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Connaissez-vous les e-sports ? Cet autre terrain de jeu où la France tente de rattraper son retard
©wikipédia

A la traine

Il est difficile de déterminer le nombre d'adeptes des e-sports dans le monde aujourd'hui, même si cela se compte en centaines de millions de personnes et que cela génère déjà des milliards. Le monde économique semble activer... sauf en France où un village d'irréductibles investisseurs reste encore bien prudent. Mais 2017 sera peut-être la fin de la timidité gauloise !

Xavier Oswald

Xavier Oswald

Directeur marketing et stratégie de Team Vitality, club d'e-sport.
 

Fondateur de eSports Daily News

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Atlantico : Le magazine américain Quartz affirmait récemment que le nombre de spectateurs des Esports devrait passer de 300 millions aujourd'hui à environ 500 millions en 2020. Cette augmentation du public e-sport est-elle perçue et perceptible en France aujourd'hui ?

Xavier Oswald : Aujourd'hui, que ce soient les personnes qui en ont entendu parlé, ceux qui connaissent un peu et les fans, on touche à une population mondiale très importante. Il y a indéniablement une croissance qu'on compare à celle qu'a connu le rock'n roll. De la même façon que les gens qui ont découvert le rock'n roll ne se sont pas arrêtés d'écouter quand ils ont atteint la cinquantaine, l'e-sport est appelé à un brillant avenir en terme d'audience parce que les générations qui jouent aux jeux-vidéos e-sport ne vont pas s'arrêter dans 15 ou vingt ans. Comme les premiers fans de rocks, ils vont continuer et même transmettre à leurs enfants en jouant avec eux. Comme pour le rock, le e-sport va pénétrer notre culture, à commencer par de plus en plus de cercles familiaux. 

Pour ce qui est de la France, il est très difficile d'avoir des chiffres. Les études sont souvent européennes ou mondiales. Webedia en a fait une qui affirmait que 7,5 millions de Français s'intéressent à l'e-sport. Je ne sais pas comment ils sont arrivés à cela, mais cela me semble assez énorme et demande à être pondéré. Ce qui est sûr, c'est que Canal + et Bein ont mis en place des émissions hebdomadaire et mensuelles dédiées au e-sport et donc ont bien compris qu'il s'agit pour eux d'un investissement sur l'avenir. TF1 les a suivi sur sa plate-forme XTRA, et SFR3 aussi, avec même des diffusions de compétitions de Counter Strike. 

L'environnement est donc favorable à l'augmentation de l'audience, même si on a aucun chiffre public sur le nombre de spectateur de ces différentes émissions. 

C'est lié certainement au fait que le gros de l'audience est réalisée directement sur Twitch, la plateforme de livestreaming d'Amazon ; sait-on combien de "Twticheurs" il y a en France ?

C'est compliqué. Les chiffres de Twitch en français ne reflètent pas la réalité, car nombreux sont les Français qui suivent leur compétition préférée en Anglais. Twitch se porte bien en France comme partout dans le monde, ce qui fait que la concurrence arrive dès aujourd'hui : Facebook Live ou Youtube Gaming sont en développement, tout comme Dailymotion en France. Tous se mobilisent contre l'hégémonie de Twitch, qui a des audiences mondiales de 45 millions (l'audience française n'est pas communiquée). En France, il est très compliqué d'avoir des données : la succursale d'Amazon n'est pas implantée sur notre territoire, et c'est TF1 qui gère sa monétisation et lui tient lieu de régie publicitaire. Twitch est à Londres. 

Mais le fait que TF1 prenne la régie de Twitch est un bon signe : c'est qu'il y a un vrai marché publicitaire, et donc une vraie audience. Et cette audience est perfectible, comme le montre les tournois organisés par Webedia, notamment l'ESWC, mais aussi le partenariat fait avec la Française des Jeux qui va organiser des tournois sous la marque FDJSport ou les nombreuses retransmissions sur des chaînes de Twitch... la dimension et le potentiel médiatique est extrêmement important. Les sponsors de plus en plus nombreux ne s'y trompent pas d'ailleurs. Le phénomène est donc non seulement perçue et perceptible, mais déjà monétisé.

Après les annonces très médiatiques de la création d'équipes E-Sport adossées aux équipes de football du PSG ou de Monaco, les Esports commencent-ils vraiment à générer de l'attention en terme de sponsoring, d'économie innovante et d'avenir et de couverture médiatique ? La France est-elle en retard par rapport aux autres pays ?

Tout a commencé pour l'e-sport avec le rachat de Twitch par Amazon. La première vague de sponsor était liée au gaming et à l'informatique (casques, claviers, ordinateurs, manettes et tous les périphériques nécessaires au jeu). La seconde fut celle des boissons énergisantes. Mais ce qui est certain c'est que l'arrivée de sponsor de foot tel le PSG qui a créé son équipe a vraiment créé un buzz médiatique. Il y a eu des articles en Australie, en Corée du Sud... Cela a aussi eu pour effet bénéfique de crédibiliser et dynamiser le business e-sport aux yeux des autres sponsors. Il est clair qu'aujourd'hui quand on voit des acteurs tels que le PMU, la FDJ mais aussi Voyages SNCF ou d'autres qui arrivent dans l'E-sport, l'arrivée du PSG donne une vraie crédibilité à l'ensemble du secteur. Et tant mieux d'ailleurs. Ensuite, on observe une nette évolution ces dernières années. En 2016, il y avait le début du sponsoring avec du sponsoring de type sportif : sponsoring de tournoi, sponsoring de joueurs, sponsoring d'équipes, et ce même si le sponsoring de joueur reste encore embryonnaire. En 2017, il y a une accélération nette. L'équipe Vitality est la plus grosse structure d'esport de France et a plus d'un million d'euros de budget, ce qui signifie des sponsors de plusieurs centaines de milleirs d'euros. C'est logique, parce qu'ils ont une audience internationale et sont présents sur 7 jeux, ce qui est susceptible d'attirer encore plus les sponsors évidemment. Dans leur cas, ils ont décrochés un sponsor avec Adidas et le groupe Canal + et d''autres soutiens européens. On devrait voir se multiplier le nombre de sponsors dans l'e-sport avec le développement de ces équipes ; et cela concerne tous les types de sponsors : alimentaire, compagnie aérienne, industrie etc. Audi l'a fait pour une équipe danoise de Counter Strike. On retrouve aussi évidemment Coca-Cola. Tous les secteurs d'activité sont concernés. 

En France, pour l'instant les entreprises sont plutôt prudentes. Mais on peut dire qu'aujourd'hui il n'y a pas de marques françaises qui ne s'intéresse pas de près à l'e-sport. On est plus frileux, mais l'année 2017 serait l'année de test pour voir si la rentabilité est réelle pour ces marques. Mais il faudra accélerer dès 2018 si on ne veut pas que la France soit en retard. Ce serait dommage, surtout quand on connaît notre réservoir de joueurs, notre tissu associatif amateur très dense, et un nombre très important de tournois partout en France. Ces événements festifs structurent très clairement le marché et devraient attirer encore plus de monde dans les années à venir et donc plus de sponsors. 

Quel potentiel a la France pour briller en e-sport du point de vue sportif ? et du point de vue des opportunités économiques prochaines ?

Il ne faut pas oublier le rôle très important que doivent jouer les médias. L’élément qui est susceptible de lancer vraiment l'esport en France est l'augmentation de sa couverture médiatique. Tant que tu n'es pas médiatisé, tu subis le même sort que les sports mineurs. C'est le problème principal des e-sports en France. Si on regarde ce que font aux États-Unis des médias comme ESPN, sur sa chaîne internet comme sur son site, il faut noter qu'ils accordent une grande place à l'esport désormais. Ce que fait le journal l’Équipe aujourd'hui en France n'en est que la forme la plus embryonnaire. Ils commencent très tranquillement. Mais l'esport décollera vraiment quand le sponsoring pourra s'appuyer sur un fort investissement des médias.

Après, il ne faut pas négliger que l'esport a avant tout une dimension mondiale. Les tournois et compétitions sont mondiales : une équipe esport française se mesure aujourd'hui à des équipes européennes, et se mesurera plus tard par exemple aux franchises NBA qui investissent massivement, tout comme de grandes entreprises chinoises telle Alibaba. Aujourd'hui on investit sur cinq ans dans ces pays, on construit une marque esport en se disant que la rentabilité viendra très bientôt. Le problème en France, c'est que ça, ce n'est pas qu'on ne sait pas le faire ou qu'on ne peut pas le faire. C'est juste qu'on est plus frileux. 

Aujourd'hui, à part le PSG qui est une exception il n'y a pas encore de fonds d'investissements ou business angels français qui placent de l'argent dans des structures professionnelles et sportives à l'instar de Vitality. En Chine, ce sont des milliardaires qui forment leur équipe. Ou Alibaba qui met 150 millions... On en est encore loin en France.

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