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Jean-Marie Le Pen et le FN à la papa, Florian Philippot et la ligne souverainiste sociale ou Marion Maréchal Le Pen et la ligne libérale conservatrice : qui rapprochera désormais le plus le FN du pouvoir ?
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Les nouvelles du Front

La lutte sera rude, mais toutes les lignes ne peuvent continuer à cohabiter de la sorte au sein d'un parti qui pense désormais pouvoir l'emporter, mais au prix d'un choix stratégique.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Atlantico : Alors que Marion Maréchal Le Pen vient d'annoncer son retrait de la vie politique et que Florian Philippot annonce dans le même temps le lancement de son mouvement, les patriotes, les cartes semblent sur le point d'être rebattues, qui semble être en position pour porter l'héritage du Front National dans 5 ans ?

Nathalie Krikorian-DuronsoyMis à toutes les sauces journalistiques depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence, l’emploi du mot « recomposition » colle en revanche fort bien aux transformations internes à la direction du Front National. Dans la suite logique de la présence normalisée de cet ex-parti d’extrême-droite au second tour de la Présidentielle, deux faits majeurs concomitants sont, à mon sens, à retenir pour comprendre la situation actuelle : 1) Sa progression notable dans les urnes et 2) les conclusions positives à analyser de la perception pourtant calamiteuse de la prestation de Marine Le Pen, lors du débat d’entre deux tours.

Devenu historiquement l’épicentre de la Présidentielle, celui de 2017 était rendu exceptionnel par la présence de la présidente du FN qui actait ainsi la légitimation de son parti. Emmanuel Macron lui ayant permis, ce que n’avait pas fait Jacques Chirac avec son père, de participer à cet affrontement à égalité, dans un combat à la loyal des deux vainqueurs d’un parcours au terme duquel les Français élisent, au Suffrage Universel, la personne sensée incarnées la République, c’est à dire à la fois l’Etat et la Nation française. Certaine, chiffres à l’appui, qu’elle ne serait pas élue, la Présidente du FN a fait pour cette épreuve le choix d’une stratégie, qui enjambait l’élection sacrée, pour se placer dans le coeur des Français comme l’unique représentante de la future opposition à la  nouvelle majorité.

Dans un contexte électoral où, il faut le souligner le futur Président de la République a mené sa campagne en suivant une stratégie identique à celle du FN. Confirmant de ce fait, l’ampleur d’un rejet, désormais majoritaire dans le pays, de ce que le parti de MLP dénonce depuis des décennies et place au centre de son combat idéologique anti-système UMPS, c’est à dire les partis de gouvernement issus de la Vème République, à droite comme à gauche. On oublie que le FN est à l’origine de l’idée politique du « ni droite … ni gauche » puisée dans le corpus des idées conçues par la Nouvelle-Droite au milieu des années 1970.

Confronté à l’impuissance de la gauche à réformer le pays Emmanuel Macron a donc réinvesti le concept de « Troisième voie », en fondant son mouvement En Marche sur une critique virulente des élites politiques et sur un rejet massif de la droite et de la gauche. Reprenant donc, on ne le répétera jamais assez bien que cela fâche, les fondements idéologico-stratégiques du Front National. A preuve, le nouveau Président de la République est aujourd’hui présenté par les médias comme celui voulant « détruite Les Républicains, après avoir détruit le PS », exauçant par là-même le vieux rêve de Le Pen père.

Plus concrètement monsieur Macron est devenu la figure emblématique d’une évidente évolution politique que traduit l’éclatement actuel des partis de gouvernement, en particulier le PS, et dont les origines sont à rechercher à partir des deux dernières décennies du XXème siècle. Faute de quoi, on confond les causes de la situation avec ce qui, en réalité, constitue la conséquence d’une évolution en profondeur des idées politiques et par conséquent des idéologies, lesquelles sont en France au coeur des combats électoraux et de la vie quotidienne des citoyens et sont par ailleurs toujours fondées, quoi qu’on en dise, sur le pilier de la dichotomie droite/gauche. Si « recomposition il y a, elle se situe donc pour moi dans le contenu de ce clivage fondateur plutôt que dans sa supposée disparition.

C’est du reste à mon avis ce qu’a en tête MLP qui fait le choix de réorganiser le FN après ce qu’il convient d’appeler sa victoire et dont l’essentiel du combat, dédiaboliser son parti, vient d’être remporté lors de cette Présidentielle. Objectivement le travail sur les mentalités entrepris dès son élection à la têteau FN était colossal. Marine Le Pen a imposé au parti de son père un changement drastique de ligne.

La dédiabolisation, dont le but était de légitimer l’existence et la place du FN dans la vie politique française, s’est faite sur deux axes dont l’arrivée de Florian Philippot comme numéro deux était à la fois l’illustration et l’instrument.

La conversion simultanée aux valeurs républicaines et à l’anti-libéralisme économique, a rendue possible une « gauchisation » culturelle du FN qui conduisait inévitablement à sa normalisation politique via une sorte de recyclage du « chevenementisme ». Dans ce contexte idéologique, l’anti-européisme centré sur la critique du marché unique servait d’exutoire au nationalisme frontiste, désormais appelé « souverainisme » puisqu’il s’appuyait sur la réhabilitation de l’idée devenue jusqu’alors obsolète de l’Etat-Nation. Si l’on veut comprendre l’évolution actuelle de la vie politique française il faut admettre que celle-ci s’est organisée sous l’impulsion du FN. De sorte que selon moi c’est une recomposition idéologique qui est au fondement de la transformation actuelle des partis français.

Mais dès aujourd’hui, le choix stratégique de Marine Le Pen d’incarner une nouvelle droite face à cette nouvelle gauche centriste, qu’Emmanuel Macron s’efforce de construite au gouvernement, doit faire le deuil du rejet global et brutal de l’Union Européenne via la sortie de l’Euro dont elle a pris conscience, un peu tard, qu’il la conduisait à une impasse électorale.

De sorte qu’au FN l’ère anti-européenne de Florian Philippot touche à sa fin.  Tout comme la proposition sur-investie par les médias d’une Marion Maréchal-Le Pen qui, en se retirant du jeu pour raison personnelle n’en prend pas moins le parti de se doter d’une identité politique d’ouverture du FN, sous l’impulsion de « Marine » lorsqu’elle affirme à Valeurs Actuelles aujourd’hui : « La génération qui vient a déjà mis un bulletin FN dans l’urne, elle est complètement décomplexée, plus du tout sensible à la diabolisation, n’a pas baigné dans le rêve européen et n’a rien à perdre. Dans les dix ans qui viennent, les cartes seront totalement rebattues. »

Car cette vision est déjà actée par sa tante qui dès le soir des résultats de la Présidentielle annonçait « la transformation" du Front National en « une nouvelle force politique » s’ouvrant à « un large rassemblement » tel qu’inauguré par l’alliance avec le parti de Nicolas Dupont Aignan pour le second tour. Ainsi se profile à l’horizon des cinq années à venir, la nouvelle ligne d’un FN dont elle entend bien repenser le national républicanisme, en l’allégeant de sa critique anti-européenne, voir de la sortie de l’Euro et en modifiant quelque peu ses critiques anti-libérales au plan économique sans pour autant enlever de la pertinence à « l’opposition patriotes contre mondialistes ».

Ainsi ce n’est pas seulement pour des raisons de stratégie interne que Florian Philippot a été autorisé à créer et prendre la direction d’une association appelée "Les Patriotes », au sein même du Front national. L’intérêt pour Marine Le Pen est double, car cet espace politique nouveau, recrée, sur le modèle du Rassemblement Bleu Marine, une voie d’accès supplémentaire pour des non-adhérents au FN. Elle lui permet à la fois d’ouvrir le parti, et de déplacer la ligne politique nationale-étatique et anti-Européenne, qui de centrale peut devenir adjacente et complémentaire.

En dehors de la réalité politique et en tirant les leçons de cette élection présidentielle qui semble tenir autant de la défaite que de la victoire pour le Front National, quelle ligne semble la plus à même de porter le Front National au pouvoir : le souverainisme social de Philippot ou le libéralisme conservateur de Marion-Maréchal Le Pen ?
Marine Le Pen demeure plus que jamais au centre du jeu et quelque part le score moins important que prévu par les sondages autant qu’espéré non seulement par son parti et ses électeurs mais aussi par les 25% au moins de Français indécis qui attendaient, sans doute en partie à sa grande surprise, une Marine incarnant de part en part la fonction, constitue une immense victoire qui lui ouvre un boulevard vers l’avenir.

La ligne du FN est à reconstruire, en fonction des nouvelles données du réel, tel est le dernier message de Marine Le Pen. Pour cela la Présidente et son mari Louis Alliot souhaitent sans aucun doute prendre du recul afin de concevoir l’avenir au regard de ce que la victoire d’Emmanuel Macron va pouvoir concrétiser de son objectif ambitieux au gouvernement. L’étape essentielle pour l’instant étant de remporter un maximum de sièges aux Législatives. N’oublions pas que l’autre pan de l’oeuvre mariniste réside dans la nécessaire implantation territoriale du FN. Impensable avant son arrivée à la direction du FN, celle-ci était quasi irréalisable par manque de candidats et de cadres, tant que son parti demeurait politiquement illégitime.

La coalition de ces tendances diverses tiendra-t-elle dans les années à venir, se développera-t-elle, ou devrait-on voir dans cette élection le chant du cygne du rassemblement des droites ?

Les tendances, c’est à dire les idées politiques, comme les stratégies qui tentent de les imposer sont toujours portées par des personnes. Au FN encore une fois quoi qu’on entende ici ou là c’est « Marine » qui mène le jeu. Et dans ce jeu on voit de nouvelles têtes s’affirmer, pour contre-balancer ou diversifier. Tel Gilbert-Collard qu’on a beaucoup vu dans les dernières heures de la campagne, près de la candidate. N’oublions pas qu’il symbolise aux yeux des sympathisants FN comme des Français l’ouverture de ce parti à la société civile. Il n’est d’ailleurs toujours pas adhérent du FN. Plus récemment Nicolas Bay est apparu en première ligne sur les plateaux télé, et dans un entretien remarqué au Figaro, comme  le nouveau porte- parole de la Présidente.

Dans le vaste mouvement d’un renouvellement global des idées politiques françaises le FN vise aussi l’idée d’un nouveau renouvellement des personnes et des idées fondatrices définies par son socle national-populiste, laïc au plan culturel et identitaire et étatiste au plan économique, ce qui est assez récent. En tout cas l’approche future d’un anti-européisme dont Marine Le Pen a bien vu que la sortie de l’euro constituait un frein à son expansion a déjà évolué mais trop tard et sans préparation dans la dernière période de la campagne. Alors même que précisément les Français avaient déjà acquis de MLP une image positive de présidentiable qu’elle a gâché par une prestation par trop contestataire.

Mais la question au fond n’est pas tant celle de l’adaptabilité du FN aux nécessités contraignantes d’un rassemblement futur des droites dont Marion Maréchal Le Pen a eu le privilège d’annoncer le projet en évoquant sa proximité avec les positions de Laurent Wauquiez, en même tant que son retrait temporaire de l’action politique. L’urgence est la question de la compréhension de la nature et du rôle du Front National dans le champ politique de la part de ses adversaires politiques. Surtout à gauche. Je suis stupéfaite d’entendre partout y compris chez des ministres actuels la rengaine qui bercent de mots dangereusement rassurants la majorité de la classe politique, selon quoi : 1) MLP ment aux Français, et raconte à peu près n’importe quoi mais elle est fasciste et raciste et elle le cache en se disant républicaine et démocrate. Et 2) le vote qu’elle engrange est un vote contestataire parce que anti-système et anti-immigrés.

L’idée que le vote d’adhésion au FN reposant sur les bases de son programme et de ses revendications idéologiques étant passé de 17, 9% au premier tour de la présidentielle 2012 à 21,30% au premier tour, puis 33,9% au second tour en 2017 ne semble pas réussir à la convaincre du rôle central de ce parti dans la dernière décennie de la vie politique française.

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