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L'autre leçon des projections de l'INSEE sur la population active en 2070 : la France n'a pas besoin d'immigration
©Reuters

En toute discretion

L’argument des besoins économiques en immigration, traditionnellement utilisé pour justifier la poursuite du processus en-dehors des arguments humanistes auxquels aucun dirigeant politique ne croît, relèverait-il donc d’un mythe ? Pas tout à fait.

Selon les dernières projections de l'INSEE, "La population active continuerait d’augmenter jusqu’en 2070 mais de manière nettement moins soutenue que durant les dernières décennies. Le nombre d’actifs atteindrait 31,1 millions en 2040 puis 32,1 millions en 2070, en hausse de 2,5 millions par rapport à 2015". Quels sont les scénarios retenus par l'INSEE pour en arriver à un tel résultat, quelles en sont les implications pour le pays, notamment en termes de natalité et de solde migratoire ? 

L’Insee a retenu un scénario central, reposant sur un maintien, pendant l’ensemble de la période 2015-2070, d’un niveau de fécondité (1,95 enfant par femme) et d’un solde migratoire (+ 70 000 personnes) approximativement identiques à ceux constatés ces dernières années. C’est le traditionnel scénario tendanciel. Autour de ce scénario central, quatre autres scénarios ont été constitués : un premier avec un solde migratoire haut (+ 120 000 personnes), un deuxième avec une fécondité haute (2,1 enfants par femme), un troisième avec une fécondité basse (1,8 enfant par femme) et un dernier avec un solde migratoire bas (+ 20 000 personnes). Comme souvent dans ses exercices de projections démographiques, l’Insee est très prudent dans ses hypothèses, ayant du mal à imaginer des ruptures dans un sens ou dans l’autre, en particulier concernant la fécondité, le scénario bas retenu étant très supérieur à la moyenne de la fécondité de l’Union Européenne.

L’Insee part donc du principe que le solde migratoire restera largement positif, consécutif d’une attractivité préservée de la France pour les immigrants et du maintien d’une politique d’entrouverture, et que la fécondité ne sera pas trop abaissée, grâce au maintien d’une politique familiale. D’une certaine manière, le scénario tendanciel peut-être perçu comme un scénario « modérément optimiste ». 

Quels sont les "besoins" migratoires de la France au regard des projections réalisées ? Comment évaluer ce besoin ? 

Le principal enseignement de ces projections de population active, réalisées par l’Insee, est que les besoins migratoires de la France sont très peu élevés, puisque même selon le scénario bas d’un solde migratoire de seulement + 20 000 personnes par an, c’est-à-dire sensiblement inférieur à ce qui s’est constaté depuis plus de soixante ans, le volume de la population active en 2070 serait à peu près au même niveau qu’aujourd’hui. Selon tous les autres scénarios, ce volume serait plus ou moins sensiblement supérieur au niveau actuel. Le risque d’une pénurie de main d’œuvre, que redoute l’Union Européenne à l’échelle du continent, ne semble donc, au premier abord, guère concerner la France, d’autant plus que notre pays se caractérise par un chômage structurel élevé, ce qui sous-entend que le volume de la population active hexagonale est, à l’heure actuelle, trop important (de plusieurs millions d’individus !) par rapport aux besoins de notre économie. 

L’argument des besoins économiques en immigration, traditionnellement utilisé pour justifier la poursuite du processus en-dehors des arguments humanistes auxquels aucun dirigeant politique ne croît, relèverait-il donc d’un mythe ? Ce n’est pas tout à fait le cas car il faut garder en tête que nous réfléchissons uniquement en terme de volume, or, les besoins migratoires se calculent aussi en fonction du type de besoin de main d’œuvre. Par exemple, pour les travaux peu qualifiés ou les métiers jugés pénibles, il existe des pénuries importantes de travailleurs alors que, potentiellement, la main d’œuvre est présente. La France se retrouve dans une situation paradoxale, avec, d’un côté, un excès global de main d’œuvre et, d’un autre côté, des pénuries dans certains secteurs, qui justifient le recours à l’immigration. Les choses ne sont donc pas si simples.

Quels seront les différences entre la population active d'aujourd'hui, et celle de 2070? En quoi la France se distingue-t-elle de ses voisins? Quelles sont les conclusions que l'on peut tirer d'une telle projection à horizon 2070?

La principale différence concernant la population active projetée en 2070 et celle d’aujourd’hui concernerait les personnes les plus âgées. En 2070, les plus de 55 ans constitueraient 22,6 % de l’ensemble de la population active contre seulement 15,7 % en 2015, pas tant du fait de l’évolution de la structure par âge de la population que du fait de l’augmentation régulière des taux d’activité des personnes âgées, consécutive des différentes réformes des retraites.

La France se distingue de la plupart de ses voisins européens par sa meilleure (ou plutôt moins mauvaise) situation démographique, grâce à un moindre abaissement de sa fécondité depuis la fin des Trente Glorieuses. En conséquence, alors que de nombreux autres grands pays européens à la dénatalité accentuée, comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, auront besoin d’une immigration de masse s’ils souhaitent maintenir la population active au même niveau qu’aujourd’hui, la France n’a pas besoin d’une immigration importante, ce qui est un atout, étant donné les difficultés d’intégration des populations étrangères dont les origines sont de plus en plus lointaines.

Sauf détérioration rapide et sensible de son niveau de fécondité, la France ne risque pas d’avoir à faire face à une pénurie de main d’œuvre, le principal enjeu étant plutôt l’adéquation des qualifications des travailleurs avec les emplois proposés, ce qui constitue actuellement le problème majeur de notre pays. En effet, rappelons que malgré la pérennité d’un chômage de masse, il y a des difficultés à recruter dans certains secteurs industriels de la main d’œuvre qualifiée. Il existe un énorme enjeu de formation, passant par une réforme d’un système scolaire qui prépare mal à l’entrée dans la vie active, et de revalorisation des travaux manuels, en tirant des enseignements des modèles de l’apprentissage suisse et allemand. Tout le monde n’a pas vocation à exercer un métier « intellectuel », entendu comme peu fatigant physiquement, le travail manuel n’ayant rien de déshonorant et pouvant s’avérer épanouissant, comme c’est le cas pour de nombreux artisans ! 

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