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Emmanuel Macron : le plus dur, c’est maintenant
©AFP

Le temps des preuves

Après l'exploit vient le temps du miracle pour Emmanuel Macron. De nombreux défis lui font face, et il n'aura pas la possibilité de les contourner.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Inconnu du grand public il y a encore trois ans, Emmanuel Macron est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle puis l’a largement emporté au second. Sans s’appuyer sur un appareil partisan préexistant, cette victoire est hors norme. Par-delà cette performance personnelle, la recomposition politique que l’on percevait en gestation depuis une dizaine d’années s’est brutalement accélérée et le paysage électoral et partisan va connaître un bouleversement de grande ampleur dans les prochaines semaines. Ce scrutin présidentiel marqué par la victoire d’Emmanuel Macron constitue donc un évènement historique et un tournant majeur.

Fort de cet effet de souffle sans précédent, le leader d’En Marche ! a-t-il pour autant un boulevard devant lui ? Bénéficie-t-il d’une dynamique très puissante qui va lui permettre de reconfigurer le spectre politique et de mener à bien son projet de transformation en profondeur du pays en s’appuyant sur une majorité large et solide ? Son jeune âge et son parcours politique vont le classer d’emblée dans la catégorie des Obama, Renzi et Trudeau, ces dirigeants modernes et dynamiques que notre période affectionne. Le fait qu’il ait terrassé Marine Le Pen va lui conférer une aura en France et à l’international. Après la victoire du Brexit en Grande-Bretagne et l’élection de Trump aux Etats-Unis, il est désormais celui qui a donné un coup d’arrêt à la déferlante populiste. Son charisme et son attitude sont également un indéniable atout. Dans un pays englué dans un pessimisme chronique, Emmanuel Macron a su fédérer les optimistes. Une enquête de l’Ifop avait ainsi montré que 72% de son électorat de premier tour envisageaient avec sérénité l’avenir du pays alors que la même proportion de l’électorat de Marine Le Pen voyait l’avenir du pays en noir.    

Ces signes semblent traduire un certain engouement autour de sa personne et de sa démarche mais d’autres indicateurs nous incitent à relativiser l’ampleur de la vague qui l’a porté au pouvoir. Avec 24% des voix au premier tour (ce qui est encore une fois impressionnant pour un primo-candidat n’étant pas investi par un grand parti), le leader d’En Marche! se situe nettement au-dessous de l’étiage de François Hollande (28,5% des voix au premier tour en 2012) et de Nicolas Sarkozy (31% en 2007). Or c’est bien le score du premier tour qui constitue le socle de légitimité d’un président à fortiori quand le second tour se joue face à un représentant de l’extrême-droite, qui coalise largement contre lui. Les résultats de ce second tour doivent aussi être analysés dans le détail. Avec deux tiers des suffrages exprimés, Emmanuel Macron a certes nettement distancé sa rivale mais le fait que cette dernière, en dépit de sa bien piètre performance lors du débat télévisé, recueille les suffrages d’à peu près un électeur sur trois, montre la solidité de l’enracinement du FN dans la société française.  Cet ancrage est particulièrement prononcé dans les catégories populaires qui ont placé Marine Le Pen en tête. Le nouveau locataire de l’Elysée qui a fait de la réforme du marché du travail la pierre angulaire de son projet dans les premiers mois de ce mandat, devra donc intégrer cette donnée. Et parmi ceux qui ont voté pour lui au second tour, 60% l’ont fait d’abord pour barrer la route à Marine Le Pen quand 40% exprimaient un véritable soutien à l’homme et son projet. Ce socle de soutiens acquis représente un gros quart des votants, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui dont disposait François Hollande, qui on s’en souvient, n’a pas connu d’état de grâce et s’est très vite heurté à l’impopularité des Français. Autre indicateur allant dans le sens d’une absence de blanc-seing, le nombre particulièrement élevé de bulletins blancs et nuls alors même que Marine Le Pen était présente au second tour et que le scénario théorique d’une victoire de l’extrême-droite n’était pas à exclure sur le papier.  

Encore une fois, la victoire d’Emmanuel Macron est large et nette et l’élection présidentielle a enclenché un processus de recomposition politique qui sera bénéfique à celui qui se définit comme un game changer. Mais ce scrutin a également révélé la réalité d’un pays profondément fracturé et divisé où les forces contestataires ont obtenu des scores sans précédent. Le jeune virtuose a signé hier un véritable exploit électoral qui a sidéré le pays et ses adversaires. Mais pour lui, le plus dur commence maintenant.

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