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1ers sondages sur les législatives : la recomposition de la vie politique est-elle partie pour se limiter à un remplacement du PS par En Marche ?
©Reuters

Mue

Au cours de cette élection présidentielle, Emmanuel Macron aura réussi à faire de son mouvement En Marche! une force capable de propositions à gauche. Le leader entend rester intraitable avec le parti socialiste. Un destin à la Tony Blair ou Gerhard Schroeder pourrait se dessiner pour lui.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Alors qu'Emmanuel Macron a su capter géographiquement et sociologiquement une grande partie du vote socialiste au premier tour, il apparaît que le candidat En marche continue de prospérer chez les anciens de Benoît Hamon (54% de convaincus), tout en trouvant une barrière chez les électeurs de François Fillon (36% de convaincus)  et de Jean Luc Mélenchon (29%). En définitive, Emmanuel Macron n'est il pas le nouveau candidat socialiste ? Emmanuel Macron entend-il être autre chose que le Tony Blair ou le Gerhard Schrorder français, représentant de la 3e voie ?

Jean Petaux Impossible de répondre en lieu et place d’Emmanuel Macron qui, contrairement à Nicolas Sarkozy, faisait pour ce dernier ce qu’il disait et annonçait ce qu’il faisait, est beaucoup plus secret, beaucoup plus taiseux et donc, forcément, dissimulateur. François Mitterrand parlait pour endormir et anesthésier profondément ses interlocuteurs ; Jacques Chirac parlait pour produire sa propre énergie mais ne disait rien en réalité puisque chez lui le mouvement tenait lieu de discours et le geste servait à masquer la parole ; Nicolas Sarkozy s’agitait pour parler et sa parole tenait lieu d’action ; quant à François Hollande, s’il parlait à tort et à travers (cf le « Lhomme et Davet ») il n’a rien dit en fait de véritablement définitif… Comme s’il nous réservait cela désormais, quand il ne sera plus rien…

Emmanuel Macron est dans un autre registre. Peu importe qu’il soit le  nouveau candidat socialiste ou pas… Ceci appartient à l’ancien logiciel politique. En fait Emmanuel Macron, à la tête d’En Marche ! est à la tête d’un protoparti au sens que Rodolphe Gouin donne à ces formations politiques en devenir avant d’être des partis en bonne et due forme. L’ambition de Macron est désormais que son « mouvement »  obtienne, en voix et en sièges,  cette première place de l’élection législative qui autorise toutes les tactiques parlementaires en suivant et surtout crée les conditions formelles de la nécessité de nouer des alliances. Est-ce la 3ème voie ? Difficile à dire.. En tous les cas ce qui se profile c’est un « mouvement » qui va devenir un « parti comme les autres » et même mieux que cela : un « parti attrape-tout » (« catch all party » ) qui va vouloir fonctionner comme un « vortex » : absorber tous les électorats (voire les militants) des autres partis et autres candidats. Alors autant le dire tout de suite : Emmanuel Macron, nouveau perturbateur endocrino-politicien, va chercher à « faire le job » de la façon la plus simple qui soit : mettre en place des politiques social-libérales, débarrassées des vieilles antiennes socialistes de la « première gauche », et développer clairement une logique européiste non plus honteuse et cachée mais revendiquée et assumée. Sera-ce la fameuse « troisième voie », chère aux personnalités de la production socialiste remaniée que sont les Giddens, Schröder ou Blair ? Je ne pense pas qu’il soit très opportun de chercher une comparaison entre Blair et Macron. Blair ne prenait pas grand-chose aux Conservateurs britanniques, Macron pour sa part récupère une partie de l’électorat et des thématiques de la droite modérée, juppéiste, moderrne et ouverte pour tout dire. Donc il me semble plus juste de parler d’un Macron qui serait le candidat de la « double voie/ voix »… et pas de la « troisième voie ».

Au cours du débat l'opposant à Marine Le Pen, Emmanuel Macron a pu afficher sa ferme opposition à la réforme pénale de Christiane Taubira. En quoi un tel geste d'autorité peut-il marquer une volonté de prendre place sur le PS lui même, tout en profitant de la faiblesse de celui ci, pour le transformer ? Peut il profiter de la déshérence des électeurs PS pour marquer une rupture idéologique, tout en captant leur vote ?

Les électeurs PS ne sont pas forcément les meilleurs défenseurs de la loi Taubira sur la réforme pénale qui, bien souvent, leur semble être une construction principielle défendue par des « Bobos » (« Bourgeois-Bohèmes ») considérés comme totalement hostiles à l’égard de toutes les formes de répression, excusant, par réflexe, les auteurs et oubliant, par aveuglement idéologique et confusion mentale, les victimes. Je ne suis pas certain non plus que les ralliements se fassent désormais à coup de mentons, à la Mélenchon en quelque sorte. Mais ce qui évident, en politique comme ailleurs, c’est que « la nature a horreur du vide ». Le vide de leadership dans l’électorat socialiste crée une situation favorable à Emmanuel Macron pour répondre à cette carence et se présenter comme le repreneur, par appartements, par lots, de l’immeuble socialiste. Mais la grande question qui va se poser alors à Emmanuel Macron sera celle-ci : « comment pouvez-vous faire croire et admettre que vous n’êtes pas un « repreneur socialiste » alors que vos principaux faits d’armes économiques et financiers sont plutôt orientés à gauche ? ».

En ayant reçu le soutient de François Bayrou, Jean Louis Borloo, ou Dominique de Villepin, Emmanuel Macron semble être en position de force sur l'électorat de centre droit. En quoi l'intégration de cette ligne politique, d'orientation social-démocrate, peut elle également participer à un rassemblement des électeurs socialistes vers une ligne politique nouvelle, et "débarrassée" d'une composante du parti socialiste ?

Il faut bien comprendre qu’Emmanuel Macron fonctionne, au moins son parti, comme une boule de bowling lancée à pleine vitesse sur la piste qui vient percuter les « quilles » (les partis politiques traditionnels en place, ceux du « système » dénoncé par certains d’entre eux) et les exploser. Cela vaut aussi bien évidemment pour le PS, que pour LR et même le FN, parti totalement inscrit dans le paysage politique français depuis sa fondation en 1972 et surtout depuis 1984, année des deuxièmes élections au Parlement européen où François Mitterrand, président de la République, intervient directement auprès des patrons de l’audiovisuel (il n’est que public alors pour ce qui concerne la télévision) pour que le FN de Le Pen père soit invité partout et sur toutes les antennes.  

Donc le choc psychologico-politique que représentera l’élection d’Emmanuel Macron, si cela advient, dimanche soir, aura des conséquences directes sur les législatives. « L’effet de blast » présidentiel va jouer à fond et les législatives des 11 et 18 juin, moins d’un mois après la prise de fonction élyséenne, vont se traduire par l’envoi à l’Assemblée nationale, d’une majorité, au moins relative, de députés macronistes. Peu importe qu’ils soient des transfuges en provenance de la gauche ou de la droite l’une et l’autre modérées par « l’extrême-centre » ou des « convertis » de fraiche date jamais engagés politiquement, venus de la « mystérieuse société civile ». Ils seront toujours identifiés comme des « macronistes ». Autrement de futurs « députés-godillots » qui devront, pour la plupart, leur élection à la députation à celle de leur mentor politique à l’Elysée. On sait, d’expérience, que la reconnaissance n’est pas forcément (pour paraphraser justement Dominique de Villepin qui parlait de leur courage), l’organe le plus développé des parlementaires. On l’a vu avec les « Frondeurs » socialistes entre 2012 et 2017. Une part non négligeable d’entre eux n’auraient jamais été élus si Hollande n’avait pas battu Sarkozy, cela ne les a pas empêchés de contribuer très largement à créer les conditions de l’incapacité qui a été celle de Hollande à se représenter pour un second mandat. Alors incontestablement certains députés macronistes, issus des rangs socialistes, récupéreront-ils leur liberté de parole une fois qu’ils auront retrouvé la douce tiédeur des siestes postprandiales de l’Hémicycle. Mais une autre partie des parlementaires macronistes continuera à draguer les électeurs socialistes avec d’autant plus de sérieux et d’assiduité que leur élection aura souvent été due à une triangulaire leur apportant une majorité toute relative. Tout comme ils développeront une stratégie de séduction identique avec des outils différents à l’égard des électeurs de la droite et du centre.

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