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La haine de l'Etat islamique contre la France ? Des considérations stratégiques mais aussi publicitaires
©Reuters

Bonnes feuilles

Parmi les ouvrages sur l'État islamique, voici le premier à décrypter l'incroyable pouvoir de persuasion qui amène des milliers d'hommes à tuer ou à mourir pour un califat mythique. Implanté sur sa terre sacrée, il attire des "foreignfighters" du monde entier et souvent leur famille. (Extrait de "Daesh : L'arme de la communication dévoilée" de François-Bernard Huyghe, publié aux Editions VA Press 1/2)

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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En France, le débat fait rage pour savoir s'ils nous haïssent (haïr : mot que les djihadistes assument) pour ce que nous avons fait ou pour ce que nous sommes. Les partisans de la première thèse, disons celle du contentieux, tendent à s'appuyer sur les déclarations des djihadistes eux-mêmes. Dans les vidéos avant attentats, ils montrent des enfants victimes de bombardements, mais aussi des gamins qui s'entraînent à tirer avec le portrait de Hollande pour cible. Pendant les attentats, comme au Bataclan où les tireurs hurlaient que c'était pour Hollande, pour les bombardements de la Syrie. Dans des vidéos enregistrées avant ou pendant la tuerie, le thème revient : vous tuez nos femmes et nos enfants, vous nous attaquez sur notre territoire, vous allez payer le prix du sang. L'argument est classique : vous nous envoyez des bombes depuis le ciel, nous vous envoyons des bombes humaines. Ainsi à l'occasion d'un numéro spécial très vite après la tuerie de novembre 2015, la revue Dar al-islam expliquait : " La minable petite France a été frappée par les lions du califat... (Les Français) continueront à sentir l’odeur de la mort pour avoir pris la tête de la croisade, avoir osé insulter notre prophète, s’être vantés de combattre l’Islam en France et avoir frappé les musulmans en terre du Califat avec leurs avions qui ne leur ont profité en rien dans les rues malodorantes de Paris... Ce sont donc les bombardements aveugles français qui sont la cause de cette menace.". Difficile d'être plus clair. Les partisans du "ce que nous sommes" plaident que les attentats qui ont frappé la France auraient eu lieu de toutes façons, que notre participation aux opérations en Irak et en Syrie n'a pas aggravé les choses, voire l'inverse. Pour François Hollande en visite en Irak en Janvier 2017, ce serait en les frappant à l'extérieur que l'on viendrait à bout du péril à l'intérieur. On connaît l'argument. Lors de l'attentat de Charlie, la cible aurait été la liberté de la presse (il faut préciser que les frères Kouachi ne se réclamaient pas de Daech), au Bataclan et dans les rues avoisinantes, les jeunes qui boivent à la terrasse, flirtent et écoutent du rock. À Nice, après un moment de flottement où l'on douta de la santé mentale du tueur, ce fut le symbole de la joie populaire et du sentiment républicain qui furent convoqués : nous étions victimes parce que libres, unis et tolérants. Bref toutes ces haines - comme celle de l'homosexuel, du policier, du juif, du prêtre - n'auraient de lien que d'être des haines auxquelles s'opposerait le principe d'identification : je suis Charlie, un flic, un noctambule, un curé, un musulman qui allait au feu d'artifice... Ce principe de sympathie (souffrir pour par procuration) ne parle guère à l'adversaire.

Là encore, donnons la parole à la presse djihadiste "N’avez-vous pas entendu Manuel Valls, de son vrai nom Manuel Carlos Valls Galfetti, dire : « Oh peuple français, ces gens ne vous ont attaqué que pour vos valeurs et parce que vous êtes d’une grande beauté. » Et a son peuple injuste de répondre : « Nous savons, nous savons. » Sachez, oh peuples injustes, que si les moudjahidines vous ont attaqué et ne cesseront de vous attaquer, ce n’est nullement pour vos valeurs, même si nous désapprouvons vos mœurs païennes. Et parmi ces dernières : la prostitution des femmes, la pornographie, le mariage homosexuel, le fait que deux hommes peuvent se marier et adopter des enfants... Oh peuples injustes, soyez rassurés, même si nous nous désavouons de vos valeurs, nous ne vous tuerons pas pour autant... Pourquoi, une fois qu’ils ont vu leur gouvernement qu’ils ont élu, massacrer des musulmans, ils ne sont pas sortis dans la rue pour réclamer sa démission ? Ou empêcher leur enfant de s’engager dans l’armée ? Bien au contraire, ils vivent en paix. Cette époque est révolue, vous allez gouter à la terreur ! N’est-ce pas eux qui contribuent à l’économie du pays ? N´est-ce pas ces derniers qui travaillent dans les fabriques d’arme ? Ces armes ne servent-elles pas à massacrer les musulmans ? Ou bien vous ont-ils déjà montré qu’ils n’étaient vraiment pas d’accord avec leur gouvernement ? Ont-ils déjà essayé de le faire chuter ? Non, bien au contraire, leurs peuples massacrent les musulmans et eux vivent en paix. Cela est dû à cette injuste habitude que vous avez prise de massacrer les musulmans". Hors quelques considérations sur la "croisade perdue" menée par des "envahisseurs imbéciles" au Mali, al-Qaïda ne se soucie pas particulièrement de la France. Mais la place de notre pays dans la hiérarchie de l'exécration propre à Daech s'explique par des considérations stratégiques mais aussi publicitaires. Tous les attentats sur notre sol ont eu un grand retentissement et la France fournit un nombre exceptionnel de foreign fighters. Le public francophone de Daech constitue un second cercle international auquel s'adresse une propagande spécifique. Frapper la France, c'est se garantir un certain écho. Si l'affaire se réduisait à notre politique étrangère, nous aurions peut-être pu, comme le suggère Michel Onfray, négocier sur une base géopolitique, même au mépris de toute dignité morale. En tout état de cause ce serait trop tard et trop peu.

Extrait de "Daesh : L'arme de la communication dévoilée" de François-Bernard Huyghe, publié aux Editions VA Press

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