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Marine Le Pen : le top 5 de ceux qui vont forcément souffrir de son programme économique
©Reuters

Atlantico Business

Marine Le Pen est partie dans un programme de solutions aux problèmes économiques qui risque de faire mal à ceux qu’elle veut protéger...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour comprendre et évaluer les effets de l’application du programme économique de Marine Le Pen, il suffit d’examiner le bilan des 100 premiers jours de Donald Trump.

Donald Trump a été élu sur un programme économique qui devait répondre à la partie de l'Amérique qui a particulièrement souffert de la mondialisation et de la crise des subprimes. Après 100 jours de pouvoir, la plupart des projets de réformes a été abandonnée ou a avorté. Pour des raisons juridiques, techniques ou politiques.

Plus grave, la plupart des mesures prises se retourne contre le cœur de son électorat puisque les grands gagnants des débuts de la politique Trump sont les riches (et même les très riches), grâce à la bourse dopée sur la promesse d’une reprise violente financée par l’Etat, l’industrie des banques grâce à un retour à la dérégulation, l‘activité immobilière et financière et le secteur de l’énergiepétrolière. Rien de tout cela n’étaitprévu au programme. Les électeurs de base,ceux qui habitent la ceinture de la rouille ou les petits rentiers de Floride, commencent à s’agacer.

Marine Le Pen, qui fait campagne avec un logiciel qui n’est pas sans rappeler celui de Donald Trump, court le même risque de porte-à-faux en beaucoup plus grave, parce qu’il n’y a pas, en France, les forces de rappel qui existent en Amérique et qui limitent les dégâts.

En simplifiant, le programme de Marine Le Pen est bâti sur trois axes de promesses :

1°l’ambition de restaurer la grandeur de la France, son autonomie, sa puissance.

2°le projet de sortir de la mondialisation considérée comme mère de toutes nos difficultés avec une fermeture des frontières et le contrôle de la circulation des hommes, des capitaux et des produits.Ce qui s’appelle le protectionnisme. Avec comme outil principal, la sortie de l’Europe et l’abandon de l’euro.

3°la protection généralisée des catégories sociales blessées par la mondialisation et la mutation digitale.

L’ensemble des mesures proposées s’inscrit en gros dans ces trois axes. A noter que Marine Le Pen n’était pas la seule des candidats à proposer des mesures avec cette ADN dominée par l’antimondialisation, c’est la raison pour laquelle elle se retrouve avec beaucoup d’électeurs de Jean-Luc Mélenchon.

Très concrètement, ce qui est paradoxal, c’est que si on liste les catégories de Français qui seraient les premiers à souffrir des mesures du Front national, on trouve principalement des catégories sociales auxquelles elle s’adresse en priorité.

1ères victimes : les ouvriers d’exécution.Protéger la France de la concurrence étrangère, fermer la frontière, n’empêchera pas la fermeture d’usines qui ont perdu ou leurs débouchés ou leur compétitivité. Nationaliser des usines en difficulté n’apporte pas de clients, d’innovation et de développement. En dehors des problèmes juridiques,Donald Trump a compris cela très vite et a arrêté de demander aux constructeurs automobiles de rapatrier leurs fabrications aux USA. La solution serait d’organiser la transition, par l’attraction de nouvelles industries, et l’adaptation des personnels à la mutation.

2èmesséries de victimes : les salariés d’entreprises étrangères en France. Ils sont 4 millions à travailler soit chez Toyota,Procter,Unilever,Amazon,Sony etc.etc. sans parler des 2 millions de prestataires ou de sous-traitants. 60% de l’activité de ces entreprises est destiné aux marchés européens. A partir du moment où la France devient moins hospitalière, ces groupes d’origine étrangère arrêteront d‘investir. Certains candidats à l’investissement en France(en provenance de Londres par exemple) ont déjà suspendu leurs projets dans l’attente du résultat des élections.

3esérie : les agriculteurs français et l’agro alimentaire. Plus de la moitié de la production agricole est exportée en Europe et dans les pays du Maghreb.Les agricultures concurrentes (l’Ukraine par exemple)n’attendent qu’une chose pour prendre la place : que la France bloque ses frontières et ses financements.

4esérie : les banques,l’industrie digitale, l’industrie du luxe.Les banques risquent la paralysie face au seul risque d’une sortie de l’euro.Parce qu‘elles perdent l'accès aux liquidités de la BCE et que leurs clients réclameront le retrait de leurs avoirs. Le risque de bankrupt n'est pas théorique. Il était patent en septembre 2008 au lendemain de la faillite de Lehman Brothers.

L’industriedigitale, parce que la France pullule d’initiatives,d’intelligence,de projets et d’innovation, mais cette industrie, plus que d’autres, a besoin d’oxygène et d’une libre circulation des hommes et des données. C’est leur matière première. Cette industrie est aussi très facile à délocaliser ou à expatrier.

L’industrie du luxe, c’est la première source de devises étrangères.Le luxe travaille à 99 % pour l’étranger et le tourisme. La fermeture des frontières les obligerait à changer de modèle.Les grands, comme LVMH ou Kering, préparent des plans alternatifs. La fabrication made in France n’est pas de délocalisable, mais les produits seront plus difficiles à vendre. Par conséquent, pour se protéger, les grands groupes délocaliseront leurs process, les ateliers de design, le marketing,qui sont applicables à d’autres marques.Les plans existent.

5èmesériede perdants : les consommateurs, les épargnants et les emprunteurs. La barrière protectionniste se traduira par l’application d’une taxe à l’importation (de 10 à 35%). Cette taxe sera répercutée sur le prix et c’est le consommateur qui paiera. D’où une augmentation mécanique des prix de l’énergie, des voitures étrangères (50% du parc), des articles textiles, (95% du marché,Zara, H&M et toutes les enseignes et les ventes en grande surface etc.). L’ensemble du textile sera impacté à l’exception du très grand luxe.

Cette taxe à l’importation sera répercutée sur tous les produits digitaux, ordinateurs, smartphones, jeux électroniques.

Quant aux épargnants, leur stock d’épargneen euros sera déprécié de 20 à 30% en passant au franc en terme de pouvoir d’achat.

Restent les emprunteurs et les candidats au crédit dont le coût va forcement augmenter.Les faibles taux d’intérêt résultent de notre appartenance à l’Union européenne où les pays les plus solides offrent une garantie aux plus faibles.La zone euro permet une mutualisation des risques.La seule perspective de sortie de l’euro fait grimper le spread, c’est à dire le différentiel de taux avec l’Allemagne. Les marchés estiment que le risque est alors plus grand dans une France isolée que dans une France intégrée à l’Union européenne. Ne parlons pas des effets de la hausse des taux sur la dette publique française. C’est le contribuable qui paiera la facture.

La faiblesse des taux d’intérêt, la solidité et la stabilité de l’euro étaient les deux seuls carburants sur lesquels on pouvait compter dans l’immédiat.

L’incompréhension des mécanismes économiques complexes est quand même assez stupéfiante. Un peu de bon sens nous permet de savoir qu’une mesure protectionniste touche directement au pouvoir d’achat et au porte-monnaie. On n’est plus dans l’idéologie, on est dans la vie pratique.

La mondialisation n’est ni de droite, ni de gauche, la mondialisation est au centre du système. Bien obligé de l’assumer et de s’y adapter.

Donald Trump s’en est rendu compte très vite quand il s’est aperçu qu’il n’était pas possible de freiner l’importation de voitures fabriquées au Mexique, sauf à obliger ses électeurs à les payer plus chères.

Le plus complexe à expliquer, c’est que la chaîne de valeur d’un produit est fracturée en fonction des opportunités et des spécialisations. Le smartphone d’Apple, qui est vendu 600 euros à Paris, a une valeur globale qui se décompose entre la Chine où l’appareil est monté (environ 20%), l’Europe dont la France qui fournit les puces électroniques (environ 20%), la distribution locale qui représente 25% et l’Amérique qui apporte le solde (soit 35% de recherche, innovation et marketing).

Cette fracturation de la chaîne de valeur concerne aussi bien les produits digitaux que les automobiles ou les articles de sports.

En gros, tous les produits,à l’exception des produits agro-alimentaires, sont en partie importés de l’extérieur- ou du moins une part de leurs composants.

Alors, c’est rarement vrai dans l’immobilier et le bâtiment,ce qui permettait à Trump de s’exonérer de l’extérieur. C’est rarement vrai dans les services qui sont en majorité des services de proximité. C’est terriblement vrai dans l’industrie financière où tous les pays sont interconnectés.

Le comble dans la démarche protectionniste, c’est donc qu’elle coûte cher aux classes qu’on veut protéger et qu’elle épargne les riches.

Les très riches sont citoyens du monde, ils ont les moyens d’optimiser leur fiscalité. Les propriétaires d’actifs financiers sont très mobiles, les expatriés français à l’étranger échappent à ce type de contraintes, les chômeurs sont indifférents à ce phénomène sauf que le protectionnisme rend leur recherche d’emplois plus difficile, les fonctionnaires sont épargnés sauf que leur train de vie baisse comme pour la plupart des consommateurs et que l’Etat n’a pas les moyens de compenser par une augmentation des rémunérations. Les taux d’intérêt sont plus élevés et les recettes fiscales se réduisent avec l‘activité.

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