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Entre querelles religieuses et rancœurs associatives en pleine 1ere Guerre mondiale : la douloureuse naissance de la Coupe de France de football
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Bonnes feuilles

La Coupe de France est une compétition qui met en lice chaque année l’ensemble des clubs français, pros et amateurs, et fait vibrer leurs supporters qui défendent corps et âmes leurs équipes de cœur. L’histoire de la Coupe est truffée d’anecdotes, d'exploits inattendus, de héros grandioses ou malheureux. Extrait de "Coupe de France 1917 - 2017, le roman du centenaire" de Chérif Ghemmour, aux Editions Solar (1/2)

Chérif  Ghemmour

Chérif Ghemmour

Chérif Ghemmour est journaliste au magazine So Foot depuis sa création en 2003. Il a par ailleurs collaboré avec RMC (L’After Foot), Europe 1 et Eurosport (Lundi Foot ainsi que le blog « Tac au tacle » sur eurosport.fr). Depuis un an, il commente également les matchs du championnat des Pays-Bas sur Ma Chaîne Sport.

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Guerre et guéguerre… Notre chère Coupe de France est née dans la douleur en 1917 pendant la Grande Guerre, mais aussi au cœur d’une chamaillerie bien franco-française, « la guerre des associations ». Celle qui minait depuis la fin du xixe siècle notre football national ! L’éminent Didier Braun du quotidien L’Équipe raconte que l’invention de la Coupe de France est en effet intervenue dans ce contexte querelleur mettant aux prises l’USFSA et la FGSPF pour le contrôle de l’administration du football hexagonal. Un peu d’histoire, donc…

D’un côté, l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (l’USFSA, créée en 1887), d’obédience laïque, prône un sport amateur et élitiste. « L’Union » promeut volontiers le rugby, même si elle demeure encore, au tout début du xxe, la fédération officielle en charge du ballon rond. L’USFSA se fit vite concurrencer, de l’autre côté, par la Fédération de gymnastique sportive des patronages de France (la FGSPF, fondée en 1898 par le docteur Paul Michaux). « La Fédération des patronages », tout aussi omnisport mais d’obédience catholique, se veut, elle, le promoteur enthousiaste du « football association » (c’est ainsi qu’on surnomme souvent alors le football) comme sport fédérateur des pratiques sportives. Le duel clochemerlesque entre les « laïcards » de l’Union et les « cathos » des Patronages est aussi le prolongement en football des heurs et malheurs qui ont immédiatement suivi la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905… Mais, à partir de 1907, c’est la FGSPF qui va progressivement s’imposer dans la longue marche vers l’unification d’un football français qui prenait au siècle naissant son véritable essor sur tout le territoire.

À son initiative, cette année-là, la Fédération des patronages commence à mettre fin à l’organisation anarchique des nombreuses com‑ pétitions locales et régionales en créant le Comité français interfédéral, ou CFI, l’ancêtre de notre FFF (Fédération française de football) actuelle. La FGSPF rassemble ainsi autour d’elle trois autres fédérations importantes, telles la FCAF (Fédération cycliste et athlétique de France), la FAA (Fédération athlétique amateur), puis la FCALSE (Fédération cycliste et athlétique de Lyon et du Sud-Est) et la FASO (Fédération athlétique du Sud-Ouest). Sous l’impulsion de son brillant secrétaire général, Charles Simon, le CFI se développe en marge de la puissante USFSA et prend un avantage décisif sur sa concurrente, toujours en 1907, avec la création d’un Trophée de France. Cette compétition à vocation nationale met aux prises chaque année, en fin de saison, les champions des différentes ligues des quatre fédérations nouvellement adhérentes au CFI. Disputé entre 1907 et 1914, le Trophée de France est aujourd’hui considéré comme l’ancêtre de notre Coupe de France…

En 1908, le CFI prend ensuite un net ascendant sur sa rivale, l’USFSA. Cette dernière, démissionnaire à la Fédération internationale de football association (la FIFA) pour sa défense acharnée de l’amateurisme, cède sa place à un CFI tout heureux de représenter la France au sein de l’institution internationale nouvelle. L’ascendant devient décisif en 1912 avec l’adhésion au CFI de l’influente Ligue de football association (la LFA) créée en 1910 par son président fondateur, un certain Jules Rimet, anciennement président du Red Star… De guerre lasse, l’USFSA rejoint finalement à son tour le CFI. « La paix est faite », pavoise alors le grand quotidien sportif L’Auto du 5 janvier 1913 ! L’année suivante, en 1914, c’est même un club affilié à l’USFSA, l’Olympique Lillois, qui gagne le Trophée de France. Mais en janvier 1913, les laïcards de l’Union avaient toutefois soumis leur ralliement au CFI à un protocole d’accord précis : l’USFSA détiendrait l’organisation exclusive des championnats de France et le CFI serait en charge de toutes les autres compétitions, dont le Trophée de France.

Hélas ! La Grande Guerre déclarée à l’été 1914 va contrecarrer cette nouvelle organisation des compétitions nationales et raviver la sempiternelle « guerre des associations »… Au moment où l’Allemagne envahit la France, l’arrêt des différents championnats crée un grand vide au niveau des compétitions. Un vide que vont sournoisement combler les anciennes fédérations reconstituées en bafouant l’autorité du CFI. Chacune procède au lancement de diverses « compétitions de guerre » ! Rancunière et revancharde, l’USFSA crée dès 1914 deux Coupes : la Coupe des Alliés et la Coupe natio‑ nale. La même année, la LFA organise son challenge de La Renommée puis plus tard une Coupe interfédérale en 1916. La FGSPF, institution moteur jusque-là du football français, ne peut pas rester sans réagir face à ces deux fédérations indisciplinées : elle lance elle aussi en 1914 sa Coupe nationale…

La pagaille continue quand, en 1915, la petite FCAF parraine le challenge de la Victoire ! En novembre 1916, la FCAF propose même la création d’une Coupe interclubs organisée à tour de rôle par les quatre instances fédérées au sein du CFI… Trop, c’est trop ! Alors que le CFI se décompose dans un pays en sus meurtri par la guerre, la vraie, Henri Delaunay entre en scène pour unifier à nouveau un football français retombé en pleine anarchie. À 34 ans, au cours d’une existence entièrement dévouée au ballon rond, Henri Delaunay est le nouveau secrétaire général du CFI. Il a succédé à la tête de l’institution à Charles Simon, mort au champ d’honneur le 15 juin 1915 à Écurie (Pas-de-Calais). Depuis l’adolescence, le futur premier président de l’UEFA caresse le rêve obsessionnel de voir naître en France une Coupe nationale de football semblable à la Cup anglaise. Jeune footballeur de loisir au club de l’Étoile des Deux Lacs, affiliée à la FGSPF et présidée par Charles Simon qui deviendra son ami, Delaunay avait gardé un souvenir marquant d’un de ses nombreux séjours de prime jeunesse en Angleterre. C’était le 19 avril 1902…

Le petit Frenchie avait assisté à la finale de la Coupe d’Angleterre Southampton-Sheffield United au stade Crystal-Palace. Achevée sur un nul (1‑1), elle fut rejouée huit jours plus tard et remportée par Sheffield (2‑1). C’était déjà la trentième édition d’une Cup née en 1872. Et Henri n’avait jamais oublié son frisson londonien d’avril 1902, narrant même en 1927 : « Quand, à l’âge de 18 ans, je vis, pour la première fois, en la capitale du pays du football une finale de Coupe et que, noyé dans le flot humain qui avait envahi les gradins de Crystal-Palace, je contemplais de loin la “Challenge Cup” et la tribune royale, je pensais avec mélancolie à notre football d’alors 1 ! » Car en 1902, le « football association » subit la suprématie du « football rugby » (ou rugby), plus populaire et mieux promu dans la pratique sportive. Peu importe ! Ce 19 avril 1902, à Londres, le jeune amoureux du ballon rond est déterminé : « Il nous faut la même chose en France : une compétition nationale impliquant tous les clubs, avec élimination directe », se promet-il…

C’est ce succès populaire (77 000 spectateurs au Crystal-Palace) de la tradition sportive « inventée » outre-Manche que les membres de la FGSPF et du CFI chercheront à égaler, précisera le sociologue du sport Paul Dietschy.

La French Cup

À la fin de l’année 1916, Henri Delaunay passe donc à l’offensive au nom du CFI ! Le 28 décembre 1916, la séance extraordinaire du Conseil qu’il a fait convoquer décide l’organisation sur tout le territoire d’une compétition nouvelle, en formule de coupe.  Commémorant la mémoire de Charles Simon et calquée sur le modèle anglais, cette nouvelle Coupe nationale s’articule autour de trois axes : 1) le CFI organisera lui-même, chaque année, une coupe ouverte indistinctement à tous les clubs ; 2) l’épreuve se disputera par élimination, à raison d’un dimanche par mois et sur le mode de la Coupe d’Angleterre ; 3) cette coupe sera unique. Elle remplacera et prévaudra sur toutes les épreuves similaires…

Extrait de "Coupe de France 1917 - 2017, le roman du centenaire" de Chérif Ghemmour, aux Editions Solar

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