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Le cercle des réformes disparues : pourquoi l’édulcoration du programme économique de François Fillon pourrait ne pas suffire à la droite pour reconquérir son électorat
©REUTERS/Regis Duvignau

Les Républicains, le retour

La course aux législatives demande aux Républicains de reprendre en main une campagne ratée. Mais certainement pas à ceux-ci d'en profiter pour expurger les réformes pour lesquelles François Fillon avait été porté lors de ses primaires.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Suite à la défaite des LR à l'élection présidentielle, les cadres du parti semblent se diriger vers une refonte de leur programme, notamment en abandonnant les questions de la hausse de la TVA, celle de la fin des 35 heures, mais également à la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires. Dans le cadre d'une refonte programmatique à droite, est il réellement cohérent de consacrer l'ensemble des efforts à une "édulcoration" des questions économiques seules, en laissant de côté d'autres questions pourtant essentielles pour l'électorat de droite ? 

>>> A lire aussi : Y-a-t-il une idée pilote dans l’avion de l’opposition à Emmanuel Macron ? <<<

Edouard Husson : Les Républicains n'ont toujours pas compris pourquoi ils ont perdu. Ils attribuent leur éviction du deuxième tour à la seule personne de Fillon ou à un programme jugé trop à droite. Ils confondent les outrances de Marine Le Pen avec une authentique politique de protection des intérêts économiques français, de sécurité intérieure et extérieure, de pragmatisme monétaire. Ils font essentiellement un toilettage cosmétique du programme économique de Fillon. Cette primauté des questions économiques est là pour éviter les sujets qui diviseraient les cadres du parti. Typique est l'allusion au "contrôle aux frontières en attendant la renégociation des accords de Schengen"; alors qu'il faudrait expliquer que la France suspendra sa participation à Schengen et prendra l'initiative d'une renégociation en fixant elle-même les conditions qu'elle veut atteindre. Cette droite timide, qui rêve de cohabiter avec Macron, est condamnée à l'échec.Bruno Le Maire a eu cette formule révélatrice quand on lui demandait si son éventuel ralliement à Emmanuel Macron signifiait la rupture avec sa famille politique: "Quelle famille politique? Ceux qui travaillent avec Sens Commun, la droite libérale, les Européens ou les souverainistes?".  Effectivement, la droite, comme la gauche, sont en France, complexes; elles renferment plusieurs sensibilités. Et Le Maire nous annonce d'emblée qu'il a renoncé, à la différence du Sarkozy de 2007, à rassembler ces sensibilités différentes pour en faire une machine de reconquête du pouvoir en 2022 - ou même plus tôt si Macron n'arrivait pas à constituer de majorité.  Ramenons l' énumération de Le Maire aux réalités qu'elle recouvre: la famille, l'entreprise, notre système d'alliances et la protection des Français. Plus fondamentalement, alors que la gauche, historiquement, met l'accent sur l'émancipation de l'individu, sa libération de toutes les "aliénations", la droite se fixe pour tâche de protéger un héritage collectif et de le transmettre aux générations suivantes après l'avoir adapté aux conditions de l'époque. Evidemment, la droite doit se poser en défenseur de la famille et d'une éducation à la fois libre et exigeante; en garante de l'épargne et de la transmission des patrimoines; en creuset de l'esprit d'entreprise; en meilleur garant de la sécurité du pays; et en protectrice de la nation. Sur tous ces sujets, il doit être possible d'élaborer un discours à la fois modéré, humaniste mais susceptible de rassembler ce que Disraeli, Premier Ministre britannique dans les années 1870, appelait "les deux nations" - aujourd'hui nous dirons "la France d'en haut" et "la France d'en bas".  Le défi est celui de la construction d'un grand parti conservateur face à la gauche libérale de Macron. La droite devrait prendre modèle sur Theresa May, héritière lointaine de Disraeli. Le jeu en vaut d'autant plus la chandelle que Macron sera défié sur sa gauche, par les mélenchonistes et par le mouvement social. Contrairement à ce que croit un Le Maire traumatisé par sa déroute à la primaire, il est difficile mais non impossible de créer (aux conditions des Républicains après l'échec de Marine Le Pen à franchir les 40%) une force de rassemblement des deux droites ("d'en haut et d'en bas"); alors que Macron et Mélenchon ne se réconcilieront jamais. 

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