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Les 5 casse-têtes de la présidentielle : qui propose quoi de convaincant pour débloquer ces dossiers où l’impuissance l’emporte depuis des années ?
©Reuters

2017

Impôts, industrie, Etat providence, déserts ruraux, management de l'Etat, nous avons sélectionné cinq casse-têtes sur lesquels les candidats n'ont pas fini de plancher. Mais un seul devra (tenter de) les résoudre.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont est géographe, économiste et démographe, professeur à l'université à Paris IV-Sorbonne, président de la revue Population & Avenir, auteur notamment de Populations et Territoires de France en 2030 (L’Harmattan), et de Géopolitique de l’Europe (Armand Colin).

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Voici cinq problématiques sur lesquelles les candidats à la présidentielle n'ont pas fini de plancher. Pourquoi ces problématiques semblent insolubles, qui propose quoi, qui est le plus crédible et que faire dans l'idéal ? Eléments de réponse :

Faire payer des impôts aux multinationales et de manière générale comment faire cohabiter des modèles réglementaires ou fiscaux territorialisés dans un monde économique qui l'est de moins en moins.

Philippe Crevel :  Les entreprises multinationales ne doivent pas être accusées de tous les maux. Nous sommes tous les jours des consommateurs d’Apple, de Google, de Renault-Nissan, d’Essilor, d’IBM, de Total et de bien d’autres. Ces entreprises sont à l’origine de nombreux progrès qui nous sont devenus quotidiens. Certaines d’entre-elles utilisent à leur avantage les législations de certains pays pour réduire le poids de leurs impôts. Pour lutter contre cette évaporation fiscale, les solutions sont simples. Il faut améliorer la coopération internationale. Ce n’est pas en s’isolant que la France seule avec ses 67 millions d’habitants, soit moins de 1 % de la population mondiale arrivera à résoudre le problème. C’est avec l’Europe que la France arrivera à se faire entendre. En la matière, les progrès enregistrés en matière de lutte de fraude fiscale et de lutte contre l’évasion fiscale sont à mettre au crédit de l’OCDE et de l’Union européenne.

La fraude et l’évasion fiscale figurent parmi les grands fantasmes. En y mettant fin, il serait possible de financer la retraite à 60 ans, le revenu universel ; ce sont des balivernes de préaux d’école. Ce sont les candidats comme Mélenchon ou Benoît Hamon qui rêvent de tordre le coup aux multinationales.

 Benoît Hamon promet d’instituer un projet de « taxe sur les bénéfices détournés » pouvant rapporter une dizaine de milliards d’euros. Les entreprises devraient déclarer l’origine de leurs bénéfices afin de pouvoir être taxées. Il veut renforcer les pouvoirs du parquet au niveau judiciaire. Jean-Luc Mélenchon est sur la même longueur d’onde. Ce dernier veut interdire aux banques d’exercer leurs métiers dans les pays considérés comme des paradis fiscaux. Il entend limiter la liberté de circulation des capitaux.

Marine Le Pen propose de sanctionner les multinationales pratiquant l’évasion fiscale en les privant d’accès aux marchés publics. Elle entend lutter contre l’évasion fiscale en s’attaquant aux paradis fiscaux et en créant une taxe sur l’activité réalisée en France par les grands groupes et les profits qui auraient été détournés.

Elle souhaite également dénoncer les conventions fiscales avec les pays du Golfe qui accordent des privilèges indus, qui facilitent la prise de contrôle de l’économie française par les pétrodollars et qui sont contraires à l’intérêt national. Terminés Microsoft et Apple chez les fonctionnaires, vive le retour de Bull et du minitel !

François Fillon joue la carte de la négociation au niveau européen avec une affirmation du rôle de la France quand Emmanuel Macron dans le prolongement de l’action menée par Michel Sapin entend renforcer la lutte contre la fraude.

Permettre à l'industrie de la finance d'assurer ses missions socialement utiles 

Philippe Crevel : Le 22 janvier 2012, François Hollande criait « Mon ennemi, c’est la finance ». Affirmation bien étrange comme si la finance représentait un danger national. Tous les jours nous avons des relations avec notre banque, notre assureur. Nous empruntons, nous épargnons. L’Etat a besoin des marchés pour couvrir 20 % de ses dépenses, le fameux déficit budgétaire. Sans finance, pas d’économie, sans finance, pas d’investissement, d’infrastructures, d’emplois, de salaires, de crédits…. Pensez qu’il y a un complot de l’argent revient à relayer des thèses révisionnistes, antisémites.

Pour la campagne 2017, de nombreux candidats s’affichent comme les hérauts de la lutte contre la finance. Les petits candidats usent et abusent de slogans anti-secteur financier. Jean-Luc Mélenchon a pris de son côté du grand pourfendeur du capitalisme dit apatride. Son projet est radical. Les mouvements de capitaux seraient encadrés et contrôlés. Une taxe sur les transactions financières d’un montant substantiel serait instituée. Des mesures coercitives seraient prises pour interdire certains produits financiers jugés dangereux et toxiques. Jean-Luc Mélenchon entend également récupérer auprès de la Société générale les 2,2 milliards d’euros de manque à gagner fiscal générés par l’affaire Kerviel. Il s’oppose à la cotation en continue des entreprises en bourse et entend moduler les droits de vote en fonction de la durée de possession des titres. Il prévoit de nationaliser plusieurs secteurs de l’économie voire effectuer des réquisitions, c’est-à-dire exproprier sans indemnisation les propriétaires. L’application de ce programme ferait basculer la France dans un autre monde d’autant plus que les banques généralistes seraient « socialisées » et rassemblées au sein d’un pôle public bancaire. La Banque publique d’investissement pourrait directement se financer auprès de la Banque de France, ce qui signifierait le retour de la planche des billets, des assignats.

Benoît Hamon entend réorienter la financer afin qu’elle finance une croissance verte. Il veut accroître la taxe sur les transactions financières et favoriser les placements « développement durable » compatible.

François Fillon veut renforcer la voix de la France au sein de l’Europe afin de pouvoir peser sur la réglementation économique et financière. Par ailleurs, son objectif est d’améliorer le financement des PME. Pour cela il entend crée une réduction d’impôt pour ceux qui investiront dans les petites et moyennes entreprises françaises.

Emmanuel Macron supprime l’ISF sur les placements financiers mais le conserve pour l’immobilier. Il accroit la taxation sur l’assurance-vie et la diminue sur les actions ainsi que sur les livrets bancaires. Il se veut tout à la fois le défenseur des start-upers et des banquiers. Le fils de l’homme de la synthèse avance sur cette question du financement de l’économie masqué.

Marine Le Pen souhaite réorienter l’épargne au profit des PME françaises. Le Gouvernement mettrait en cause l’indépendance de la Banque de France et fixerait des taux préférentiels de crédit pour les PME sous la supervision de la Banque de France afin  soi-disant de remettre la finance au service de l’économie réelle. Par la sorte, elle prévoit de diviser par deux le taux d’intérêt maximum (taux d’usure) pour les emprunts et les découverts bancaires (agios) pour les entreprises et les ménages. Avec la sortie de l’euro, Marine Le Pen serait dans l’obligation de renouer avec l’encadrement du crédit, le contrôle des changes et les blocages des prix. Cela reviendrait à effacer quarante ans de notre vie économique

Sauver l'Etat providence avec une démographie en berne et avec le vieillissement de la population (système de retraites comme dépendance etc...) :

Philippe Crevel : Les retraités représentent le tiers de l’électorat français. La question des retraites et de la répartition des charges qui en résultent est donc sensible.

Les différents candidats à l’élection présidentielle de 2017 ont tous prévu de revaloriser le minimum vieillesse dont bénéficient désormais moins de 700 000 retraités contre 3 millions dans les années 70.

La situation actuelle des retraités apparaît, en moyenne, plutôt bonne. Leur taux de pauvreté est de 7,6 % contre 14,3 % pour l’ensemble de la population, ce taux étant de 20 % pour les jeunes de moins de 25 ans. Un peu plus d’un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté. Le niveau de vie des retraités correspond à 104 % de celui de l’ensemble de la population et 99 % de celui des seuls actifs. Le patrimoine étant majoritairement détenu par les plus de 50 ans, les retraités bénéficient d’avantage des revenus de l’épargne que le reste de la population. Par ailleurs, 74,1 % des plus de 65 ans sont propriétaires (chiffres INSEE – 2013) contre 57,9 % pour l’ensemble de la population. En outre, plus des trois quarts des retraités propriétaires sont libérés de tout remboursement d’emprunts

Du fait des augmentations de cotisation décidées par François Hollande, l’assurance-vieillesse est en quasi équilibre à l’exception près du Fonds de Solidarité Vieillesse qui a enregistré une perte de  milliards d’euros. Par ailleurs, l’assurance-vieillesse est en partie financée par la Caisse nationale des allocations familiales. Pour masquer les déficits, les gouvernements de François Hollande ont joué au bonneteau.

En raison de la faible croissance, du fort taux de chômage et de l’allongement de l’espérance de vie, une dégradation des comptes de l’assurance-vieillesse est incontournable dans les prochaines années.  Pour le seul régime général (salariés), il y avait 13 millions cotisants en 1975 pour 4 millions de retraités ; en 2015, ce rapport est de 17,5 pour 13,6. Il devrait continuer à baisser jusqu’en 2040.

Benoît Hamon Benoît Hamon propose une revalorisation du minimum vieillesse de 10 %. Il entend renforcer le dispositif de prise en compte de la pénibilité. Il entend également développer le don de trimestres entre conjoints afin de permettre le cas échéant à un conjoint de pouvoir partir plus tôt.

La principale proposition d’Emmanuel Macron en ce qui concerne la retraite est la création d’un « système universel de retraite par points ». Une telle réforme aboutirait à la suppression des régimes spéciaux, des systèmes en vigueur dans la fonction publique et des régimes complémentaires. Le candidat d’En Marche n’a pas précisé s’il instituait un système avec des comptes notionnels sur le modèle suédois. Les comptes notionnels permettent de prendre en compte l’espérance de vie au moment de la liquidation. Le passage au régime unique qui devrait prendre la forme d’un régime à points sur le modèle de l’AGIRC et de l’ARRCO s’effectuerait sur 10 ans. Le candidat propose d'augmenter le minimum vieillesse de 100 euros par mois. Emmanuel Macron souhaite  supprimer le RSI qui gère notamment la retraite de base et la retraite complémentaire des artisans, des commerçants et des chefs d'entreprise. Le candidat n’a pas précisé les modalités de sa suppression. Dans le cadre de la moralisation de la vie politique, Emmanuel Macron prévoit de supprimer le régime de retraite spécifique des parlementaires. Emmanuel Macron propose de revaloriser le minimum vieillesse et a pris parti contre le report de l’âge légal et le rallongement de la durée de cotisation.

François Fillon a annoncé dès les primaires son intention de porter progressivement l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans sans toucher à l’âge de la retraite à taux plein qui resterait fixé à 67 ans. La mesure serait effective en 2025 avec un gain attendu de 20 milliards d’euros. Le dispositif de départ pour carrières longues serait étendu pour permettre de partir à 63 ans. Le candidat « LR » entend également rapprocher les règles des régimes publics et privés avec la suppression à terme des régimes spéciaux. Les nouveaux entrants seraient automatiquement affiliés au régime général. Il souhaite supprimer le compte pénibilité. François Fillon a promis aussi de revaloriser de 300 euros annuels les petites retraites inférieures à 1000 euros et d'augmenter de 10 % les petites pensions de réversion.

Jean-Luc Mélenchon souhaite avancer l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans à taux plein et ramener la durée de cotisation de 43 à 40 ans. Les petites retraites inférieures au SMIC seraient revalorisées. Le minimum vieillesse serait porté au niveau du seuil de pauvreté.

Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen rétablit la retraite à 60 ans et revient à une durée de cotisation à 40 ans. Si elle veut supprimer le compte de pénibilité, elle souhaite mettre en place une « évaluation personnalisée » réalisée par la médecine du travail, pouvant entraîner une majoration des annuités de retraite. Elle compte rétablir la défiscalisation de la majoration des pensions pour les parents de famille nombreuse et revaloriser le minimum vieillesse en le réservant aux nationaux ou aux résidents depuis vingt ans. Les retraites inférieures à 1.500 euros par mois bénéficieraient, comme les salaires, de sa « prime de pouvoir d'achat ». Marine Le Pen a indiqué qu’il faudrait examiner un par un les régimes spéciaux. Elle considère que certains sont légitimes comme ceux des marins-pêcheurs ou de l’armée.

Sauver les petites villes et les déserts ruraux laminés par l'économie de métropoles de la mondialisation :

Gérard-François Dumont : La pensée territoriale française de ces dernières années a été dominée par ce que j’ai appelé une « idéologie de la métropolisation » (Dumont, Gérard-François, « Une idéologie de la métropolisation ? », Population & Avenir, n° 722, mars-avril 2015). Cette dernière considère que la compétitivité dans un monde globalisée, et donc la compétitivité de la France, tiendrait exclusivement à ses grandes villes. En conséquence, l’État, qui les favorise déjà (Dumont, Gérard-François, « Le surcoût des métropoles », Conflits, hors-série n° 5, printemps 2017), doit encore davantage les privilégier. Le reste des territoires français ne serait qu’une sorte de « tiers territoire » ne devant son existence qu’au soi-disant rayonnement des métropoles. Or cette idéologie n’est attestée ni par les faits ni par les évolutions territoriales. Dans les faits, l’attractivité de  territoires, en France comme dans les pays étrangers, n’est absolument pas corrélée à leur taille en terme de superficie ou de nombre d’habitants, puisque, par exemple, Paris, bien qu’étant la métropole européenne la plus peuplée, est en net recul relatif (Zaninetti, Jean-Marc, « La crise et l’attractivité des villes : Paris en recul », Population & Avenir, n° 730, novembre-décembre 2016).  De même, l ‘analyse géographique montre que de nombreuses petites villes ou territoires ruraux connaissent d’incontestables réussites, en France (Woessner, Raymond (direction), La France des marges, Paris, Atlande, 2016.) comme à l’étranger.

Pourtant, compte tenu de cette « idéologie de la métropolisation », les gouvernements ont fait voter par le parlement des lois ( Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) ; loi du 17 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections 
régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ; loi du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ; et loi du 28 février 2017 relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain) favorables aux métropoles et défavorables aux autres territoires qui risquent de se trouver encore plus handicapés dans le futur. Cela est extrêmement dommageable non seulement en terme d'aménagement du territoire, mais aussi en terme d'attractivité de l'ensemble des territoires français. La France risque ainsi d’affaiblir la principale richesse de l’Hexagone, c’est-à-dire sa taille – la plus vaste de tous les pays de l’Union européenne - et l’extrême diversité – géographique, patrimoniale… - de ses territoires.

La lecture des programmes des candidats à l’élection présidentielle 2017 ouvre-t-elle des perspectives renouvelées avec la remise en cause de cette idéologie de la métropolisation mariée avec une mentalité jacobine ? Guère.  D’abord, plusieurs candidats, comme Benoit Hamon ou Emmanuel Macron, se placent dans la logique des lois votées ces dernières années, logique qui relève d’une (re)centralisation au détriment des territoires autres que les métropoles.

Le projet de (re)centralisation le plus intense est celui d’Emmanuel Macron avec une centralisation financière encore pire que ce qui existe dans la mesure où il propose la quasi suppression de la taxe d'habitation. C’est tout le contraire du rapport de Pierre Mauroy ( Refonder l'action publique locale, Paris, La Documentation française) de décembre 2000 qui plaidait pour l’autonomie fiscale des collectivités locales, autonomie que l’État n’a cessé de réduire depuis.

Une telle décision accentuerait l’évolution de l’organisation territoriale française vers encore moins  de démocratie locale. En effet, comme l'a très bien dit le président du Sénat Gérard Larcher, ce qui est important c'est que l'élu qui prend des décisions soit « a porté d'engueulade » des citoyens de son territoire. La déconnexion, via la quasi suppression de la taxe d'habitation à laquelle devraient théoriquement se substituer des dotations versées par l’État, entre le citoyen et ses élus s’aggraverait. A partir du moment où l’on affaiblit le lien entre le citoyen qui paye des impôts locaux et celui qui les décide et les met en œuvre, la citoyenneté locale se trouve amoindrie. Comme l’ont exprimé le 27 février 2017, au nom de l’Association des maires de France (AMF), le président François Baroin et le premier vice-président délégué, André Laignel : « Dans une société de responsabilité, à l’opposé de tout populisme, il est légitime que chaque habitant contribue, en fonction de ses moyens, aux charges communes ; c’est le fondement même de la démocratie locale qui est en jeu ».

Dans les programmes des autres candidats, les contradictions sont fréquentes. Certains proposent  d'abroger les lois territoriales votées ces dernières années, comme Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan ou Jean Lassalle… Mais de telles annonces sont souvent en contradiction avec d’autres éléments de leur programme. Ainsi, Mélenchon, comme Philippe Poutou, veut supprimer le Sénat alors que son rôle est impératif non seulement pour l’équilibre démocratique toujours facilité par le bicaméralisme, mais parce que le sénat doit devenir encore plus la voix des territoires, par rapport à l'Assemblée Nationale qui représente la population. Jean Lassale semble vouloir donner aux préfets une place importante, ce qui est contradictoire avec l’esprit de la décentralisation. Nicolas Dupont-Aignan en voulant supprimer l’échelon régional, comme Marine Le Pen, semble ignorer le rôle structurant qu’il peut exercer à condition de le concentrer sur cette fonction, ce qui suppose notamment de revenir sur le concept absurde de « grande région », sur le nombre totalement excessif de conseillers régionaux et sur la tutelle jacobine de l’État sur les régions, telle qu’elle ressort par exemple de la lecture de la loi NOTRe. Toujours parmi les « petit » candidats, François Asselineau semble aller dans ce sens en voulant supprimer 1 757 postes de conseillers régionaux, mais, étonnamment, il veut aussi diviser par deux le nombre de conseillers départementaux, ce qui ne peut que nuire à une ruralité qui a déjà vu la taille des cantons augmenter considérablement sur des critères exclusivement démographiques sans prise en compte des réalités géographiques.

François Fillon, même si une partie bienvenue de son projet porte des intentions sur la « ruralité », a un prisme centré sur les questions macroéconomiques et la diminution de l’endettement de la France qui justifie notamment la suppression de 500 000 d’emplois publics. Par ailleurs, il annonce un  référendum dans une logique de rapprochement entre départements et régions, référendum dont le contenu n’est guère précisé mais qui semble aller dans le sens de la commission de 2007, dite Attali, peuplée de personnes déconnectées des territoires, qui avançait doctement qu’il fallait supprimer les départements.

Pour les territoires français, les formulations orales de François Fillon dans les débats télévisés concernant la suppression de 500 000 d’emplois publics interroge, car elle semble se concentrer de façon importante sur les collectivités territoriales.

Certes, nul ne peut infirmer que la façon dont l’État a obligé la création des intercommunalités sur un mode trop souvent, directement ou indirectement, imposé, s’est traduite par augmentation anormale du nombre des fonctionnaires territoriaux. Notons d’abord que cet excès est fort différent selon la qualité de la gouvernance des élus et même que certains, grâce à une bonne gouvernance  (Dumont, Gérard-François, Diagnostic et gouvernance des territoires, Paris, Armand Colin), sont parvenus à diminuer les emplois publics sur leur territoire. En outre, l’augmentation constatée s’explique essentiellement par des décisions de l’État imposant des modalités strictes, donc sans guère de souplesse dans la gestion de leur personnel, aux collectivités territoriales (35 heures, jour de carence, revalorisations contraintes de certaines catégories, enfermement dans des logiques de corps professionnels, normes excessives engendrant des coûts, notamment administratifs, élevés, obligations de moyens au moment de certaines réformes comme celle des rythmes scolaires…). Enfin, il faut rappeler les transferts des compétences par l’État, en application des lois de décentralisation, sans transferts parallèles des personnels, obligeant les collectivités territoriales à recruter.

En conséquence, l’excès d’emplois publics n’est pas contestable. Il suffit de rappeler les 110 propositions de François Mitterrand en 1981. La proposition numéro 16 précisait : « 150 000 emplois seront créés dans les services publics et sociaux en vue d’améliorer les conditions de travail et les capacités d’accueil au public ». Or cette proposition n’a pas été respectée, puisque depuis 1981, la France ne compte pas 150 000 emplois publics en plus, mais dix fois plus, soit 1 500 000, sans que les Français aient l’impression d’être mieux administrés.

Donc, résoudre l’excès d’emplois publics, indispensable au désendettement et à l’assouplissement de l’économie, dépend d’abord de l’État et, seulement dans une moindre mesure, des collectivités territoriales. D’abord, il appartient à l’État de supprimer les doublons qui demeurent en dépit de la décentralisation et de diminuer les emplois publics libérés par la numérisation. D’autre part, l’État doit prendre les mesures permettant aux collectivités territoriales de déployer une véritable gestion de leurs ressources humaines.

Pour les territoires français, la lecture des programmes des candidats à l’élection présidentielle 2017 est plutôt décevante. On aimerait la présentation d’un diagnostic objectif des dernières lois territoriales qui, en réalité, vont à rebours de la décentralisation et favorisent les technostructures au détriment de la citoyenneté. Ce diagnostic permettrait d’amender ces lois comme cela serait souhaitable pour aller vers des réformes reposant sur une confiance donnée aux territoires.

Au contraire de ces dernières lois territoriales qui risquent de se traduire par un recul historique de la démocratie locale, il faut retrouver le sens de la géographie. Cela suppose de laisser les territoires s'organiser en fonction des réalités géographiques et historiques. Cela suppose nécessairement de revenir sur les aspects brutaux des dernières lois territoriales et de refuser une logique de pause législative en matière territoriale, comme cela est trop souvent avancé.

Finalement, il est à regretter que les questions territoriales ne soient pas jugées prioritaires par les candidats. En effet, elles sont essentielles car l’avenir de la France dépend tout autant de la nécessité de favoriser une forte démocratie locale stimulant l’innovation territoriale que de ses choix macro-économiques.

Révolutionner le management de l'Etat pour permettre de vrais économies sur les dépenses publiques inutiles : 

Philippe Crevel : La France risque d’être en 2017 le dernier de la classe européenne en matière de finances publiques. Notre pays enregistre depuis 43 ans déficit sur déficit avec à la clef une dette publique de 97 % du PIB. Avec plus de 5,6 millions de fonctionnaires. Avec des prestations sociales qui sont les plus élevées du monde, avec des prélèvements de plus de 44 % du PIB, avec le coin fiscal (charges et impôts supportés par les revenus du travail) qui figure parmi les plus élevés, la France est un cas. Or, la quasi-totalité des candidats veulent encore continuer voire accélérer cette politique. Il y a de la folie dans l’air. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par les petits candidats et Benoît Hamon, c’est plus de dépenses publiques, plus de prestations. C’est Keynes qui est tendance et non Schumpeter et Hayek.

François Fillon pour le changement de cap budgétaire

François Fillon fait bande à part suivi néanmoins à quelques encablures par Emmanuel Macron pour la promotion d’une gestion vertueuse des finances publiques. Pour François Fillon, cela fait longtemps qu’il a pris le parti de vouloir mettre un terme à cette spirale infernale. N’a-t-il pas osé dire qu’il était le Premier Ministre d’un Etat en faillite ? Il prévoit un plan d’économies de 100 milliards d’euros sur cinq ans Il entend supprimer 500 000 postes de fonctionnaires par non renouvellement des départs à la retraite. Pour la fonction publique d’État, en considérant que les ministères de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice seraient épargnés, seuls 10 à 15% des départs à la retraite seraient remplacés dans selon nos calculs. François Fillon propose de réduire les dotations aux collectivités locales de 7,5 milliards d’euros. Le report de l’âge légal de la retraite à 65 ans permettra d’économiser 20 milliards d’euros.

Son programme comporte également des mesures de baisse des recettes publiques qui atteindraient en 2022 plus de 50 milliards d’euros avec à la clef une revalorisation du pouvoir d’achat des actifs via une baisse des cotisations sociales salariales. Il prévoit une hausse du taux normal de TVA qui devrait rapporter 12 milliards d’euros affectés à la diminution des charges sociales.

Son plan devrait ramener les comptes publics à l’équilibre en 2022 et permettre une diminution de la dette publique.

La relance selon Hamon

Le candidat du Parti socialiste veut relancer l’économie de plus de 70 milliards dans l’économie à l’horizon 2022, dont 35 milliards seraient consacrés à son fameux Revenu universel. Pour financer ces dépenses, Benoît Hamon veut taxer les « super-profits » des banques à hauteur de 5 milliards. Il estime possible, également, de récupérer 11 milliards via la lutte contre l’évasion fiscale, 10 milliards sur le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Et, à terme, 30 milliards d’impôts grâce au regain d’activité provoqué par son programme. Benoît Hamon table sur une croissance moyenne de 1,95 % sur le quinquennat et un déficit ramené à 2,7 % en 2022.

Marine Le Pen, la fuite en avant

Marine Le Pen finance son programme de relance publique (augmentation des prestations sociales, retraite à 60 ans, etc.) en pariant sur l’éternel retour de la croissance et en taxant les étrangers et les importations. Le coût de la sortie de l’Union européenne n’est pas évalué. Sur la gouvernance publique, Marine Le Pen reste assez discrète.

L’augmentation des dépenses publiques pérennes est évaluée à plus de 100 milliards d’euros. Pour le seul budget de l’Etat, la hausse serai de plus de 34 milliards d’euros par an en fin de quinquennat. Pour la sécurité sociale: l’augmentation de certaines prestations sociales, les surcoûts se chiffre à plus de 40 milliards d’euros dont 27 pour la diminution de l’âge de départ à la retraite. Au niveau des économies, Marine Le Pen prévoit de réduire les dépenses de quelques milliards d’euros. Les allègements fiscaux hors taxe sur l’étranger sont estimés à 20 milliards d’euros. La hausse des droits d’importations est censée dégager jusqu’à 20 milliards d’euros de recettes.

L’équilibriste Emmanuel Macron

Emmanuel Macron s’inscrit dans le prolongement de la gestion des finances publiques de François Hollande. L’ancien ministre de l’Économie s’est engagé à réduire les dépenses publiques de 60 milliards d’euros durant son quinquennat. Le détail de ces économies n’est pas connu à l’exception de la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires. Il prétend réduire les dépenses de l’assurance-maladie de 7 milliards d’euros, ce qui apparaît bien improbable compte tenu du vieillissement de la population. Sa réforme de l’assurance-chômage voire celle sur le régime unique des retraites pourrait générer de nombreux surcoûts.

Jean-Luc Mélenchon, bienvenu en URSF

Le candidat de La France insoumise entend relancer l’économie de près de 200 milliards d’euros soit 10 % du PIB, du jamais vu même chez les Soviets. La dépense publique augmenterait de plus de 170 milliards sur le quinquennat, hausse couplée à un plan d’investissement de 100 milliards.

Pour financer, il prévoit de supprimer les niches fiscales, d’instituer un impôt sur le revenu avec 14 tranches, d’augmenter les prélèvements sur les entreprises, sur le patrimoine et de lutter contre la fraude. S’il affirme pouvoir abaisser à 2,5 % le déficit public en 2022, les conjoncturistes pronostiquent plus de 8 %.

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