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Fête des mères : la rude tâche des mamans d'aujourd'hui
©Reuters

Bonne Fête

Si la fête des mères est une fête traditionnelle en France depuis plus d'un siècle, le statut des mères a quant à lui connu de grandes évolutions. Dans le discours politique, les médias ou le marketing, les portraits sont variés. A la recherche de la "vérité".

Catherine Monnot

Catherine Monnot

Catherine Monnot est anthropologue à l'EHESS et professeure d'histoire-géographie dans le secondaire.

Auteure de Petites filles d'aujourd'hui, l'apprentissage de la féminité (Autrement, 2009). Elle vient de publier aux éditions Le Vent se Lève : "Gabriela, Rom de France".

 

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Atlantico : Au cours de ces dernières décennies, comment rôle de la mère a changé en matière de discours politique en France ? 

Catherine Monnot : La place de la femme adulte et de la mère se confondent encore bien souvent dans l''imaginaire collectif, et l'on peut dire que toutes deux n'ont réellement été reconnues d'un point de vue politique, comme des citoyennes à part entière qu'à partir de 1945. Et il faudra attendre encore une vingtaine d'années pour que différentes lois leur accorde le même droit à l’indépendance économique que leurs mari (droit à un compte bancaire ou à un emploi sans l'accord du conjoint). Jusqu'aux années 1970, la mère n'étais donc qu'une mineure au sein de son foyer, sous la tutelle de son mari après avoir été sous celle de son père.

Aujourd'hui la sphère politique reconnait aux mères leur capacité à supporter à la fois un rôle familial et sociétal, et un rôle économique, et cherche à mettre en place des mesures protégeant la place des mère dans le monde du travail. Mais les dynamiques fines sont souvent ignorées alors qu'elles nécessiteraient une prise en compte par le politique, comme les stéréotypes sexués à l'origine de l'orientation scolaire et professionnelle des filles vers des métiers à faibles débouchés et faibles rémunérations,  comme aussi le plafond de verre qui montre un arrêt de l'ascension professionnel des femmes à un certain niveau de responsabilité et à un certain âge (celui de l'entrée dans l'âge maternel), ou bien encore le problème chronique de la répartition des taches domestiques qui rattache les femmes à la sphère domestique au détriment de la sphère professionnelle en les conduisant insidieusement vers le travail à temps partiel, ou simplement le refus des heures supplémentaires ou des promotions chronophages qu'elles ne peuvent concilier avec leur travail "obligatoire": celui de mère

De la même façon, quelle a été l'évolution de l'image de la mère promue par le marketing, la publicité et la culture média en général ? 

Le monde de la consommation en général utilise la fonction maternelle des femmes à des fins économiques: la mère est celle qui consomme le plus parce qu'elle consomme pour l'ensemble du foyer. Elle est donc principalement visée par les publicitaires, et mise en situation dans son rôle mère. Bien plus que dans son rôle de professionnelle, d'artiste, de sportive ou bien de membre d'association ou de parti politique... toute chose que la mère d'aujourd'hui est pourtant aussi. L'image de la femme proposée par le monde du marketing est donc extrêmement stéréotypée, en ce que dans 80% des cas elle ne propose pas d'alternative et occulte les femmes qui ne sont pas mères. Et cet endoctrinement identitaire commence très tôt avec les publicités pour les jeux et les jouets de filles qui plongent immédiatement les petites dans un univers maternel et leur enseigne ce qu'elles devront forcément être à l'âge adulte: des mères avant tout, dévouées et aimantes.

Ces images "fantasmées" ont-elles eu un impact sur la population ?

Bien sûr, ce martellement entraine de nombreuses frustrations et autres fractures dans la construction identitaire des jeunes filles et des femmes: d'abord pour celles qui n'adhèrent pas au modèle, soit parce qu'elles n'entrent pas au moule de l’hétérosexualité et donc de la famille standard, soit qu'elles ne souhaitent pas ou ne peuvent pas avoir d'enfant. Mais aussi pour celles qui vont suivre la voie standard, puisque le cahier des charges de la mère contemporaine est extrêmement lourd: bonne mère et bonne épouse qui doit faire passer les besoins de son foyer avant les siens, bonne professionnelle mais pas carriériste, elle ne doit jamais se laisser aller et continuer à rentrer dans du 38 à 45 ans. En tous cas c'est le message que lui envoient les médias, y compris lorsqu’elle fait du 42 depuis ses 20 ans comme une grande partie des vraies femmes qui peuplent la vraie vie, y compris lorsqu'elle a fait de longues études et gagne davantage que son conjoint, y compris lorsqu'elle entretient une passion artistique ou sportive, ou bien un engagement politique ou social dont elles font une priorité à certains moments de leur vie... Ces femmes là sont souvent ignorées par le monde des médias, et "la" femme réduite à une dimension bien pauvre.

Quelles ont été les transformations les plus importantes sur le statut de la femme mère au foyer ?

Le modèle traditionnel de la femme au foyer des années 50 n'est évidemment plus dominant, même si les femmes restent souvent partiellement dépendantes économiquement du mari à cause du travail à temps partiel ou des congés parentaux, du taux de chômage féminin plus élevé, puis des pensions de retraite plus faibles.

Mais si les mères d'aujourd'hui travaillent dans leur majorité, ce sont parmi  les femmes adultes celles qui travaillent le moins en terme de taux horaire et ce sont les moins bien rémunérées, et contrairement à ce que l'on pense, même lorsqu'il s'agit d'un ''choix'' c'est un choix par défaut dû à l'absence d'alternative au sein du foyer. 

Parallèlement, le nouveau père est bien souvent un mythe, et à de nombreux égard: en terme d'évolution de carrière, de salaire, et de répartition des taches domestiques (à 80% à la charge de la mère). Certes là encore, de nombreux pères savent changer les couches, font les courses et amènent les enfants à la crèche ou à l'école, mais les chiffres montrent qu'au global l'ensemble des responsabilités du foyer restent mal réparties et freinent les mères dans leurs parcours individuels et professionnels. A contrario, l'entrée dans la paternité semble agir comme un accélérateur pour les carrières masculines, puisqu'ils entrent en même temps dans l'âge des prises de responsabilités.

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