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Le Brexit est un divorce qui va très mal se terminer : les Britanniques prennent de gros risques et les Européens ne savent pas gérer la situation.
©Reuters

A l'amiable ?

Theresa May va tout faire pour transformer la procédure de Brexit en un dialogue de sourds.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Theresa May va donc aujourd’hui enclencher la procédure du Brexit et engager une procédure de divorce qu‘elle a bien l'intention de faire trainer. Ce qui est terrible dans cette affaire historique, c’est que le gouvernement anglais a présenté à sa population ce Brexit comme un divorce à l’amiable, un divorce de raison un peu comme il en existe dans certaines familles modernes et intelligentes. Mais ça n’est pas du tout le cas.

Theresa May aurait pu dire à la famille.  « Et bien les enfants, l’Europe et nous, avons décidé de nous séparer. Le couple était bancale. L‘Europe avait des envies et des lubies respectables mais qui ne nous convenaient guerre. Nous allons donc faire chambre à part, chacun va ranger sa chambre, et pour notre part nous la fermerons à clef pour ne pas être dérangés par des étrangers. Mais pour le reste, ne vous inquiétez pas, nous allons garder les cartes de crédit que nous utilisions, vous pourrez continuer d’aller en vacances en France et, contrairement à ce que certains affirment, je ne vois pas pourquoi nous aurions plus de mal à boucler la fin du mois. Nous allons rester amis avec les européens. Alors je sais que beaucoup vont quitter Londres, je sais que les britanniques qui vivent à la française dans le sud ouest pourront y rester »

Bref, Theresa May souhaite un divorce à l'amiable sinon, elle peut se fâcher, mais elle ne se fâchera pas. On n'en est pas à se lancer la vaisselle à la figure. 

Coté européen, on n’est absolument pas sur cette fréquence. « Ce Brexit nous est imposé, nous n'avons rien demandé, nous ne pouvons pas le refuser, mais nous allons évidemment dissoudre le couple qui se sépare. Plus de crédit, plus de rapports privilégiés, on va même faire un calcul précis de ce que les uns doivent aux autres  et couper les ponts.. Bref un bon divorce pour faute avec indemnités compensatoires et pensions alimentaires pour les petits anglais qui resteraient sur le continent ».

On est loin de la séparation amicale. On est donc partis pour une procédure qui va durer au mieux 2 ans et sans doute plus et qui va couter très cher à tout le monde. Les populations vont donc en faire les frais. Exactement comme les enfants dans un divorce. Ca va leur tomber dessus et personne ne les aura prévenus.

Personne n'a expliqué aux anglais, qu’en votant le Brexit, ils allaient s’engager dans une procédure extrêmement couteuse et très longue. Personne ne l'a expliqué parce qu’au fond, les partisans du Brexit n’y croyaient pas. La meilleure preuve est qu’au lendemain du referendum qui approuvait le Brexit, les leaders ont quitté le navire devant l’ampleur de la tâche et le manque de perspectives. Ils ont fui leurs responsabilités, incapables de les prendre et d'en assumer les effets.

Le problème est que, maintenant, la première ministre britannique est obligée d’aller au charbon et de faire le job (sinon, elle perdrait le sien). Seulement, la procédure Brexit est tellement compliquée, elle porte tellement de bouleversements et de coûts programmés, que les dirigeants britanniques ont bien l'intention de faire trainer les choses le plus longtemps possible.

On va donc participer en tant qu‘européens à un gigantesque dialogue de sourds comme il n'y a eu rarement dans l'Histoire, entre la Grande Bretagne et l'Europe. Même Talleyrand n'aurait pas pu l'imaginer.

Le dialogue de sourds, né entre deux parties qui ne veulent pas s’entendre. Comme elles ne veulent pas s'entendre, elles parlent fort de sujets qui ne correspondent pas.

Les anglais, d’abord, vont engager la procédure du Brexit par la demande d’une négociation avec les européens qui leur permettrait de conserver le passeport européen, c’est à dire la liberté pour toute entreprise installée sur le territoire britannique, de faire commerce avec l'Europe. Ce passeport a contribué à la richesse de l’empire, car il a attiré beaucoup d’activités étrangères destinées à l’Europe.

Le passeport pour les entreprises et pour les capitaux, c’est le 1e but final des anglais.

Le 2e, c’est de fermer la porte aux populations immigrantes.

Le 3e, c’est d’essayer de garder un œil sur les affaires européennes sans avoir à payer ce droit de regard.

En gros, si on résume le point de départ de la procédure pour les anglais : ils quittent l'Union européenne, cessent toute contribution au fonctionnement de Bruxelles, mais veulent conserver les avantages du grand marché sans les contraintes réglementaires ou les contributions financières. 

Du côté européen, après quelques semaines d’abattement, la Commission a réussi à établir un cahier de conditions préalables au Brexit. Ces conditions sont légitimes, mais elles ne correspondent en rien à ce que les anglais sont en train de travailler.

La Commission se déclare prête à discuter les points et les demandes Britanniques, à condition de solder les modalités financières et réglementaires et d’apurer le passé .

1e condition : il faudra que la Grande Bretagne règle son solde de tout compte, c'est à dire le reste à payer de sa contribution. Il y en a pour 60 milliards d’euros.

2e condition : il faudra que Londres gère ou rapatrie les 1500 fonctionnaires britanniques qui travaillent à Bruxelles et prenne en charge les salaires, les impôts et les retraites.

3e condition : il faudra que Londres déménage les agences européennes installées à Londres, une sur la vie financière et l'autre sur le médicament. Soit 2000 personnes.

Enfin 4e position : il faudra que Londres propose un statut pour les européens résidant à Londres et suggère des aménagements en contrepartie pour les anglais résidant en France. Le problème est principalement fiscal et social.

Ce dialogue ne se croisant pas, il peut durer un certains temps. Pour l'instant, l'Union européenne n'a pas mis de deadline. La Grande Bretagne non plus. Sauf que dans les textes du Brexit, les anglais s’étaient donné entre 3 et 4 ans.

Le seul point positif dans cet échange de bons procédés, c’est que, ni la Grande Bretagne, ni l'Union européenne n'a commencé officiellement à mentionner des mesures de rétorsions ou de sanctions.

Le discours conflictuel a été réservé aux postures politiques internes, Theresa May a brandi une fois la menace de transformer la Grande Bretagne en paradis fiscal pour attirer les entreprises et répondre aux menaces de droits de douane, mais c’était pour galvaniser ses troupes et constituer une majorité.  L'idée d’un Brexit dur (hard Brexit) s’éloigne.

Du côté européen, on estime que personne n'a intérêt à brusquer les attitudes. On se résout à travailler à des accords qui ressembleraient à ceux qui relient la Suisse à l'Union européenne.  Sauf que les accords entre la Suisse et l'Union européenne se traduisent par un arrangement financier. La Suisse achète, chaque année, le droit de circuler en Europe et de faire commerce sur les marchés extérieurs. 

D’après les premiers calculs, un accord de ce type entre la Grande Bretagne et l'Union européenne reviendrait sans doute plus cher que la contribution actuelle.

La discussion sur ce point risque donc d’être difficile. On fera appel d’un côté à la mémoire de Mrs Thatcher et de l'autre, au Général De Gaulle. Si on ressort les grandes figures historiques, on en arrivera aussi à penser que l’indépendance nationale a un prix, que les peuples acceptent de le payer plus cher que l'indépendance économique.

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