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L'étonnante similitude entre le monde des singes et la scène politique française
©Flickr

Bonnes feuilles

Ce livre plein d’humour nous apprend beaucoup sur nous-mêmes, sur les hommes (et femmes) politiques, sur les grands singes… et les robots. Ce livre est aussi un bestiaire à clés, où toute ressemblance avec des personnages existants risque de ne pas être pure coïncidence… Extrait de "Qui va prendre le pouvoir ?" de Pascal Picq, aux Editions Odile Jacob (1/2).

Pascal Picq

Pascal Picq

Pascal Picq est paléoanthropologue et maître de conférence au Collège de France. Il publie Un paléoanthropologue dans l'entreprise.

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Pourquoi parler de meurtre politique ? Simplement parce que les observations minutieuses des chercheurs mettent en évidence des changements subtils d’alliances avant qu’éclatent ces bouleversements. Les liens entre individus se tissent au travers de séances d’épouillages soutenues et de partages de nourriture. Ils installent des relations de réciprocité qui se révèlent précieuses dans les conflits. Quand un individu se trouve menacé, il tend le bras, paume ouverte vers le haut, pour solliciter l’aide de son ami. S’il peut compter sur son aide, alors il peut commencer à défier le dominant, d’abord en respectant de moins en moins les signes de salut et de domination formelle, puis en multipliant les provocations. Cela prend des mois, le temps de montrer ses intentions, de consolider ses alliances et aussi de rassurer le groupe, surtout les clans des femelles, dont certaines se montrent très actives.

Une fois arrivé à ses fins, le nouveau mâle alpha se doit de répondre aux attentes de ses obligés, ceux qui l’ont aidé à accéder au pouvoir. S’il les domine sans difficulté, il se contente de faciliter quelques avantages, notamment pour l’accès aux femelles. Si, en revanche, son autorité n’est pas assez affirmée, alors ses alliés se montrent exigeants et jaloux des quelques avantages que peuvent conserver ceux du clan rival. De Waal décrit les situations complexes faites de rivalités et de frustrations, comme avec ce mâle qui ne supportait pas que celui qu’il avait contribué à porter au pouvoir ne sévisse pas envers les autres mâles qui courtisaient les femelles. Si ces intérêts individuels recoupent une insatisfaction plus largement partagée par le groupe, alors les alliés d’hier peuvent devenir les rivaux de demain. Les rancœurs et les rancunes s’accumulent, provoquent de l’instabilité, des conflits et des revirements hiérarchiques parfois violents et pas forcément stables.

Côté humain, quelle différence ? Au début de son quinquennat en 2007, Nicolas Sarkozy fit preuve d’un esprit d’ouverture sympathique en nommant des personnalités qui n’étaient pas de son camp. Une telle stratégie laissa néanmoins des traces, car ceux qui en profitaient apparaissaient comme des félons et ceux qui s’étaient engagés durement dans la campagne victorieuse se sentaient frustrés. Deux quinquennats plus tard, tandis que j’écris ces lignes, François Bayrou a rallié avec son panache béarnais Emmanuel Macron. Alain Juppé, toujours fidèle à ses principes, soutient François Fillon et, surtout, a compris, comme Bayrou, que les Français veulent de nouvelles têtes. Quant à Manuel Valls, son manque d’enthousiasme pour un Benoît Hamon ou un Emmanuel Macron lui donne mauvaise figure, celle du félon.

Pendant ce temps, François Fillon, lui, s’accroche obstinément, malgré beaucoup de défections, son seul espoir étant de se retrouver au premier tour sachant que tout candidat face à Marine Le Pen sera certainement élu. Mais d’autres mouvements vont se faire et, comme chez tant d’espèces de singes, peut-être que les nouvelles populations hybrides émergentes vont dominer dans le grand espace ouvert entre la gauche très à gauche, où les candidats n’arrivent pas à faire affaire, et la droite traditionnelle, empêtrée dans les affaires.

Extrait de "Qui va prendre le pouvoir ? Les grands singes, les hommes politiques ou les robots" de Pascal Picq, aux Editions Odile Jacob

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