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L’Arabie Saoudite, l’allié bien encombrant de Washington
©MANDEL NGAN / AFP

Encombrant

La coïncidence pouvait difficilement être plus symbolique : le jour du sacre de Hassan Rouhani, pour un deuxième mandat à la tête de la présidence iranienne, Donald Trump était reçu en grande pompe par le Roi Salmane en Arabie Saoudite pour un grand sommet de l’Islam Sunnite. C’était voulu.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Un choix pour le moins surprenant pour un premier déplacement international d’un Président américain nouvellement élu. En effet, ces derniers avaient tendance à réserver leur premier déplacement chez leur voisin immédiat mexicain ou canadien. D’autres destinations auraient pu faire davantage de sens au vu des grands enjeux internationaux. L’émergence de l’Asie avec comme symbole Beijing, la relance de l’alliance atlantique et l’Europe menacé par le populisme avec Berlin ou encore cette guerre froide résurgente avec Moscou en filigrane. Mais non, Donald Trump a choisi le pays musulman le plus rétrograde, berceau du wahhabisme, pour marquer les esprits.

Choisir l’Arabie Saoudite parmi les 49 pays qui ont une population à majorité musulmane même sous prétexte de faire la tournée des grandes religions révélées bibliques n’est pas anodin. En effet, l’Arabie Saoudite ne représente en rien le monde musulman dans son ensemble. Certes, le pays comprend en son sein les deux principaux lieux sacrés de l’Islam avec la Mecque et Médine et fut le lieu de naissance du prophète de l’Islam. Mais les hasards de la géographie à part, l’Islam est tout sauf le wahhabisme saoudien. Le Buddha est né en Inde mais le Bouddhisme se trouve surtout ailleurs. L’Arabie Saoudite avec sa population nationale (hors travailleurs étrangers) ne représente que 17 millions de musulmans dont 7 millions de Wahhabites soit une fraction infinitésimale des 1,6 milliards de musulmans qui rejettent le wahhabisme. En fait, les seuls musulmans qui s’identifient à la forme salafiste de l’Islam incarné par le wahhabisme saoudien ne sont que les membres de Daech, les Talibans Afghans, le Boko Haram nigérian et des minorités extrémistes au Pakistan et dans le Caucase. Quelle représentation incarne donc ce pays pour qu’il devienne le choix du Président américain pour s’adresser au monde musulman ?

S’il pourrait être vrai que les quelques 350 milliards de dollars de contrats dont un tiers de contrats d’armement annoncés lors de cette visite seraient susceptibles de justifier la raison d’Etat pour les Américains, dans la pratique, il en va autrement. Les réserves de l’Arabie Saoudite sont aujourd’hui inférieures à 400 milliards de dollars soit presque moitié moins qu’il y a trois ans, date marquant la baisse des cours pétroliers. Or, l’Arabie saoudite, menacée par une faillite financière à horizon 2020 a gravement besoin de cet argent ne serait-ce que pour maintenir la paix sociale domestique menacée par une politique d’austérité imposée à sa propre population et une guerre meurtrière au Yémen. C’est d’ailleurs pour ces raisons que l’administration Obama s’était abstenue d’autoriser de telles ventes d’armement en considérant, notamment pour ce qui est de missiles guidés que ça concourrait à davantage de massacre de la population civile yéménite qui compte déjà au bout de 3 ans de guerre 30,000 morts civils. Le Yémen, affamé, continuera donc à être pris en otage par les saoudiens depuis cette opération militaire qualifiée de « tempête décisive » dont le seul aspect décisif est la crise humanitaire qu’elle a causé au Yémen. A moins que Donald Trump considère que ces contrats représentent un dédommagement pour le 11 septembre dont l’immense majorité des terroristes était composée de Saoudiens !

Par ailleurs, lancer un appel au départ de Ryad, capitale d’un pays avec un passif inégalé dans le domaine des droits de l’homme à destination des pays musulmans ne véhicule pas l’image respectueuse que la plus grande démocratie du monde est en droit d’avoir. Il en va de même du combat contre le terrorisme islamique dont le principal financier d’après les aveux mêmes du pouvoir de Ryad serait la « société civile » saoudienne.

In fine, c’est quand même extraordinaire que l’appel au combat contre le terrorisme soit lancé au départ d’un pays qui est la principale source tant du financement que l’idéologie des mouvements terroristes sunnites qui ravagent le Moyen-Orient comme Daech ou Al-Nosra.

A moins que dans l’esprit des uns et des autres les « terroristes » soient la minorité chiite ! 

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