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La dette publique de la France s'élève à 1 700 milliards d'euros et elle augmente de 500 millions d'euros par jour.
La dette publique de la France s'élève à 1 700 milliards d'euros et elle augmente de 500 millions d'euros par jour.
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Endettement

La dette publique de la France s'élève à 1 700 milliards d'euros et elle augmente de 500 millions d'euros par jour. Le livre "France, la faillite ? : Après la perte du AAA de Philippe Herlin explique comment nous en sommes arrivés à un tel niveau d'endettement et évalue les risques de faillite de l'Etat. Extraits (2/2).

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Cela fait en général quelques lignes dans la presse, mais le procédé est courant. Ainsi, on apprend, le 24 juillet 2009, l’annulation de la dette du Cameroun envers la France, pour un montant de 1,2 milliard d’euros (soit autant de plus pour la dette française !). Mais cette annulation comprend une contrepartie : elle est faite « en échange de la réalisation de projets de dévelop­pement, définis en commun par Paris et Yaoundé, d’ici 2016 »[1], sous-entendu les entreprises françaises devront avoir leur part du gâteau. Et en 2016, on annulera de nouveau la dette que le Cameroun ne pourra pas payer… La dette sert aussi à faire tourner des entreprises fran­çaises à l’étranger, mais on finance des intérêts privés avec de l’argent public : la « Françafrique » dans toute sa splendeur !

On comprend le manège : la France prête de l’argent à des pays dans lesquels elle exerce une « certaine influence », une grande partie de cette somme finance des contrats signés avec des entreprises françaises, puis quand vient le moment de rembourser, le pays ne peut pas (car de toute façon la corruption endémique empêche tout décollage économique). Ce n’est pas grave, on annule la dette et on recommence ! Il y a aussi, dans ce domaine, des économies à faire.

Comment s’endetter sans s’endetter : les ppp

Comme pour automatiser ce qu’il faisait jusqu’ici de façon ponctuelle (grâce à des structures spécifiques pour isoler des dettes, voir la section précédente), l’État a créé en 2002 un remarquable outil pour masquer une partie de sa dette : le partenariat public-privé (PPP). La construction d’un équipement public, d’un hôpital ou d’une prison, oblige l’État (ou la collec­tivité locale) à s’endetter. Pour éviter cela, il crée une structure juridique spécifiquement dédiée au projet, un PPP, réunissant la puissance publique et les entreprises privées concernées. Ensuite, ce PPP s’endette, avec le concours des entreprises partenaires, et percevra durant une ou plusieurs décennies des versements de l’État. Des versements plutôt qu’un emprunt, pour l’État, l’avantage est évident : sa dette n’augmente pas.

Le vice-président du Conseil de l’ordre des architectes dénonce cette procédure « très onéreuse en raison de la limitation drastique de la concurrence de milliers d’en­treprises à trois ou quatre majors, toujours les mêmes, qui se partagent les marchés, avec des risques réels d’entente et de collusion »[2]. Selon lui, « ces États se conduisent comme des ménages surendettés qui trichent sur leurs déclarations pour continuer à emprunter ».

Ces structures opaques font reposer le risque sur le contribuable quand il faut « rajouter au pot », lorsque les besoins ont été sous-estimés, ce qui s’est déjà produit à plusieurs reprises au Royaume-Uni, également adepte de cette formule. Ces montages sont tout à fait compa­rables aux SPV (Special Purpose Vehicle), ces entités ad hoc créées par les banques d’affaires pour y loger des dettes qui n’apparaîtront ainsi jamais dans leurs bilans. Le futur tribunal de grande instance des Batignolles à Paris, d’un coût estimé à 632,5 millions d’euros, devrait être financé de cette façon, ce qui évitera à l’État d’aug­menter son endettement en contrepartie d’un loyer s’étalant sur 40 ans. À une autre échelle, le métro de grande banlieue construit dans le cadre du Grand Paris sera financé de cette façon, et ce sont 35 milliards d’eu­ros de « vraie-fausse » dette qui n’apparaîtront jamais dans la dette de l’État !

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Extraits de France, la faillite ? : Après la perte du AAA, Eyrolles (mars 2012)



[1] « La France maintient l’aide au Cameroun », lefigaro.fr, 24 juillet 2009.

[2] Denis Dessus, « L’endettement caché de la France », Le Monde, 27 avril 2010.

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