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"La téméraire" : un premier roman fort, très bien écrit, sur un sujet très grave. A découvrir
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Bonnes feuilles

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron pour Culture-Tops

Marine Baron est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE

« LA TEMERAIRE »

de Marine Wesphal

Ed. Stock

138 pages

16, 50 euros.

L’AUTEUR

Marine Westphal a vingt-sept ans. De formation artistique, elle exerce la profession d’infirmière tout en pratiquant encore aujourd’hui la danse et la musique. « La Téméraire », qui décrit notamment le corps d’un homme frappé par un accident vasculaire cérébral d’un point de vue médical tout en l’esthétisant à travers une écriture aux accents poétiques, se présente comme le creuset littéraire des expériences culturelle et professionnelle de la jeune femme. Se consacrant également à l’écriture depuis plusieurs années, Marine Westphal a été lauréate, en 2014, du concours George Sand de la Nouvelle. « La Téméraire » est son premier roman.  

THEME

Bartolomeo Gravielle se promène dans la montagne avec son ami lorsqu’il est victime d’un AVC. Après l’arrivée des secours, sa femme, Sali, retrouve son mari dans un étrange état végétatif qui la ronge de jour en jour alors qu’elle s’oublie, happée par la chute muette de celui dont elle a partagé la vie durant trois décennies. Son fils, Gabin, tente de faire face à l’épreuve paradoxale du deuil d’un être encore vivant, tandis que sa fille, Maïa, vivant hors du domicile familial, choisit d’oublier la dégénérescence de son père dans la collection indifférente des conquêtes masculines. Sali, qui n’a d’abord ni la force de manger ni celle de prendre un bain, va peu à peu suivre le fil tendu de sa volonté pour arracher son mari à la lente torpeur de l’agonie.

POINTS FORTS

- L’écriture de ce premier roman est résolument originale. Sans aucun doute, la sensibilité médicale de Marine Westphal apporte une touche inédite à son livre, dans lequel coulent des flots de rouge cru et charnel, où « tout se cristallise et enfle sous la pression du sang » qui « pisse et fait des grumeaux, fige, caramélise », se fait le porte-parole d’un homme muet au « corps bavard » laissant derrière lui un « cœur tranché à la hache ». Riche, incontestablement littéraire, parfois familier, sans sombrer dans l’artifice ostentatoire et sans s’attacher à tout prix à la recherche rebattue de la sobriété, le texte est remarquable et révèle chez son jeune auteur un indéniable talent d’écrivain.

- Les comportements extrêmes des personnages, notamment ceux de deux femmes, la mère et la fille, sont rendus avec une intensité saisissante. Marine Westphal questionne la « témérité » paradoxale de l’éternel féminin, souvent indissociable de l’abnégation et du sacrifice, de l’obsession inexplicable de « se perdre à ce point dans le souci de l’autre ». 

Cependant, sans se gargariser absolument de l’esthétique du dévouement, l’auteur explore d’autres comportements pour brosser un portrait complexe du deuil et de ceux qui le portent. Aussi le personnage de la fille de Bartolomeo, Maïa, qui « pren[d] les hommes pour des ballons de foire gavés à l’hélium, genre trophée qu’on exhibe aux démunis, le sourire radieux » est-elle l’incarnation brutale de la souffrance qui se nie en soi pour s’imposer à l’autre.

POINTS FAIBLES

La beauté incontestable de la plupart des passages fera peut-être ressortir la faiblesse de certaines formules un peu simples telles que : « le temps avait lâché l’affaire » ou encore «la maison Gravielle était rayée de sa carte ». Mais ce vocabulaire adolescent et certaines expressions toutes faites venant perturber les envolées lyriques du texte contribuent également à bousculer son rythme et à lui donner un certain cachet.

EN DEUX MOTS

Un premier roman qui parvient à décrire le deuil et l’agonie avec une puissance vitale et bouillante. Une très belle découverte.

UN EXTRAIT

« C’était un bel homme, Bartolomeo Gravielle. Solidement bâti, les épaules dégrossies au burin, impressionnantes et accueillantes à la fois. Il entretient une relation passionnée avec les côtes de bœuf, épaisses, à peine saisies sur le feu, cuir et sang, mirifique Black Angus.

Dans sa tête, la catastrophe prend forme. Un débris graisseux se détache d’une artère et remonte la paroi carotidienne. Il est embarqué, paré à hanter son cœur qui continue vaillamment de pomper, envoyer, recevoir, il attend. La pression monte, cul-de-sac, là-haut les vaisseaux se dispersent en pattes-d’oie, filament sinueux, le débris s’engage, bute, il est coincé. Leo Meo chauffe, brûle et s’affaisse. Une seconde passe et tout fout le camp ». (p34).

RECOMMANDATION

EXCELLENT

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