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L’élection de Macron et la nomination d’un gouvernement très pro-européen ont redonné des couleurs à l’euro. Très bien, sauf qu'il faut des résultats et vite...
©Reuters

Atlantico Business

Les marchés financiers ont salué la nouvelle gouvernance française, le nouvel élan pro-européen, l'axe franco-allemand. Encore faut-il passer aux actes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A priori, tout va mieux. Les milieux financiers et l’ensemble du monde des affaires sont devenus euphoriques depuis lundi. Les indicateurs de moral et de perspectives sont remontés dans le vert, tous. L’euro face au dollar a repris du poids, les émissions obligataires se sont débloquées et les emprunts français se vendent comme des petits pains à des taux dérisoires, le voyage du nouveau président français à Berlin tombait bien, la France avait besoin d’argent, elle a donc emprunté plus de 7 milliards en quelques minutes, à un coût proche de zéro. Elle aurait pu emprunter plus de 50 milliards...   Ce qui prouve que pour les prêteurs, la France n'est plus porteuse de risques systémiques graves. La nomination d’un gouvernement très européen va encore renforcer la croyance dans la stabilité de la zone Euro.

Bref, c’est presque l’euphorie, c’est évidemment le résultat de la conjugaison entre un effet Macron et un effet Merkel. A l'issue de l'entretien entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, il y a tout ce qu’on a dit. Mais il y aussi tout ce qu'on ne s’est pas dit ...

L’effet Macron s’est d’abord traduit par un soulagement énorme d’avoir échappé au pire, c’est à dire à Marine Le Pen. A ses idées, son manque d’expertise, sa méconnaissance des réalités et surtout ses promesses qui auraient pu déboucher sur le chaos dans la zone euro.

Cela dit le discours et les projets d'Emmanuel Macron ont aussi beaucoup contribué au changement de climat. On voyait la France face au risque de populisme et d’euro scepticisme, et voilà qu’elle porte au pouvoir, le candidat le plus ouvert à la mondialisation, le plus favorable à l’économie de marché et le plus européen convaincu.

Les intentions délivrées à l'issue de la rencontre avec Angela Merkel ont fini de convaincre les marchés sur sa détermination à renforcer la zone euro. Lorsque le président français confirme la nécessite de changer les traités pour approfondir l’union monétaire, de mettre en place une meilleure coordination sur la défense, la fiscalité, le social. Quand il exclut une prise en charge des dettes passées mais suggère de mutualiser les financements de projet à venir, l’ensemble du monde des affaires ne peut que se réjouir de ce réalisme, qui signifie en creux que la France va enfin régler ses problèmes et ranger sa maison par quelques réformes structurelles qu‘elle a toujours promis de faire sans jamais les réaliser.

L’effet Merkel a donné du relief aux propos d’Emmanuel Macron. La chancelière n’a pas hésité à apporter sa confiance et son accord aux projets du président français. Elle va au devant d’élections qui auraient pu être difficiles pour elle, car elle est confrontée à une montée du populisme en Allemagne, les projets Macron répondent à une partie des revendications des électeurs allemands. L'Allemagne accepte toute évolution de l'Europe, à condition que cette évolution ne se traduise pas pour elle, à faire des chèques pour payer les factures des autres.

Ce point-là ayant été précisé, Angela Merkel reconnaît que l'Allemagne va devoir utiliser ses gigantesques excédents pour financer une relance de la consommation interne et des investissements dans l'Union européenne.

La combinaison entre la détermination très pro-européenne d'Emmanuel Macron et les annonces d’assouplissement de l’attitude allemande ont convaincu les marchés du monde entier que l'Europe pouvait revenir sur les rails de la croissance équilibrée et dégager de quoi régler ses problèmes, y compris ceux de quelques pays qui sont vraiment piégés comme la Grèce. Le cas anglais ne semble pas soulever trop d’inquiétude, ni à Paris, ni à Berlin: d’accord pour un Brexit, mais un vrai Brexit, pur et dur « puisque les anglais ont choisi de sortir, qu’ils sortent »

Maintenant ces perspectives sont évidemment suspendues à la capacité d'Emmanuel Macron à délivrer des résultats, c’est à dire à réaliser les réformespromises. Il faut donc qu’il revienne dans la norme budgétaire compatible avec les traités. Le 3% est possible. Mais on en est encore loin. D’autant qu’en 2018, il faudra en France financer plein pot, le coût du CICE.

Emmanuel Macron est condamné à revenir dans les clous, ou bien à reprendre le chemin de Bruxelles et recommencer à négocier des délais et des lignes de crédit.

Il faut donc retrouver de la croissance, c’est à dire, créer de la richesse et de l’emploi. La première réforme, celle dont tout le reste dépend, est celle du travail. C’est une réforme que l’Espagne et l’Italie ont réussi à faire le couteau sous la gorge, c’est une réforme que l’Allemagne avait faite, il y a 15 ans. C’est une réforme sur laquelle Manuel Valls est tombé.

Emmanuel Macron a ressorti le projet. Il cherche une majorité pour l’adopter, il cherche une procédure pour aller vite ; il cherche à installer un climat favorable avec les syndicats pour ne pas prendre le risque d’un blocage.

Dans l’équation Macron, que ses conseillers économiques n’expliquent pas, la loi travail est le point de départ pour retrouver de la croissance. En théorie, cette croissance doit lui apporter des recettes supplémentaires, qui lui permettront d’améliorer son équilibre budgétaire et donc de desserrer la pression des marchés. Cette croissance doit aussi l'exonérer de coupes trop sévères dans les dépenses publiques.

C’est risqué comme équation, parce qu’on n’est pas dans un processus radical comme l’avait annoncé François Fillon. François Fillon ne prenait personne en traitre, il avait annoncé les efforts à faire pour redresser le bateau. Mais ça n’a échappé à personne. François Fillon n’a pas été élu, pas à cause de son programme. La pédagogie du programme avait été faite et digérée.

Emmanuel Macron a évidemment les mêmes objectifs de rééquilibrer le budget, il s’inscrit dans la même logique, une logique de compétitivité, mais ses moyens et son calendrier sont plus flous, « plus Smoothie » diraient les anglais. Il parie très cher sur le charme de ses attitudes, et la force de ses mots. Ça marche parce que la France avait besoin de retrouver confiance ; ça marche en Allemagne parce que les allemands ont besoin de savoir que leur voisin a des ambitions dynamiques et paiera ses dettes. 

Mais, ne rêvons pas, dans 150 jours environ, quand les chaines de télévision auront épuisé le charme des rituels et la force des discours, quand à l’Assemblée, on commencera à éplucher le projet de loi de finances pour 2018, il faudra faire la caisse comme on dit, dans toutes les épiceries de quartier. Emmanuel Macron devra apporter la preuve par les faits et les chiffres que sa magie a opéré. 

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