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Cette cruelle pénurie de capitaux Made in France que révèle l'affaire du rachat des chantiers de Saint-Nazaire
©LOIC VENANCE / AFP

Fait maison

Le président Macron s'est engagé à améliorer le fléchage de l'épargne française vers les entreprises et cherche ainsi à favoriser les investissements en capital.‬

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Selon son programme, cela pourrait être atteint grâce à l'exonération partielle des actifs liquides détenus par les contribuables assujettis à l'ISF et par l'opportune remise en cause de la fiscalité de l'épargne décidée en 2013 par le duo Ayrault – Moscovici au moyen d'une flat tax fixée à 30%.

Le proche avenir dira si ces projets prennent corps mais en attendant, l'hémorragie continue.

Plusieurs exemples sont hélas fournis par l'actualité.

Finalement l'Etat a calé et s'est plié à la stricte loi du marché par-delà certaines déclarations préalables. Ainsi, l'actionnaire de référence des chantiers STX à Saint-Nazaire sera italien faute d'un patriotisme national qui aurait pourtant été justifié dans ce cas précis.‬

Selon les informations émises la semaine dernière, il ressort que le groupe Fincantieri disposera à l'avenir de 66,6% du capital ( en liaison avec un autre investisseur italien ). L'Etat conservant sa minorité de blocage de 34% épaulée par les 10% de DCNS. 

Certains diront que l'on retrouve le même type de configuration que du temps de l'actionnaire sud-coréen, précédent détenteur du bloc majoritaire de STX. A une lourde nuance près que le risque de délocalisation du savoir-faire est éminemment supérieur et que le prix de cession est dérisoire : 79 millions d'euros pour le bloc de contrôle d'un groupe qui a des commandes pour 10 ans et qui réalise 1,5 milliard d'euros de CA par an.

De surcroît, il faut impérativement garder à l'esprit que seul ce chantier est capable d'élaborer et de réaliser la coque d'un porte-avions nucléaire. Autrement dit, à l'expiration du service du Charles de Gaulle, un élément stratégique de notre Défense nationale reposera sur les petites lignes d'un pacte d'actionnaires entre ‬‬Fincantieri et l'Etat. 

Fatalistes, certains diront que " rien ne change sous le soleil " puisque cette entreprise n'était déjà plus française. D'autres – dont je reconnais faire partie – sont amers de cette erreur de l'Etat stratège alors mal managé par les équipes en partance de Michel Sapin.

En effet, on voit mal pourquoi la participation de DCNS a été limitée à 10% soit moins de 10 millions d'euros alors que cette entreprise ( qui vient de remporter un superbe contrat de fourniture de sous-marins avec l'Australie ) a un chiffre d'affaire de 3,2 milliards d'euros (https://www.meretmarine.com/fr/content/dcns-presente-ses-resultats-pour-2016   ) et qu'il faisait sens qu'elle soit hissée à hauteur de 34% ( à l'identique de la participation de l'Etat ) pour parvenir à un actionnariat tripartite équilibré avec 2/3 pour la France.

Pour moins de 100 millions d'euros à comparer aux cadeaux empoisonnés laissés dans le budget par François Hollande qui se comptent en milliards  (http://lecercle.lesechos.fr/node/161944/), la France puissance maritime laisse un fleuron aux mains d'un groupe qui vient de signer des accords stratégiques avec des chantiers navals chinois.  (http://www.usinenouvelle.com/article/la-chine-s-attaque-aux-paquebots-de-croisiere-avec-fincantieri.N400992      ).

Au lieu de faire une visite de courtoisie et d'affichage dans la verrerie d'Arques, Bruno Le Maire serait mieux inspiré de reprendre promptement ce dossier avec l'énergique Sylvie Goulard qui est pro-européenne mais qui n'est nullement taxable de naïveté industrielle.

Au demeurant, si le ministre de l'Economie est soucieux de la parole présidentielle, il pourrait aussi s'occuper du dossier Baccarat qui est sur le point d'être cédé par le fonds opportuniste Starwood à un consortium chinois. Voilà bien un exemple où la mobilisation de capitaux " made in France " permettrait de récupérer, sous notre pavillon, une pépite du luxe.

Evidemment, si la fiscalité du capital devient moins rugueuse, il pourra y avoir des repreneurs partiels tricolores. Il est quand même désolant de devoir constater qu'une belle affaire file à l'étranger tout comme Technip, Dentressangle ou Lafarge. En attendant Publicis ?

Cette érosion de notre appareil productif a deux entrées : par le bas, elle gomme les canards boiteux qui ne peuvent tenir le choc de la compétitivité. Par le haut, les investisseurs n'ont plus guère envie d'être opérateurs en France et réalisent leurs actifs au détriment de notre potentiel national.

Certains, un peu pressés, diront " haro sur ces sales capitalistes ! ". 

Quand Engie ou Danone seront dans la ligne de mire de repreneurs étrangers milliardaires, il sera toujours temps de continuer des discussions à l'infini commencées par René Monory en 1978 et hélas avortées par Lionel Jospin en 1998 qui, par idéologie, a repoussé l'amorce de fonds de pension à la française notamment mise en avant par Jean-Pierre Thomas. (https://www.lesechos.fr/06/05/1997/LesEchos/17390-015-ECH_lionel-jospin-promet-d-abolir-les-fonds-de-pension.htm     )

Il suffit de voir les actions et les performances du fonds souverain norvégien… (  http://abonnes.lemonde.fr/economie-mondiale/article/2017/02/28/norvege-le-plus-gros-fonds-souverain-du-monde-a-gagne-50-milliards-d-euros-en-2016_5086910_1656941.html         )

Rappelons pour conclure que Lionel Jospin s'était ainsi opposé à un certain DSK qui avait commandé une étude toujours pertinente sur " le modèle de détention du capital des entreprises françaises " à l'économiste François Morin. (  http://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1998_num_50_6_3352    )

Face à la virulence de la consolidation qui s'annonce dans beaucoup de secteurs, il est urgent d'agir. Là encore, le Président Macron devra arbitrer.

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