la volonté de l’un de ses amis étudiant. Fillette, elle ne comprend pas pourquoi son frère peut monter dans les arbres et pas elle. Si tout se joue dans l’enfance, les différences et les interdits qu’établit sa mère la révoltent. Après des études de philosophie qu’elle entreprend à Zurich en 1880, seule université acceptant les femmes à l’époque, elle s’éloigne de cette mère sévère.
Et voilà pourquoi, en entrant dans l’âge adulte, Lou décide qu’elle ne se mariera jamais et n’aura jamais de relations sexuelles. Elle veut se consacrer à l’écriture en général, à la philosophie en particulier. Elle rencontre en 1886 Fiedrich Carl Andreas qui tombe fou amoureux, un de plus. Elle consent à épouser cet orientaliste distingué si le mariage n’est pas consommé. Et elle devient Lou Andreas-Salomé.
Grâce au juriste et philosophe Paul Rée, qui demande en vain sa main, avant Andreas, en 1882, elle a 21 ans, elle fait la rencontre de Friedrich Nietzsche qui en a 38 et connaîtra sa seule histoire d’amour avec elle dans une escapade à trois, Paul, Lou et Friedrich. La sœur du philosophe du "Gai savoir" cassera cette amitié amoureuse. Elle ira jusqu’à intercepter les lettres de Lou. Si bien que Nietzsche découvrira trop tardivement cette correspondance et les cruels stratagèmes de sa sœur.
À 36 ans, en 1897, Lou cède à l’amour fou du poète Rainer Maria Rilke et devient sa maîtresse. C’est sa première passion physique, il était temps... Mais elle finira par le quitter, lui préférant sa chère liberté. Et c’est en 1911 qu’elle fait la connaissance de Freud, entreprend avec lui une psychanalyse et devient à son tour psychanalyste. Quel destin !
Dans un aller-retour entre le présent et le passé, plusieurs comédiennes incarnent cette femme exceptionnelle aux différents âges de sa vie. On citera la belle Katharina Lorenz qui interprète Lou dans la splendeur de sa jeunesse et l’émouvante Nicole Heester qui est une Lou âgée mais toujours vive et vaillante, tandis qu’elle décide de ne plus pratiquer la psychanalyse devenue une « science juive » pour un régime qui enfonce l'Allemagne dans la nuit.
POINTS FAIBLES
La biographie se déroule harmonieusement sans jamais égarer le spectateur. Toutefois, compte tenu des hauts personnages qui font face à la caméra, le spectateur était en droit d’attendre des controverses intellectuellement nourries et élevées, au risque, il est vrai, de périr d’ennui ou d’être égaré dans une complexité fatale…
EN DEUX MOTS
Le célèbre écrivain et psychothérapeute américain Irvin Yalom, dans son roman « Et Nietzche a pleuré », raconte que Lou Andreas-Salomé a tenté de faire soigner Nietzche par un vieil ami viennois admirateur du jeune Freud, le docteur Breuer, qui avait reconnu le génie du philosophe. Ils ont eu ensemble, Nietzche et Breuer, de longues conversations quand le premier a accepté de séjourner dans la clinique du second. Ce Breuer n’est pas présent dans le film de Cordula Kablitz-Post qui avait, il est vrai, une matière immense à rassembler.
UN EXTRAIT
Ou plutôt deux:
- « Le monde ne te fera pas de cadeau. Crois-moi. Si tu veux avoir une vie, vole-là ». Lou Andreas-Salomé
- « Tu étais la personne la plus tendre que j’ai rencontrée,
tu étais la personne la plus dure avec laquelle j’ai lutté.
Tu étais la cime qui m’avait béni
et tu devins l’abîme qui m’engloutit ». Rainer Maria Rilke
LA RÉALISATRICE
Cordula Kablitz-Post a commencé à travailler dans le cinéma en tant qu’assistante à la réalisation, puis a tourné des films et des documentaires pour la télévision allemande. Pour Arte, dans la série « Ma vie », elle a dressé le portrait de nombreux artistes comme Nina Hagen, Mickey Rourke ou Helmut Berger.
Ce premier film très réussi est donc la poursuite d’un travail pointu sur les grands artistes et intellectuels du temps jadis et d'aujourd'hui.

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