Les cathos de gauche sont-ils de gauche ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'historien Philippe Portier définit "ces "catholiques progressistes" comme une frange du catholicisme apparue à la fin des années 1940, marquée par le compagnonnage avec le Parti communiste.
L'historien Philippe Portier définit "ces "catholiques progressistes" comme une frange du catholicisme apparue à la fin des années 1940, marquée par le compagnonnage avec le Parti communiste.
©Reuters

Et Jésus ?

Si 64% des Français se déclarent catholiques, tous ne se déclarent pas de droite. Ces catholiques qui ont rompu l’alliance traditionnelle de l’Église avec la droite politique se font cependant de plus en plus rares. Quels enjeux pour l'élection présidentielle à venir ?

Isabelle Fringuet-Paturle

Isabelle Fringuet-Paturle

Journaliste et française de l'étranger. Elle a cofondé le groupe Planet SA.

Ses derniers livres : Petit guide de survie dans la crise au quotidien (Roularta L'Express) et Tintin est-il de gauche ? Astérix est-il de droite ? avec Jérémy Patinier (Editions de l'Opportun)

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Catho de gauche, késaco ? Pour faire court, on pourrait dire qu'il s'agit d'un (ou d'une) catholique abonné(e) à Télérama et à La Vie, qui se balade le dimanche au marché du coin en sandales de cuir et chemisette à carreaux, et qui croit en Dieu comme en l'homme et vice versa. C'est-à-dire qu'il ou elle applique à la lettre le Commandement de l'Ancien testament : Tu aimeras ton prochain comme toi même

Ils sont naturellement pratiquants et ils votent à gauche bien entendu. Les deux mon général par définition, parce qu'ils sont attachés aux notions de justice sociale et d’intérêt collectif. En harmonie d'ailleurs avec le message du Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise (DES) qui prône "un humanisme intégral" à "l'aube du troisième millénaire".

L'historien Philippe Portier définit "ces "catholiques progressistes" comme une frange du catholicisme apparue à la fin des années 1940, marquée par le compagnonnage avec le Parti communiste. On y trouve notamment l’Union des chrétiens progressistes d’André Mandouze, la revue La Quinzaine, des prêtres-ouvriers… Le terme de catholiques de gauche renvoie aux militants qui ont rompu l’alliance traditionnelle de l’Église avec la droite politique. Cela débute dès la IIIe République, avec des héritiers du Sillon de Marc Sangnier qui soutiennent le Front populaire (1936). Plus à gauche, on trouve le Front des chrétiens révolutionnaires, dont l’organe Terre nouvelle, arbore en couverture la croix surmontée de la faucille et du marteau. Un catholicisme rouge." (Témoignage Chrétien, 11/9/2008, Philippe Clanché, Il reste des cathos de gauche dans l'Église, et en dehors).

Aujourd'hui, ces cathos pratiquants et de gauche ne représenteraient que 4% de la population française (64% des Français se déclarent catholiques – 28% sans religion, Ifop, 15/08/2009), et leur engagement politique marqué à gauche en fait des marginaux dans les rangs de leur communauté de foi. Car il est vrai, les catholiques sont plutôt réputés voter à droite. Une orientation politique plus en harmonie avec leur prédilection à un certain conservatisme : famille traditionnelle, réticence à la contraception, bien entendu à l'avortement, petit penchant avéré pour l'enseignement privé et l'ordre en général et en particulier…

Jean-Yves Dormagen et Daniel Mouchard relèvent dans Introduction à la sociologie électorale, (éd. de Boeck, 2008), cette corrélation entre l’intensité de la pratique du catholicisme et le vote à droite. Comme ce fut le cas lors des Régionales de 2010 où près de 60% des catholiques les plus pratiquants ont essentiellement voté pour l’UMP...

Il est ainsi établi qu'en moyenne 66% des catholiques pratiquants votent à droite et 21% à gauche."En 1965", confirme Philippe Portier, "7 à 8% des catholiques votaient Mitterrand contre De Gaulle. Dans les années 1970-1980, ce chiffre passe à 20-25%".

Des chiffres stables de tout temps, si ce n’est une pointe à 30% de votes pour la gauche des pratiquants en 1988, et récemment, le constat d'un fléchissement continu et persistant pour ce bord politique…

Deux mois avant la Présidentielle de 2007, 22% des catholiques (16% des pratiquants) envisageaient de voter pour Ségolène Royal (Ifop/La Croix 03/20079), lors des Européennes, moins de 20% des catholiques avaient l’intention de voter pour un parti de gauche, (Ifop-La Croix, 15/5/209)…

Force est de constater que les cathos de gauche votent de moins en moins à gauche, à moins que qu'ils ne votent tout simplement moins… A moins encore qu'ils ne "pratiquent" moins ? L'homosexualité, le mariage et l'adoption homosexuels, la gestation pour autrui, la contraception sont autant de thèmes sociaux qui bousculent leurs convictions chrétiennes et les poussent parfois jusqu'à la crise de foi.

Laurent Grzybowski et Philippe Merlant (La Croix, 18/02/2010, Les cathos de gauche : Où sont-ils passés ?) se demandent à juste titre où sont passé ces fameux cathos de gauche, bataillons de "la deuxième gauche" rocardienne des années 70, ex Action catholique, sa Jeunesse ouvrière chrétienne et autre Mission ouvrière, ex soixante-huitards of course, époque où François Marty, cardinal-archevêque de Paris criait "Dieu n’est pas conservateur !" aux abords des barricades…

"Les mouvements d’Action catholique notamment, en perte de vitesse depuis le milieu des années soixante-dix, font perdurer cette sensibilité. Le discours a changé. Si l’on s’oppose ici à la mondialisation libérale, on ne se situe plus du côté de la révolution et de la mort du capitalisme. Les cathos de gauche entendent simplement réformer l’économie de marché dans le sens d’une plus grande solidarité." Philippe Portier, historien et Professeur, Université Rennes I, estimait dans Témoignage Chrétien (Il reste des cathos de gauche dans l'Église, et en dehors. Philippe Clanché, 11/09/2011)

En conclusion, Grzybowski et Merlant les localisent sur le terrain. Même constat de la part de Jean-Claude Guillebaud, essayiste et éditorialiste au Nouvel Observateur, catholique et de gauche lui-même, dans un article de Famille Chrétienne (Catho et de gauche : est-ce encore possible ?, 5/10/2011, Benjamin Coste) : ils sont en "perte de visibilité". Il affirme les croiser au grès des conférences qu’il donne partout en France. La soixantaine, impliquée dans l’action sociale, ils viennent souvent de l’enseignement, sont aussi fonctionnaires, parfois chef de petites entreprises.

L'action sociale, encore et toujours… Les cathos de gauche sont là, œuvrant avec foi dans le caritatif. Probablement plus fidèles ainsi aux valeurs qu’ils portent et qu’ils défendent à la messe comme au vote que dans l'univers politique...

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Tintin est-il de gauche ? Astérix est-il de droite ?Editions de l'Opportun (2 février 2012)

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