Edito
Pourquoi la France continue de refuser de faire du plein emploi une priorité
Pendant la fameuse période des trente glorieuses qu’a connue la France l’objectif du plein emploi paraissait s’imposer : il était devenu la règle générale et ne supportait pas d’exception. Il continue au demeurant de dominer la politique des grands pays industriels. Aux –Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en Suisse et dans la plupart des pays de l’Europe du Nord, le travail pour tous est la norme générale. Mais, comme dans de nombreux autres domaines, la France fait exception.
Pendant la fameuse période des trente glorieuses qu’a connue la France l’objectif du plein emploi paraissait s’imposer : il était devenu la règle générale et ne supportait pas d’exception. Il continue au demeurant de dominer la politique des grands pays industriels. Aux –Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en Suisse et dans la plupart des pays de l’Europe du Nord, le travail pour tous est la norme générale. Mais, comme dans de nombreux autres domaines, la France fait exception. L’affaire n’est pas nouvelle : elle taraude le pays depuis plusieurs décennies. Au départ, on note un glissement de sémantique : on est passé du concept de plein emploi à celui de lutte contre le chômage. Comme si l’’on avait abandonné au fil des ans l’idée de fournir à chacun une activité pour parer au plus pressé et tenter d’endiguer la progression régulière du chômage.
Le point culminant de cette évolution est apparu avec l’idée de renverser la fameuse courbe à laquelle François Hollande avait conféré un véritable caractère religieux, qui donnait lieu chaque mois à de longs commentaires désabusés dans la presse et qui aura finalement été en partie à l’origine du renoncement du chef de l’Etat à se représenter à l’élection présidentielle, un cas unique sous la cinquième République. Aujourd’hui, le chômage est devenu une véritable obsession. Pour les jeunes, l’idée d’obtenir un emploi apparait comme un parcours d’obstacles, où un grand nombre trébuche, tandis que ceux qui ont franchi la barrière n’ont qu’une crainte, celle de perdre ce qu’ils ont eu de la peine à gagner. Car la situation n’a cessé d’empirer depuis un demi-sècle. En 1967, alors que le chômage concernait moins d’un pour cent de la population active, le premier Ministre Georges Pompidou affirmait que si la France atteignait le chiffre de 500 000 sans emplois, ce serait la révolution. C’est alors qu’à titre de précaution, son gouvernement créait l’Agence nationale pour l’emploi, ancêtre de Pôle emploi, qui n’a cessé de prospérer depuis lors. C’est aussi la période, où la crainte de troubles sociaux qui pourraient résulter de la dégradation de la situation, a conduit à bâtir un système d’indemnisation du chômage particulièrement généreux puisque les licenciés économiques bénéficiaient d’une indemnisation correspondant à 90% de leur dernier salaire, de manière à assurer le maintien de leur pouvoir d’achat. Une générosité fondée au départ sur la crainte que le chômage faisait régner dans les milieux politiques, mais qui a contribué à provoquer un effet anesthésiant, qui installait peu à peu les chômeurs dans une sorte d’état de droit, rendant plus difficile psychologiquement la recherche d’un emploi.
La gauche n’a pas agi différemment de la droite sur ce plan. En arrivant au pouvoir en 1981, François Mitterrand s’engageait à maintenir le chômage en dessous de deux millions. Mais très vite, il comprenait que c’était un objectif intenable et se contentait de multiplier les mesures de cache misère, comme les allègements de charge, les emplois jeunes, etc., avec le sentiment que tout avait été essayé sans succès et qu’il valait mieux passer à autre chose. François Hollande, grand admirateur de Mitterrand, a voulu reprendre le flambeau avec le résultat que l’on sait.
Tout ceci explique aujourd’hui la prudence des candidats à la présidentielle qui ont pratiquement écarté la question du chômage de leurs objectifs. François Fillion s’est montré le plus audacieux en estimant que l’on pourrait revenir un jour au plein emploi et ramener le chômage à 7% de la population active en 2022. Mais, ses compétiteurs gardent dans ce domaine un silence assourdissant. Comme si personne n’osait vouloir prendre le dossier à bras le corps, en préférant recourir à la facilité d’indemniser le chômage plutôt qu’engager une lutte frontale à laquelle notre pays renonce depuis un demi-siècle, et qui ronge peu à peu son économie.
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