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Lundi, c'est "ennuis"... Au lendemain de la victoire Emmanuel Macron s'attaque au casse-tête du choix des hommes (et des femmes) du président
©CGPME

Après l'effort... l'effort !

Tout va se jouer comme souvent dans les cent premiers jours. Mais avant de se mettre au travail, il a trois dossiers urgents à régler. Les hommes avec qui il va directement travailler, les conditions politiques et la constitution du gouvernement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour Emmanuel Macron, les ennuis ont commencé hier soir. Il n’a pas une minute à perdre. Avant la prise de pouvoir, la semaine prochaine, il doit choisir les personnes avec lesquelles il va travailler, il doit définir les conditions propres à l’émergence d’une majorité politique à l’Assemblée et enfin constituer le gouvernement. 

La vie d’un quinquennat n’a certes rien d’un long fleuve tranquille mais elle se joue très souvent les premiers jours du mandat. Emmanuel Macron a été très prudent. Il n’a pas fait de promesses irréalisables comme son prédécesseur ou même comme Donald Trump aux Etats-Unis. N’ayant pas suscité de vains espoirs, il ne provoquera pas de frustrations. Il a même évité le coup du Fouquet’s. La Rotonde au soir du premier tour a servi de leçon. 

Pour démarrer le mandat, son personnage, sa jeunesse, son expertise, son approche de l’évolution du monde, sa modernité sont, qu’on le veuille ou non, porteurs d’une ambition qui vont lui valoir cette semaine la manchette de la plupart des journaux internationaux et l’ouverture des journaux télévisés. 

Le monde entier va voir dans cet évènement le marqueur d’un changement capable de ramener la France dans le peloton de tête des nations les plus influentes de la planète. 

Macron n’a pas fait de promesses, mais comme un acteur, c’est lui qui porte le film des cinq prochaines années. Il porte le film mais avec une base électorale très étroite. Ses électeurs du premier tour, ceux qui l’ont choisi représentent moins de 20% du corps électoral. Au-delà, ceux qui lui ont assuré la majorité sont arrivés plus par défaut que par passion. C’est évidemment sa faiblesse. Une faiblesse qui lui interdit toute maladresse, qui le condamne à l’habileté extrême.  

Alors, avant de se mettre au travail, avant même de s’installer, il a trois urgences à traiter. Et il a peu de temps. Une semaine. 

La première urgence est de choisir les hommes avec lesquels il va travailler. C’est à dire composer le cabinet qui va l’entourer à l’Elysée. Et le Secrétariat général, c’est très important car c’est le cœur du pouvoir, le cœur du réacteur. C’est d’ailleurs là que Macron s’est fait connaître il y a quatre ans.  Or, on sait peu de choses sur ceux avec lesquels il décidera finalement de travailler. Qui sont les fidèles, d’où viennent-ils et quels sont les liens qu‘il a avec eux ? En gros, il va puiser dans le groupe de ceux qui ont construit le mouvement « En Marche ! » dès le départ. 

La jeune garde de technocrates : 

Ce sont pour la plupart d’anciens camarades de l‘ENA, de la même promotion que lui et qui étaient à Bercy au cabinet lorsqu‘il était ministre de l’économie notamment, et qui étaient un peu comme les grognards de Napoléon auprès de lui au début de cette grande marche. Alors, ils sont pour la plupart très jeunes. 

Alexis Kohler, ancien de Bercy, pourrait occuper la fonction clef de Secrétaire général de l‘Elysée. 

Julien Denormandie, ex du cabinet du ministre, prendrait la fonction de Secrétaire général adjoint.

Gaspard Gantzer, copain de la promotion Senghor, et Sylvain Fort (45 ans) pourraient se partager ou se disputer la communication.

Mais il faudra aussi compter avec Ismaël Esmalien, 29 ans, ancien de l’équipe Strauss-Kahn et qui a connu Macron à la fondation Jean Jaurès. Avec Stéphane Séjourné, 31ans , 

Jean Marie Girié, 32ans, 

Benjamin Griveaux 

Jean Pisani-Ferry, chef des économistes qui a 65 ans, fait figure de grand ancien. 

Zibeth Ndiaye, 37 ans, conseiller presse

Quentin Lafay, 27 ans, ancien de l’Ecole Normale supérieure

Ludovic Chabert, 37 ans

Grégoire Potton, 28 ans 

Sans oublier l’assistante personnelle d’Emmanuel Macron, Valérie Lelong, elle était déjà à Bercy avec lui et Sophie Ferracci, qui serait désignée comme chef de cabinet. C’est l‘épouse de Marc Ferracci, professeur à Science po et ami de Macron. 

A cote de cette garde rapprochée, il existe un groupe qui se compose des vieux sages qu’il consulte, en qui, il a normalement confiance mais avec qui , il entretient parfois, disons-le, des rapports orageux. Alors, il y a bien sur Jacques Attali, qui l’avait repéré embauché pour assurer le secrétariat de la fameuse Commission formée par Nicolas Sarkozy pour débloquer la machine France. 

Il y a aussi Pascal Lamy, l’ex directeur général de l’OMC, pour toutes les questions internationales et européennes, Louis Gallois, l’actuel président de PSA Groupe, c’est lui qui avait réclamé et obtenu un choc de compétitivité ce qui a donné naissance au CICE. C’est encore lui qui plaide aujourd’hui pour transformer le CICE en baisse des charges. 

On trouve Erik Orsenna, qui pourrait jouer les visiteurs du soir et qui se trouve très souvent dans les parages. 

Un homme clef, parmi les anciens, Jean-Pierre Jouyet, l’actuel Secrétaire général de l’Elysée, c’est lui qui a parrainé son parcours dans les arcanes du pouvoir. Alors Jouyet, qui a servi avec Nicolas Sarkozy, puis François Hollande a deux qualités. Il est aussi parrain des « Gracques » ce groupe de hauts fonctionnaires mais passes dans le privé et qui tiennent dans la plus grande discrétion la plupart des leviers de pouvoir en France, mais Jouyet a beaucoup aidé Macron à se créer un réseau dans les milieux d’affaires grâce à son épouse, une héritière des Taittinger. C’est lui qui l’avait accueilli à l'Elysée et présenté a François Hollande. 

Cela dit, du côté des patrons, son réseau est encore assez étroit, faut dire que les dirigeants de  sa génération ne sont pas encore  arrivés au pouvoir dans les grandes entreprises. Il connaît bien Alexandre Bompart, le président de la FNAC-Darty, ou Xavier Niels. A moins que ce ne soit l’inverse car le nombre des patrons qui se découvrent une relation amicale avec le nouveau président va très vite se multiplier.

Enfin, Emmanuel Macron aurait un lien particulier avec Tony Blair, l’ancien Chancelier britannique, avec Jean-Claude Junker et avec Angela Merkel. 

La deuxième urgence sera de respecter le principe de réalité politique pour lancer la campagne des législatives. Le succès d’Emmanuel Macron à la présidentielle a deux conséquences, il a explosé les grands partis politiques traditionnels, le PS et les Républicains, mais il a aussi installé une nouvelle donne dans l’offre politique. La question est de savoir, dès maintenant, si la marque Macron diffusée sur le territoire sera suffisamment forte pour effacer l’impact des représentants locaux du parti socialiste et du parti républicain. La réponse est non. La marque Macron va prendre une part de marché très importante mais sans doute pas majoritaire. Les produits estampillés socialistes ou républicains ne vont pas disparaître comme par enchantement de la nouveauté. Il va donc falloir trouver un compromis. Pour Emmanuel Macron, le compromis va être d’accepter de parrainer des sortants socialistes en les autorisant à rester membres du parti. Le compromis va être d’accepter la même formule pour ceux de droite qui se présenteront sous la double appartenance. 

C’est ce logiciel-là, ou alors prendre le risque de construire après les législatives une coalition de gouvernement qui sera très difficile à gérer. Sur ce point là , Emmanuel Macron va s’adapter au principe de réalité . Qui sur le terrain est le mieux a même d’être élu, et sous quelle étiquette pourvu qu’ il assume les grandes lignes du programme. 

Le principe de réalité sera donc à la base de toute la mécanique des investitures. Compliqué et délicat parce que derrière, c’est l'avenir ou la mutation des anciennes structures qui sont en jeu. En dépit de son ambition de tout changer, il sera obligé de tenir compte du passé sans injurier ses engagements de renouvellement. 

La troisième urgence sera de faire le casting du gouvernement.  Beaucoup pensent que le premier gouvernement sera provisoire et servira essentiellement à préparer les législatives. Si les législatives se soldent par l’émergence d‘une majorité, le premier gouvernement n’aura aucune raison d’être changé. Ceci étant, Emmanuel Macron va devoir former un gouvernement qui matcherait des peoples de la politique, des personnalités de la société civile, des responsables de droite et de gauche. 

Alors, les premières discussions pour le casting gouvernemental donnent Gérard Collomb, le maire de Lyon pour occuper l’Hôtel de Matignon. C’est un social démocrate, un bâtisseur (la ville de Lyon) et le premier des soutiens à Emmanuel Macron. Mais, plus discret, Richard Ferrand, le secrétaire du mouvement En Marche peut aussi prétendre à la fonction. 

La rumeur annonce le retour de Jean-Louis Borloo, qui prendrait les affaires étrangères, de Xavier Bertrand aux affaires sociales, de Jean-Yves Le Drian qui garderait la défense nationale. Valérie Pécresse aurait également été contactée. Des visages nouveaux comme celui de Sylvie Goulard député européen ou réapparaitre comme celui Nicole Notat l ancienne secrétaire générale de la CFDT, apôtre du compromis social. 

Les autres noms que la rumeur fait circuler relèvent plus de la spéculation : Christine Lagarde, approchée, fait dire qu’elle ne quittera pas le FMI. 

Peu d’informations sur les personnalités de la société civile dont on ne sait pas si les noms circulent parce qu’elles les font circuler elles-mêmes ou si elles ont été véritablement approchées, ce qui est tout à fait possible pour des gens comme Thierry Breton que beaucoup verraient retourner à Bercy, comme Claire Chazal qui ne refuserait pas la culture, ou même comme Henri de Castries, qui est était l’auteur du programme économique de François Fillon.  

Reste un gros poisson qui risque de s’énerver si on le laisse trop longtemps dans le bocal, c’est  François Bayrou, le président du Modem, ne dit rien mais rêve de Matignon. Ca paraît exclu au nom du renouvellement des visages. Mais il faudra bien le remercier pour son ralliement, lequel a été déterminant dans la course au pouvoir, sinon Bayrou pourrait fronder, et les frondeurs, Macron s‘en méfie.  Gros problème donc qui va lui empoisonner la semaine. Les hommes de Macron ont appris que Bayrou était un homme tellement compliqué. 

Autre gros poisson, François Baroin qui sortira des législatives comme le chef des républicains à l’Assemblée. Alors lui, c’est beaucoup plus simple, sa position dépendra des effectifs de son armée qui seront élus et sur le programme retenu.  Pour Macron, Baroin peut être un allié ou un gros souci. 

Même cas de figure pour Manuel Valls, qui sera élu à l’Assemblée avec une double investiture (PS et Macron). A priori, Macron va le tenir à distance mais il peut avoir besoin des députés qui le suivent. Les deux hommes ont tellement d’inimitiés personnelles que le rapprochement paraît difficile. 

Si Macron a lu Machiavel, il doit savoir qu’en politique, il faut parfois s’asseoir sur les questions d’ego pour protéger ses intérêts. 

En attendant, la semaine qui vient sera celle de toutes les tractations, pour ne pas dire la semaine de toutes les magouilles. 

En dépit d’une volonté de changement, Emmanuel Macron sera bien obligé de passer par cette réalité-là.  Et pour en amortir le choc, il y a dans ses cartons  de vraies surprises. Heureusement ! 

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