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Formation professionnelle : si la France est à la traîne, les députés n'y sont pas étrangers...
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Mémoire de poissons rouges

Nicolas Sarkozy a annoncé jeudi vouloir "changer complètement le système de la formation professionnelle", soutenant que ce secteur est "explosé entre les partenaires sociaux, le patronat, les régions et l’Etat". Le phénomène n'est pourtant pas nouveau, et avait été évoqué dans un rapport étouffé... par l'Assemblée nationale !

Jérôme de Rocquigny

Jérôme de Rocquigny

Jérôme de Rocquigny est vice-président en charge de l’emploi et de la formation professionnelle au sein d'une association patronale, le Cerf

Il travaille également avec des représentants des autorités chinoises pour des projets de formation professionnelle. 

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Nous commençons à voire transparaître les vertus de la campagne présidentielle, même si les bénéfices secondaires des annonces des uns et des autres ne sont pas garanties au-delà du deuxième tour.

En effet, chaque candidat - et le président candidat en tête dans ses déclarations de jeudi - semble découvrir aujourd’hui les effets nocifs des derniers ANI (accord national interprofessionnel) successifs depuis 2004, et se déclare conscient du dysfonctionnement de la formation professionnelle en France. Et ce, de la formation en alternance, en passant par l’aide à l’insertion via les PRF (plan régionaux de formation), jusqu'à la formation professionnelle tout au long de la vie et enfin à la formation des chômeurs. 

On s’interroge aujourd’hui sur cette prise de conscience collective et tardive, pourquoi attendre la veille d’un premier tour (alors que cela fait maintenant 7 ans que l’on ¹ dénonce ces différents accords) pour s’offusquer que la formation en alternance est en danger ! 

Près de 400 000 jeunes, depuis que le pouvoir a été donné aux branches professionnelles et aux partenaire sociaux, n’ont pas pu être formé (contrat trop cher et trop compliqué). Pourquoi attendre de constater que plus d’un million de jeunes de moins de 26 ans sont au chômage, et que près de 70 % des chefs d’entreprise ne veulent plus embaucher de jeunes en contrat de formation en alternance pour s’interroger sur un système qui communique beaucoup mais qui en panne.
Panne qui au demeurant ne semble pas émouvoir plus que ça les pouvoirs publics. Ah non ! J’oubliais, la grande réforme attendu de la formation en alternance a effectivement été annoncée ! Un quota minimum de 5 % de jeunes en alternance pour entreprise de plus de 250 salariés, réforme d’autant plus pertinente que les embauches dans ces entreprises ne représentent pas plus de 20 % des embauches pour ce type de contrat, sachant que la grande majorité de l’offre se situe chez les TPE (très petites entreprises) et PME (petites et moyennes entreprises).


Pourquoi nos hommes politiques sont en émoi, lorsque l’on annonce, que les plus de 50 ans, les femmes et la grande majorité des salariés des entreprises de moins de dix personnes ne sont pas ou peu formés, et qu’en même temps les surqualifiés et les cadres des grands groupes bénéficient d’enveloppes substantielles, faisant au passage le bonheur d’organismes de formation proches de ceux qu’il faut. Alors que ceux-là même (nos chers députés œuvrant pour l’intérêt collectif) ont enterré le rapport Perruchot, qui pouvait commencer à éclairer certains d’entre nous sur le financement du paritarisme en France. De fait, il aurait permis de comprendre que tout cet argent collecté pour la formation, et non dépensé pour son objet initial, serait le bienvenue...

On pourrait continuer la liste des incohérences d’un système qui ne profite pas à tout le monde, mais elle suffit à comprendre que le constat fait aujourd’hui frémir, et les candidats ont bien raison ! Certes il y a des choses qui marchent notamment dans le cadre des FPSPP (fonds de paritaire de sécurisation des parcours professionnels) pour les salariés d’entreprises en difficulté, certes certaine région ont bien mené des projets de formation pour des publics en danger, et certaines actions communes entreprises par Pôle-emploi ont fonctionné.

Malgré tout, le constat est là. Au regard des sommes dépensées (près de 30 milliards de deniers publics et privés confondus), le résultat n’y est pas, nous ne sommes pas assez formés en France. A titre de comparaison, certains pays, qui s’en sortent largement mieux que nous au niveau du chômage, forment leurs salariés en moyenne deux fois par an, alors qu’un salarié français a de la chance s'il est formé une fois tous les 7 ans. Analyse d’autant plus inquiétante qu’une des principales causes du chômage est la déqualification par manque de formation. En effet, un salarié bien formé peut aller jusqu’à 40 % de gain production en plus, avec tout le confort que cela génère pour lui en terme de bien-être au travail, et pour l’entreprise en terme de rentabilité.

L’annonce du président candidat par la voix de son Premier ministre de transférer les 30 milliards de la formation professionnelle au pôle emploi, pour former les chômeurs est perçue comme un cataclysme par les professionnels de la formation. On oscille entre le fou rire et le désespoir quand on s’interroge sur ceux qui conseillent Nicolas Sarkozy (peut être les mêmes qui ont préconisé aux députés de faire disparaitre le rapport Perruchot). Comment suggérer d’attendre que des hommes et des femmes soient au chômage pour commencer à penser les former ?

Quant à la mise en place d’observatoires de la formation professionnelle, des besoins et des métiers en tension, n’existent-ils pas déjà ? Décidément, les conseillers sont bien distraits !

Donc merci à la campagne présidentielle de s’inquiéter d’un des acteurs (la formation professionnelle) qui possède sûrement le plus de talents, et les qualités les plus sûres pour relancer notre économie, notre industrie et de fait la croissance et l’emploi. Merci de parler de lui, c’est un « artiste » silencieux qui mérite sûrement un oscar du second rôle, sans qui le film de la croissance ne serait qu’un navet "made in France".


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Notes

¹ Si les candidats sont en manque d’idées, osons leur préconiser de mettre en place un grenelle de la formation professionnelle, où seraient invités à participer d’autres acteurs que ceux, dont il est question dans le rapport Perruchot... 

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