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Pourquoi il est beaucoup trop tôt pour dire que la droite et la gauche sont mortes
©Reuters

Pour qui sonne le glas

La victoire d’Emmanuel Macron n’est malheureusement pas dissociable des progrès électoraux de Marine Le Pen dans une opinion française qui n’a pourtant pas dit son dernier mot.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Environ 20 millions d’électeurs pour Emmanuel Macron, 10,5 millions pour Marine Pen, ainsi s’achève la Présidentielle 2017, qui pour beaucoup illustrerait la fin d’une époque. 

Les apparences nous le disent, avec l’élimination de deux anciens Présidents de la République, trois anciens premier ministres, et l’exclusion de la compétition  des deux partis de gouvernements, Les Républicains et le Parti Socialiste.

C’est la fin d’une histoire dit le vainqueur, qui s’est employé à créer autour de sa personne et de son nom une dynamique portant ses initiales, En Marche,  dont la logique était somme toute, celle du chamboule tout.

Quittant le quinquennat hollandais pour créer ex nihilo son propre parti, le nouveau Président a bâti sa victoire sur l’émergence d’un mouvement « anti-parti », « anti-système », rejetant la droite et la gauche de gouvernement. 

Tout  comme ses deux concurrents directs et sérieux de l’entre-deux tours, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui, malgré sa non-présence, a pesé sur l’élection via une forme d’appel à l’abstention et au vote nul ou blanc.

Tout semble s’être passé, lors de cette Présidentielle 2017, comme si un malin génie avait d’un coup de baguette magique remplacé les vrais candidats par des fake : Marine Le Pen à la place de François Fillon, et Emmanuel Macron au lieu de François Hollande ou Manuel Valls.

La configuration de l’opposition entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, tous deux élus au premier tour sur la disparition des deux grands partis qui structuraient la vie politique française depuis 1945 reflète pourtant la réalité politique du pays. 

Mais ça n’est pas tant la division droite/gauche qui est en train de voler en éclat comme on voudrait nous le faire croire, que son contenu. La dichotomie bientôt tri-centenaire étant incarnée lors de cette Présidentielle par, d’un côté les idées du FN et de l’autre, le projet d’En Marche.

C’est pourquoi la mise en scène, sur l’Esplanade du Louvre, d’un homme seul marchant jusqu'à la tribune au son de l’hymne européen, comme son discours, avaient pour objectif de transmettre un double message. Que le Président élu est fermement décidé à incarner le pouvoir, l’Etat et la Nation, mais surtout que son « désir d’avenir » est d’en finir avec le PS et LR et d’éjecter tous ceux qui n’adhéreraient pas à l’étiquette En Marche et au programme d’Emmanuel Macron.

Tel est du reste le sens de ses mots désignant : « Les Français qui ont voté pour moi, sans avoir nos idées …», le « nous » identitaire exprimé dans « nos idées » s’opposant aux « Français qui ont voté pour moi » créée de facto et volontairement une fracture, entre ceux qui se sont identifiés au programme du Président élu, et ceux qui, ayant voté pour lui, en sont pourtant exclus … jusqu’à ce qu’ils adhèrent à En Marche.

Durant la soirée électorale d’hier les commentateurs du PAF ont beaucoup glosé sur une « recomposition fracassante de la vie politique », parlant de « recomposition au sommet », précisant que la « nouvelle offre politique », incarnée par Emmanuel Macron et son mouvement, poussait à « un jeu de décomposition et de recomposition » des partis, allant même jusqu’à affirmer que cette recomposition « marque vraiment la fin du clivage politique gauche contre droite, dans la vie politique française ».

C’est aller bien vite en besogne. Car, passée l’élimination un peu attendue du candidat Les Républicains, au premier tour, et une fois acté l’éclatement du PS dont monsieur Macron a récupéré une majorité d’électeurs, le fait marquant de cette Présidentielle demeure la montée spectaculaire du FN, prouvant le succès de sa légitimation politique auprès de l’opinion.

En augmentant son score de plus de 3 millions d’électeurs entre les deux tours, la Présidente du FN, malgré une campagne et un débat calamiteux, a su incarner une nouvelle droite, trouvant sa place dans le coeur de 31,4% des Français.

On aurait donc tort de s’aveugler aux symboles réjouissants agités par le nouveau Président, s’auréolant de la Pyramide mitterrandienne, enjambant son prédécesseur historique, François Hollande, avant même la passation de pouvoir et marchant seul pour rejoindre son destin et les siens.

Ce parcours il le doit en partie à un combat commun avec son opposé, le FN. Cela consiste, après avoir vaincu les candidats des partis du système, à surfer sur leur discrédit populiste et à prospérer sur de nouvelles lignes idéologiques, sur un « nouveau clivage » selon lui, opposant, selon la définition de Marine Le Pen, « les patriotes et les mondialistes. »

De sorte que la Présidente du FN, indirectement soutenue par les succès du mouvement En Marche, malgré une baisse sur le score attendu, sort renforcée de ce combat. Elle affirmait donc hier son objectif  : « une transformation profonde » du FN « engagé dans des stratégies d’alliances » pour « devenir la première force d’opposition au projet d’Emmanuel Macron ».

C’est pourquoi le rêve commun aux chefs d’En Marche et du Front National de voir disparaître du paysage politique les anciens partis de droite et de gauche pourrait devenir, s’il était confirmé par les élections législatives, le cauchemar des Français.

Fort heureusement, 69% d’entre eux ayant affirmé « ne pas être satisfaits par l’offre du second tour de l’élection Présidentielle », il s’avère évident que « les gens » de Mélenchon ne seront pas les seuls Français à refuser une opposition droite/gauche incarnée d’un côté, par le Front National, et de l’autre par En Marche.

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