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Ces Français qui commencent à prendre des mesures personnelles pour se préparer à un éventuel choc politique
©Reuters

Ciel mon épargne !

Alors que le résultat des élections approche à grands pas, les épargnants français ont déjà commencé à voter avec leurs liquidités, notamment en se réfugiant dans le livret A et dans l'immobilier.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Concrètement, est ce que les français ont pu modifier leurs comportements vis-à-vis de leur épargne en prévision des résultats des élections présidentielles, en "votant" avec leurs liquidités ?

Philippe Crevel : Les Français, depuis plusieurs mois, ont tendance à opter pour la prudence en matière d’épargne. Ils s’engagent de moins en moins sur le long terme et privilégient les liquidités. Ainsi, le Livret A, malgré son très faible rendement, 0,75 %, a retrouvé depuis le début de l’année une collecte nette positive. Par ailleurs, les Français conservent d’importantes liquidités, plus de 380 milliards d’euros en dépôts à vue contre 240 milliards d’euros avant la crise financière de 2008. En revanche, les placements longs comme l’assurance-vie sont boudés. Le fait qu’Emmanuel Macron ait annoncé un durcissement du régime fiscal du premier produit d’épargne des Français joue en sa défaveur.

L’immobilier constitue pour le moment, à tort ou raison, la valeur refuge par excellence. Les Français considèrent que la pierre est un placement plus sûr que les titres financiers. En outre, les faibles taux d’intérêt les incitent à acheter des biens immobiliers et cela malgré leur prix élevé.

En ce qui concerne les autres valeurs refuges, il n’y a pas encore de réel engouement en particulier pour l’or. Si son prix monte c’est avant tout en raison des évènements internationaux (Corée).

Évidemment, si un éventuel 2ème tour Le Pen / Mélenchon se dessinait, les épargnants français seraient enclins à accroître leur poche de liquidités afin de pouvoir le cas échéant se protéger d’un éventuel blocage de leurs comptes et de leur épargne. L’or serait évidemment demandé ; en revanche, l’immobilier pourrait rapidement devenir moins attrayant car dans ce scénario, les taux d’intérêt pourraient rapidement augmenter. Du fait des tensions financières et du niveau élevé d’incertitudes, tous les placements financiers longs seraient alors pénalisés

Avec les récents scores très hauts de Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, les Français sont-ils en train de prendre des mesures personnelles pour se préparer à un éventuel choc politique post présidentielle ?

Jean-Paul Betbèze : Bien difficile de savoir ce que font actuellement les Français par rapport aux élections, plus facile de savoir ce que font les non-Français. A l’extérieur en effet, l’inquiétude est assez visible sur la dette publique française. Mais ceci en tenant compte de ce qui se passe ailleurs, dans le contexte géopolitique actuel (tensions mondiales, Russie, Corée), plus l’influence croissante de Donald Trump, notamment sur le dollar. 

Les taux à dix ans France sont ainsi descendus à 0,91% (par rapport à 0,94% il y a quelques jours) sachant que les taux allemands sont à 0,18%. L’écart est donc de 73 points de base, le niveau le plus élevé depuis le début de l’année, mais sans vraie explosion. Le calme vient en effet, du point de vue financier, de la crédibilité de la Banque centrale européenne et de la tranquillité qui règle sur les taux longs, venant des Etats-Unis - d’abord et surtout (2,23%).

Il n’empêche que, fin 2016, la part de la dette publique détenue en mains étrangères s’établissait à 58,5%, contre 60,1% trois mois avant. Une certaine inquiétude apparaissait donc, qui a dû porter sur une trentaine de milliards d’euros. Impossible de savoir ce qu’il va en advenir : les sondages ne sont pas faciles à lire. La nouveauté, qui est partout commentée, est celle du " quadrige. " C’est la montée des intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon (19%) qui rejoint François Fillon, les deux se rapprochant de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron. 

Les marchés financiers voient ainsi monter de nouvelles sources de préoccupations. D’abord, qui sera au deuxième tour : Emmanuel Macron (22,5%, source Ifop-Fiducial pour Paris Match le 14 avril) - qui baisse, ou François Fillon (19%) - qui monte et se retrouve au niveau de Jean-Luc Mélenchon ? Ensuite, comment vont se reporter les voix ? Enfin, les marchés additionnent les intentions de candidats en faveur d’une sortie (plus ou moins conditionnelle) de l’euro et trouvent 47% : Marine Le Pen (23%), Jean-Luc Mélenchon (19%), Nicolas Dupont-Aignan (4%) et François Asselineau (1%).

Les actions sont plus sereines, si l’on prend le Cac 40, légèrement au-dessous de 5100. Il baisse un peu, mais comme toutes les bourses mondiales, sous l’effet des inquiétudes qui viennent des Etats-Unis : ralentissement, géopolitique et messages de la Fed sur la surévaluation des bourses. En revanche, le Cac PME souffre un peu plus, davantage exposé aux interrogations nationales.

Au total, la finance française est très influencée par la finance américaine. Les points à surveiller sont actuellement la dette extérieure et le Cac PME.

Les milieux bancaires perçoivent-ils une certaine tension liée à l'incertitude et la possibilité d'une "catastrophe" ?

Jean-Paul Betbèze : Les banques sont sensibles, dans leur valorisation, aux programmes électoraux. Mais aucune catastrophe n‘est à l’horizon : les banques françaises sont mondiales et le Cac 40 réunit des valeurs qui, elles aussi, sont mondiales. Bien sûr la semaine qui vient sera décisive, mais le moral des ménages et celui des entreprises ne bougent pas. Surprise !

A chaque élection en effet (présidentielle 1988, législatives 1993, présidentielle 1995, législatives 1997, présidentielle 2002, présidentielle 2007 et présidentielle 2012), le moral des ménages avait monté, puis s’était régularisé. Pas cette fois. Ce qui faisait monter le moral des ménages, c’était toujours l’annonce de la réduction du chômage. Après, la " bulle d’optimisme " éclatait et la tendance reprenait ses droits. Autrement dit, ces dernières années, le chômage remontait. 

Mais cette fois, en mars 2017, la confiance des ménages est stable. Concernant le chômage, les craintes d’une hausse sont quasiment inchangées, donc son amélioration anticipée est jugée faible. Compte-tenu de son niveau très élevé, il est assez logique que les ménages français pensent qu’il ne pourra plus monter, sauf catastrophe. En même temps, face à sa très lente décrue, ils ne se font peut-être moins d’illusions. Ce n’est donc pas de la politique que viendra la solution !? Les sondages et les débats actuels ne nous disent donc pas la même chose, puisqu’il s’agit " seulement " de politique : le moral ne bouge plus comme avant. La politique est une chose, l’économie (et la finance) demeurent : ce serait nouveau !

Dans ce genre de situations, à quels types de prises de précautions a-t-on généralement affaire ?

Jean-Paul Betbèze : Au fond, les Français ne croient pas à la sortie de l’euro et au risque de dévaluation de 15% que ceci impliquerait. En cas de panique, il y aurait vente des obligations françaises et des actions, mais on le verrait. Au pire, il y aurait des queues devant les DAB, mais il n’y a rien. Au fond, les Français assistent à un spectacle risqué et unique au monde, dont ils sont les auteurs, sans penser un instant qu’ils puissent en être les acteurs, encore moins les victimes. Pourvu que ça dure, disait la mère de Napoléon.

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