75% ou hallal... La transgression politique, une stratégie de campagne devenue inévitable<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Les candidats essaient bien sûr de fidéliser, capter l'attention ou ramener vers eux des segments de l'électorat qui suivent moins la politique ou qui hésitent.
Les candidats essaient bien sûr de fidéliser, capter l'attention ou ramener vers eux des segments de l'électorat qui suivent moins la politique ou qui hésitent.
©Reuters

Débordement des lignes

En annonçant la mesure de la taxe à 75% sur les revenus les plus élevés, François Hollande, a marqué cette campagne présidentielle, tout en essayant d'aller chercher des voix à la gauche de la gauche. Une stratégie de campagne basée sur la nécessité, dans cette première phase, de faire bouger les lignes.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

Voir la bio »

Atlantico.fr : La "transgression" est-elle devenue une nouvelle façon de faire de la politique, finalement peut-on tout se permettre pour récupérer des voix ? En, effet, depuis que François Hollande a proposé une taxe à 75% pour les riches, dans les sondages l'écart entre lui et Nicolas Sarkozy s'est accentué.

Bruno Cautrès : La mot "transgression" est un peu fort. En fait, la campagne présidentielle oblige les candidats, notamment les principaux qui se disputent la première place à l'issue du premier tour, à envoyer des signaux forts au coeur de leurs électorats. Par ailleurs, ces principaux candidats ont souvent du mal à se démarquer clairement sur les sujets économiques compte-tenu que les marges de manoeuvre sont faibles. Ils sont donc dans l'obligation d'envoyer quelques signaux symboliques forts à leurs électeurs de manière à accentuer la dynamique en leur faveur à l'intérieur de leur camp. Les candidats essaient aussi de se démarquer au plan culturel et au plan des questions de société. 


Comment faire lorsqu'on annonce de telles propositions pour revenir à des idées politiques plus traditionnelles qui pour le coup collent avec la pensée de son parti politique ?

Le problème des annonces symboliques, notamment en matière économique, c'est que le candidat est ramené vers elles lorsqu'il est élu. Ces propositions marquent fortement le débat public pendant la campagne électorale et celui qui les a formulées ne peut facilement prendre de la distance vis à vis d'elles. L'attitude caractéristique de l'homme politique dans ce domaine est ensuite de dire qu'il a voulu lancer un débat, qu'il faut se mettre autour d'une table pour en parler ou organiser un grand débat public (par le passé on a connu le débat sur l'identité nationale, le Grenelle de l'environnement), puis la proposition s'édulcore ou est aménagée avec plein d'exceptions... Repensons seulement au destin de la taxe carbone...

Toutes ces annonces n'ajoutent-elles pas à la confusion de l'électorat. Modifient-elles les habitus électoraux?

En fait, les électeurs sont avant tout déterminés dans leurs choix électoraux par des préférences de longue durée : appartenances sociales, proximités idéologiques ou systèmes de valeurs pèsent de tout leur poids dans le choix présidentiel. Les candidats essaient bien sûr de fidéliser, capter l'attention ou ramener vers eux des segments de l'électorat qui suivent moins la politique ou qui hésitent. En cela leurs propositions "transgressives", pour reprendre votre vocabulaire, sont comme des balises qu'ils envoient afin d'éclairer le chemin d'électeurs parfois perdus dans les propositions et évènements de la campagne. En l'occurrence, François Hollande a voulu clairement baliser son chemin comme étant à gauche et par contraste renvoyer Nicolas Sarkozy dans l'image du "président des riches". On est dans le symbole très fort avec cette proposition.

Ce phénomène de "trangression" est-il nouveau ?

Non, pas du tout. Toutes les campagnes électorales, en particulier depuis quelques décennies, donnent aux candidats l'occasion de formuler des propositions très marquantes au plan de leur message. En 1997, au Royaume-Uni, Tony Blair avait multiplié les symboles pour monter que le "New Labour" n'était pas l'ennemi du business (s'affichant avec Richard Branson par exemple). Ces stratégies peuvent être dangereuses dans le cas français car l'élection est à deux tours et qu'il faut rassembler au delà de son camp pour le second tour. Néanmoins François Hollande a pris un faible risque avec cette proposition car une part très importante de l'électorat est choqué par ce que les gens vivent comme des rémunérations excessives.
Propos recueillis par Priscilla Romain

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !