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"L'enfant de la nuit" : l'homme eut un côté odieux, mais l'écrivain compte
©La-tempete.fr

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Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Laroque Latour est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.

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LIVRE
L’ENFANT DE LA NUIT
de Robert Brasillach
Ed. Pardès
201 pages
16 €
RECOMMANDATION : BON
THÈME
« La petite Anne », orpheline  sans grâce, est la protégée d’une cartomancienne qui officie dans le vieux Vaugirard, quartier de  gens ordinaires et d’artisans à l’ancienne. Elle se lie d’amitié avec le narrateur, Robert B, avatar transparent de l’auteur, et lui confesse son enfance opprimée et son besoin d’aimer et d’être aimée. Bien qu’entourée désormais de l’affection d’une petite communauté bienveillante, elle a la rage de ces malheureux humains « de chercher leur malheur en dehors de leur destinée ». Elle se livrera donc  à un acte insensé pour attirer l’attention de Paulin, un chenapan qu’elle vénère, et tentera de se suicider avant de revenir à un « destin réglé, médiocre et heureux ».
« De quoi me plaindrais-je ?  Mais sa jeunesse est finie » conclut Brasillach.
POINTS FORTS
1 – Le portrait désabusé de la jeune Anne :
« Une grise petite fille, sans beauté, sans intelligence peut-être, comme il y en a tant (…) Celle-ci, d’avance, était vaincue »… « Elle ressemblait ainsi à une petite fille de l’école communale, punie et destinée à être toujours punie, toujours laide et toujours mauvaise élève »… « Mais elle me faisait très profondément et très vivement pitié ».
Je n’ai retrouvé cette affection désenchantée que chez Céline lorsqu’il décrit dans « Rigodon » sa rencontre avec Odile Pomaré qui a en charge un groupe d'enfants handicapés mentaux :
« Je les vois là plus bas plein les cailloux... ils ne vont pas plus loin... ah les petits crétins !... les voici, pas d'erreurs, pas exagéré, tous bancalots, grosses têtes pendantes, des quatre à dix ans, à peu près... Quasimodo bambins baveux [...] A vrai dire, ces mômes si débiles, bulleux, baveux, ne pouvaient rien nous demander... on voyait, ils faisaient l'effort qu'on les comprenne, c'était tout... y'aurait plus d'abattoirs possibles si les fonctionnaires préposés regardaient les yeux des anormaux..."
Le style est différent, la tendresse est la même…
2 – L’hymne à la jeunesse charnelle, grâce des plus disgraciés, « le monde des corps souples, des joues en feu »,  la jeunesse si brève promise au vieillissement, «lumière des jours d’autrefois pour ceux qui vont devenir notaires ou marchands quelque part en province».
3 – La peinture d’un Paris idéal, avec « cette poésie de seconde zone des quartiers parisiens»,  mélange de féerique et de réel qui s’inspire en partie des films de Marcel Carné et de René Clair.
4 – Les personnages qui entourent Anne :
Mme Pluche, la tireuse de cartes qui apporte aux petites gens une spiritualité qu’ils cherchent en vain dans les églises traditionnelles,
le petit muet paralytique à la sagesse enfantine, joueur d’échecs surdoué,
Juste Contremoulins, le cordonnier-poète, amoureux de « l’ouvrage bien faite »
M. Ollivier, chargé de prêter des livres aux « mythomanes de la culture gratuite que rassemblent les bibliothèques municipales»,
Paulin Garrouste, le vaurien faible et charmant, qui « n’a pas la carrure nécessaire à un personnage de drame »…
Tous sont originaux et attachants. 
POINTS FAIBLES
Le style très poétique est tout de même bien lent et cette mini-tragédie populaire n’a rien d’un suspense haletant ;  pour être tout à fait honnête,  je dois reconnaître qu’il m’est arrivé de piquer du nez de temps en temps au cours de la lecture...
EN DEUX MOTS
Impossible de discerner dans ce roman écrit en 1934 ne serait-ce que les prémices des engagements politiques de l’auteur. Cette promenade paresseuse dans les rues d’un Paris disparu à la rencontre de Parisiens provinciaux ne manque pas de charme mais a un peu vieilli. 
UN EXTRAIT
p.198  « Dans le baptême nocturne du fleuve, la petite Anne avait retrouvé une vie nouvelle. Paulin ne savait pas qu’elle avait changé et qu’elle était morte : il pensait seulement à l’ancienne Anne qui l’aimait, et qui avait voulu se tuer pour lui. Il sentait pourtant que tout était fini et qu’il allait passer quelques années de sa jeunesse avec ce fantôme interdit et mouillé, cette inconnue de la Seine qui aurait pu lui appartenir. »
L’AUTEUR
Récemment réédité, « L’enfant de la nuit », deuxième roman de Brasillach, est moins célèbre que « Les sept couleurs », « Le voleur d’étincelles » et surtout « Comme le temps passe » (1937), le plus beau livre, sans doute, de l’écrivain qui y développe une approche chevaleresque de la première guerre mondiale à travers l’histoire de deux êtres qui se cherchent, se perdent, se retrouvent,  sans jamais cesser d’être faits l’un pour l’autre.
Egalement  journaliste, dramaturge et critique de cinéma, Robert Brasillach  fut rédacteur en chef de l’hebdomadaire collaborationniste et antisémite  « Je suis partout » de 1937 à 1943. Emprisonné à Fresnes pour intelligence avec l’ennemi, Brasillach, à l’issue d’un court procès,  a été fusillé le 6 février 1945 à l'âge de 35 ans sur ordre du  Général de Gaulle qui  lui refusa la grâce malgré une pétition de soixante-trois écrivains de l'époque, de droite comme de gauche.

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