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Budget : En Marche rapide vers le mur de la réalité ?
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Ça va faire mal

Afin de susciter une vague de confiance à son égard, Emmanuel Macron devrait procéder, dès le mois de juillet, à l'adoption par la nouvelle Assemblée et le Sénat d'un collectif budgétaire avant le vote, à l'automne, du budget pour 2018.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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A l'issue du quinquennat heurté et contesté de François Hollande, une vérité économique s'impose douloureusement : cet Exécutif n'aura pas su faire profiter au pays de l'alignement des planètes. Quel gâchis.

Il suffit de voir la situation sur les fronts rugueux de l'emploi et du commerce extérieur qui confirment notre crise persistante d'offre et notre déficit de compétitivité.

Autrement dit, la France n'a pas capitalisé sur les précieux atouts simultanés qu'étaient la baisse des prix du pétrole, celle de la parité de l'euro et celle issue du "quantitative easing" de la BCE à savoir les taux d'intérêt réels véritablement bas, voire négatifs.

L'Histoire retiendra un quinquennat morose où la défiance des Français a été une forte variable-clef qui a nui à l'essor du pays : il suffit de regarder nos performances par comparaison avec nos principaux partenaires.

Pour le président Macron, tout est donc à écrire mais il semble urgent de prendre une gomme consistante pour diminuer fortement la défiance et les peurs dont des millions d'électeurs ont récemment témoigné.

Pour y parvenir, une condition et une tâche s'imposent.

La condition ? Que la récente embellie conjoncturelle qui parait émerger se consolide et trouve franche confirmation.

La tâche ? Procéder, dès le mois de juillet, à l'adoption par la nouvelle Assemblée et par le Sénat d'un collectif budgétaire, autrement dit d'une loi de Finances rectificative sans attendre le vote, à l'automne, du budget pour 2018.

S'exonérer de cette tâche, c'est se priver d'alimenter sérieusement le choc de confiance dont notre pays a besoin.

Passer à la trappe un collectif budgétaire, c'est priver d'air notre pays encore chétif après le matraquage fiscal des années Ayrault et Moscovici.

Loin d'être un défi technique insurmontable, ce collectif budgétaire dès l'été, que nous appelons de nos vœux, viserait principalement à traduire en actes certains pans du programme du fondateur d'En Marche !

Trois éléments doivent être pris en considération.

Il faut d'abord revenir sur l'absurdité de l'alignement de la fiscalité de l'épargne sur celle des revenus du travail. Ceci a été un handicap pour l'investissement dans notre pays, a généré des exilés fiscaux par milliers et a découragé plus d'un épargnant.

Rappelons ici que l'épargne est un montant qui a préalablement subi l'impôt (sur le revenu, etc ) avant de se constituer et que cet alignement sur la fiscalité des revenus du travail aboutit à des situations confiscatoires.

Pour décadenasser l'épargne et relancer l'attractivité de nos territoires – dont certains sont en grand désarroi – le candidat Macron a prévu une fiscalité universelle égale à 30%. Chiche !

Deuxième élément, Emmanuel Macron peut générer un effet d'aubaine en faisant voter – en juillet sa réforme de l'ISF destinée à réinjecter des liquidités et autres actifs circulants dans l'économie. D'autant que cette réforme impacterait positivement la délicate question de la fiscalité afférente aux transmissions d'entreprises et évidemment susciterait un véritable choc positif pour le fléchage des capitaux vers l'économie productive.

Point d'autant plus fondamental que l'investissement (aidé par la désormais défunte politique de suramortissement) se raffermit.

Troisième élément, le vote de l'exonération, pour 80% des contribuables, de la taxe d'habitation serait un moyen de soutien au pouvoir d'achat en vigueur dès cet automne même si nul ne doit oublier qu'il faudra financer (comment ?) cette mesure qui coûte près de 10 milliards.

Il y a là le risque que le contriibuable local soit soulagé au détriment du contribuable national. Jean-qui-rit, Jean-qui-pleure…

Une loi de finances rectificative est un booster afin d'appliquer le plus tôt possible le programme présidentiel. En silence ou ouvertement, nous souhaitons le succès de ce jeune président pour le bien-être lézardé de notre pays. Alors pourquoi remettre à la fin de l'année ce qui peut être fait ici et maintenant pour emprunter la célèbre interjection de François Mitterrand. 

Par ailleurs – et c'est une toute autre question – un collectif budgétaire est un exercice indispensable pour qui veut être sincère en matière de finances publiques.

Le président Gilles Carrez (Commission des finances de l'Assemblée nationale) ne cesse de démontrer que la France ne respectera pas le seuil de 2,9% du PIB en matière de déficit et il estime que le "Rapport sur la situation financière de la France", que la Cour des comptes rendra public peu après la fin du mois de juin, révélera l'ampleur de la dérive budgétaire.

Dérive que Bruxelles vient de confirmer en estimant à au moins 3% le déficit de la France. Ce qui nuance le discours de laminoir intellectuel plus que de démonstration factuelle que le duo ministériel Eckert-Sapin nous a infligé à plus d'une reprise ces derniers mois.

Différents économistes tablent – avec lucidité – sur un déficit s'élevant à 3,2% : chiffre que la Commission européenne valide, en l'état, pour 2018.

Du fait des ressources budgétaires surestimées (point mentionné dans un avis du Haut-Conseil des Finances publiques) et surtout du fait des dépenses non insérées dans la loi de finances pour 2017, il est patent qu'une question de rectitude de la dernière Loi de finances se trouve posée.

Avis du 12 Avril 2017 du HCFP : " Le Haut Conseil insiste une nouvelle fois sur le caractère peu vraisemblable des estimations d’écart de production et de croissance potentielle présentées par le Gouvernement. L’évaluation d’un écart de production très important conduit à réduire artificiellement le déficit structurel et donc à minorer l’effort à réaliser pour rééquilibrer les finances publiques."

Nul besoin d'être expert pour comprendre que l'équipe sortante a donc "mis la poussière sous le tapis", a "utilisé tous les expédients possibles" (Gilles Carrez), a agi "sur toutes les ficelles pour différer les dépenses" (Jacques Attali sur LCI, interview d'Yves Calvi, début mars), a "arrangé les choses" (l'économiste Jean-Marc Daniel )…

Nul besoin de grande mémoire pour avoir en tête la situation de plusieurs entreprises publiques à commencer par les apports en fonds propres requis au bénéfice de la filière énergétique (EDF et Areva) et les autres éléments qui vont monter en charge progressivement : point d'indice des fonctionnaires, plan Guyane, reprise d'une partie de la dette de la SNCF, etc.

La France d'Emmanuel Macron doit donc se livrer à l'exercice d'un collectif budgétaire à valeur de catharsis et à valeur de rectitude budgétaire.

Parallèlement, nous avons vu que ceci serait un moyen (l'unique moyen légal peu coûteux) de déclencher, pour le président Macron, des ondes de confiance.

Alors ?  En marche ! 

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